Le n° 1 mondial de la pharmacie doit s'expliquer sur l'expérimentation menée, en 1996, au Nigeria sur une centaine d'enfants touchés par la redoutable épidémie de méningite qui sévissait alors en Afrique. Révélée par le Washington Post, l'affaire a d'abord été portée devant la justice américaine par les familles nigérianes, avec le soutien d'un cabinet d'avocats new-yorkais. Mais la procédure s'est enlisée. Cette fois, la plainte émane de l'Etat de Kano, le plus grand du pays. Les auditions doivent débuter le 4 juin, à Kano même, la ville où les enfants étaient hospitalisés à l'époque.
Sur le chef d'accusation le plus grave, la «mort de victimes innocentes», le débat sera difficile à trancher. Cinq malades sont décédés après avoir reçu du Trovan, l'antibiotique testé par Pfizer. Mais, dans le groupe sous traitement classique (avec un autre produit que le Trovan), la proportion s'est révélée comparable, avec six victimes.
La méningite à méningocoques reste en effet une maladie potentiellement mortelle, même en France, où elle tue dans 10% des cas environ. Reste que le Trovan n'a pas obtenu son agrément en Europe par la suite, tandis que les Etats-Unis l'ont autorisé de façon très restrictive, et seulement chez les adultes. Dans un communiqué, Pfizer «réfute fermement toute allégation de quelconques manquements à l'éthique». Le laboratoire dit avoir agi «dans l'intérêt des patients» et respecté les procédures habituelles.
Ce procès emblématique promet d'aborder les questions liées à l'expérimentation dans un pays en voie de développement. Les parents ont-ils donné leur consentement, comme l'assure Pfizer? Un comité d'éthique digne de ce nom a-t-il été sollicité? Et, enfin, le Trovan était-il destiné, ultérieurement, aux pays africains?
Estelle Saget (Lexpress.fr)
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