Ce n'est pas le titre d'une fiction politique. Mais bien une réalité vécue après la proclamation, par la Commission nationale de recensement des votes, des résultats provisoires issus du scrutin législatif du 3 juin dernier et qui créditent la Coalition Sopi de 131 sur les 150 sièges de députés à pourvoir dans la future chambre.
Cent
trente-et-un députés sur une Assemblée qui devra en compter 150, le
Sénégal de 2007 méritait mieux. Surtout après une alternance réussie et
chantée partout à travers le monde comme une rupture avec les pratiques
des Républiques bananières nées des indépendances. Après un taux de
participation qui s'est finalement avéré être le plus bas de l'histoire
politique (34,75 %, contrairement à ce qui pourrait être un mensonge
d'Etat et qui tablait sur 38% ), après un raz-de-marée bleu qui devrait
plus faire rougir que pavoiser, l'écrasante majorité des Sénégalais
sont, aujourd'hui, dans leurs petits souliers en se demandant quelle
gueule ils devraient avoir avec ces résultats qui nous rappellent la
préhistoire de la démocratie. Tout cela, par la faute d'une classe politique moyenâgeuse qui
résiste à opérer sa catharsis. Une nomenklatura politique qui refuse
d'opérer les mutations nécessaires en regardant moins son nombril que
l'intérêt général. Résultat des courses : aujourd'hui, dans la sous-région, nous sommes
devenus les derniers de la classe, la lanterne rouge des systèmes
démocratiques. Si on en est arrivé à ce résultat de la honte, c'est
bien à cause de ce dialogue de sourds dans lequel pouvoir et opposition
représentative se sont emmurés au nom d'enjeux auxquels les citoyens
sont, totalement, étrangers. Et au niveau de l'échelle des responsabilités, le pouvoir devrait se
tailler une bonne place. Ce pouvoir qui a refusé, obstinément, d'ouvrir
des passerelles de dialogue pour permettre de discuter, entre
responsables, de tous les sujets contentieux et de dépasser des
futilités dont le Sénégal d'après 2000 aurait bien pu faire l'économie.
En 2007, être là à discuter de la fiabilité du fichier électoral, de la
distribution tendancieuse des cartes d'électeurs, de la composition
partisane des bureaux de vote, de la neutralité de l'administration...,
c'est insulter l'histoire. Le refus du pouvoir de s'asseoir avec
l'opposition autour d'une même table pour vider les questions en litige
est une faute lourde. Le jusqu'au boutisme de l'opposition tendant à
dire ‘tout ou rien’ est une erreur politique qu'elle paiera cash. Et de
ces deux extrêmes est née une Assemblée nationale, véritable monstre
institutionnel : un seul groupe parlementaire qui distribue postes et
privilèges, une majorité mécanique et à la solde de l'Exécutif qui aura
tout loisir de faire passer les lois les plus ignominieuses et les plus
impopulaires. Parce que, même si Fada, Robert Sagna et Landing Savané
décidaient d'unir leurs forces pour constituer un groupe politique, le
règlement intérieur de l'Assemblée nationale constituerait un blocage.
Cette loi organique fixe, en effet, à un dixième le nombre de députés
requis pour constituer un groupe parlementaire. Le calcul donne 15
députés. Et vu les sensibilités et origines politiques des 19 députés
dits de l'opposition parlementaire, il serait illusoire de penser
qu'ils pourraient constituer un groupe homogène pour faire contrepoids
aux velléités hégémoniques de la majorité. Et que dire du contrôle du gouvernement par l'Assemblée nationale
dont les commissions d'enquête parlementaire constituent les
corollaires ? Ce contrôle sera, simplement, inexistant. Parce qu'il
serait, tout de même absurde, d'imaginer, un seul instant, une
Assemblée, bleue dans sa quasi-totalité, se tirer une balle dans les
pattes au nom d'une prétendue obligation de transparence ou de bonne
gouvernance. Maintenant, le vin est tiré ; il faut le boire. Et jusqu'à la lie ! Dites, donc, qui pourrait faire la Perestroïka au Sénégal ?
Les
résultats provisoires du scrutin du 3 juin dernier rendus publics hier
par la Commission nationale de recensement des votes ont dû donner la
chair de poule à tout Sénégalais encore épris de quelque scrupule
démocratique. Cent trente-et-un députés sur les 150 sièges de
l'Assemblée nationale à pouvoir : ces résultats auront le don de nous
ramener des décennies en arrière. C'est-à-dire au moment où
l'encombrante Ups/Ps se taillait la part du lion dans une Assemblée
nationale où l'opposition de l'époque (Pds, Rnd) se contentait de la
portion congrue. On devrait être dans les années 1978.
Auteur: Ibrahima ANNE
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