Le 31 mai, l'opposition a renversé le gouvernement dirigé par Hama Amadou en déposant une motion de censure. Elle s'est opposée le 3 juin à la nomination d'Oumarou Seynou au poste de Premier ministre. Pour le quotidien burkinabé Le Pays, la démocratie nigérienne fonctionne.
C'est une leçon mémorable de vitalité démocratique et surtout de dignité que le Niger vient de donner à tous ceux qui l'ont toujours considéré comme un petit Poucet de la politique en Afrique de l'Ouest. En parvenant à faire voter la motion de censure, les députés nigériens ont prouvé que l'appartenance à la mouvance présidentielle ne signifie nullement l'acceptation moutonnière des desiderata du pouvoir, encore moins la protection de responsables indélicats aux dépens de l'intérêt public. Ce précédent est historique, d'autant que la majorité présidentielle se compose de 88 députés dont 48 appartenant au parti du Premier ministre, et que le gouvernement était en place depuis seulement trois mois. En tant que tel, ce précédent mérite d'être salué. Surtout que les critiques ont souvent reproché à ce Parlement d'avoir en son sein des députés qualifiés "d'analphabètes".
Plusieurs acteurs ont contribué à l'aboutissement de la motion. D'abord l'opposition qui y a cru jusqu'au bout. De toutes ses forces, elle a lutté et triomphé. Ensuite, la société civile qui a harcelé constamment les pouvoirs publics, tant les scandales se multipliaient. On se souvient encore de ces grèves et marches qui ont ému toute l'Afrique et sérieusement secoué la classe politique nigérienne. Justice doit également être rendue aux magistrats nigériens dont le courage se manifeste dans la recevabilité du dossier. Les citoyens africains ont besoin de ce type de magistrats qui savent s'assumer et défendre les deniers publics.
Mais si la motion a permis de congédier l'équipe gouvernementale nigérienne, c'est aussi grâce au soutien des éléments lucides du groupe majoritaire au pouvoir. Entre autres, ceux appartenant au parti du président de l'Assemblée, M. Mahamane Ousmane. En acceptant de voter la motion de censure aux côtés des députés de l'opposition, ces élus membres ou proches du parti au pouvoir ont aussi fait preuve de probité, de courage et de patriotisme. Par ce geste salutaire, ils aideront à terme leur parti à procéder à une épuration dans ses rangs. En effet, outre les nombreux militants sincères et honnêtes, les partis-Etats qui gouvernent nos pays sont parfois infestés d'aventuriers et de délinquants au col blanc.
Par ailleurs, l'opposition nigérienne a gagné sa cause pour avoir aussi réussi à convaincre les partenaires techniques et financiers de son bon droit. Cela lui aura valu un soutien de taille, notamment dans le traitement du scandaleux dossier de l'éducation de base, dans lequel se sont volatilisés des milliards de francs CFA aux dépens de l'enfant et du contribuable nigériens. Bien que discrets, les bailleurs de fonds ont affiché tout au long du processus une vigilance et une détermination à la hauteur des enjeux.
Enfin, il y a aussi et surtout nos confrères qui se souviendront encore longtemps de ce gouvernement Hama qui n'a jamais porté la presse dans son cœur. Hommage doit donc être rendu aux journalistes nigériens dont certains ont atrocement souffert d'avoir osé défendre la vérité et la justice face à un gouvernement arrogant et répressif. Aujourd'hui, il faut réhabiliter la presse nigérienne qui a fait preuve d'un sens aigu des responsabilités et permis à la démocratie de faire une avancée significative dans ce pays.
En attendant d'autres éclaircissements, on peut s'interroger sur l'avenir politique du Premier ministre remercié, lui qui paraissait un successeur potentiel du chef de l'Etat nigérien. Est-ce également le fait d'être de plus en plus considéré comme le dauphin de Mamadou Tandja qui lui a valu son débarquement ?
Presque à mi-mandat, le président Tandja, qui semble pour l'instant hors de cause, a intérêt à ce que les dossiers en cours soient conduits à bon port. Il y va de sa crédibilité et de son honneur. D'ici là, il doit désigner un nouveau Premier ministre ou dissoudre l'Assemblée nationale pour se chercher une nouvelle majorité à la suite d'élections législatives anticipées.
Ce qui vient de se passer chez nos voisins constitue une véritable bouffée d'oxygène pour les citoyens de nos pays, las des comportements de nos Parlements béni-oui-oui. Le Niger démontre ainsi qu'à force de se battre, même minoritaire, l'opposition peut bien venir à bout d'un système pourri. Il s'agit d'un travail de moine, mais qui finit par payer. L'essentiel étant d'accumuler preuves après preuves, de se faire entendre et savoir gagner les autres à sa cause.
Pour ce faire, il est profitable de savoir travailler avec une presse responsable et une société civile bien organisée. Il faut également apprendre à détecter parmi les éléments de la majorité présidentielle les acteurs politiques honnêtes, courageux et résolus. En dépit des intrigues, des menaces et des intimidations diverses, ceux-ci savent prendre leurs distances quand il le faut et se faire l'avocat de l'intérêt général. De tels éléments finissent tôt ou tard par rejoindre le camp de la vérité, de la justice et de la démocratie.
Le Pay
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