Marquée par une très faible participation, le scrutin législatif du 3 juin se traduit par une double-défaite: celle du président Abdoulaye Wade, qui n'est pas parvenu à mobiliser les électeurs; celle des partis d'opposition, qui appelaient au boycott, mais n'auront aucun représentant au parlement sénégalais. Comment faire d'une défaite annoncée une victoire par défaut? Trois mois après la réélection dès le premier tour du président Abdoulaye Wade, les principaux partis d'opposition sénégalais, réunis sous la bannière du Front Siguil ("Relève la tête" en wolof), ont cherché le salut dans le boycott lors du scrutin législatif du 3 juin. Avec, au passage, l'ambition d'alimenter les craintes qu'inspire la dérive autoritaire du régime.
Conséquence d'une telle stratégie: seul enjeu du scrutin, le taux d'abstention - 62% selon le ministère de l'Intérieur, contre 30% à la présidentielle - est censé refléter l'ampleur du désaveu du clan Wade.
L'opposition, emmenée notamment par Abdoulaye Bathily et le socialiste Ousmane Tanor Dieng, ne s'adjuge dès lors aucun siège, mais s'empresse de crier victoire et exige, sans y croire, la démission du chef de l'Etat. En réalité, ce coup de poker n'est qu'un trompe-l'œil. Le triomphe par KO du prophète du "Sopi" (le changement), le 25 février, ne laissait guère d'espoir à ses adversaires. Plutôt que de subir un nouvel affront électoral, l'opposition dite "significative" a jugé plus judicieux de se dérober, tout en récusant le verdict de la présidentielle, entachée, selon elle, de fraude manifeste.
Le procédé n'a rien d'inédit au Sénégal. A deux reprises, en 1984 et en 1990, les élections municipales et rurales avaient également été boycottées en vertu d'un grief analogue: le non-respect des règles démocratiques élémentaires. Avant que le Sénégal ne conquière son image flatteuse de laboratoire démocratique africain, grâce à l'alternance exemplaire de 2000, les isoloirs n'existaient pas. Pas plus que les règles visant à interdire le vote multiple. Reste qu'à l'époque, les appels au boycott émanaient d'un certain... maître Abdoulaye Wade, chef de file du Parti démocratique sénégalais (PDS) et de l'opposition au président socialiste Abdou Diouf. Aujourd'hui, les rôles sont inversés.
Qui sort victorieux du scrutin? Même si la participation est traditionnellement plus faible pour une élection législative, jamais l'abstention n'avait atteint un tel niveau au Sénégal. Sur la forme, ce résultat peut donc être considéré comme une victoire des partis ayant appelé au boycott. La faiblesse de la mobilisation de l'électorat est une défaite politique personnelle pour le président Abdoulaye Wade. Son engagement dans la campagne électorale, contre l'avis du Conseil constitutionnel, la présence obsédante dans tout le pays de son effigie sur des panneaux 4x3, son discours sans concession à l'endroit des "boycotteurs" ainsi que les fonds débloqués par la Coalition Sopi 2007 pour doper la participation en font le perdant paradoxal du 3 juin.
Pour autant, les ténors du Front Siguil auraient tort de se réjouir: ainsi privés de toute tribune parlementaire, il s'engagent dans une longue traversée du désert.
David Thomson (Lexpress.fr)
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