Les horreurs de la guerre sont les mêmes dans les récits des déplacés du Darfour, dans l'ouest du Soudan, mais les versions des faits varient quand on en arrive à l'explication des raisons de ce conflit politico-ethnique maintenant vieux de quatre ans.
«Le gouvernement voulait mettre fin à la présence africaine, nettoyer le Darfour des Noirs», affirme un Zagawa, tribu africaine, Omda (maire) du camp de déplacés As-Salam, proche d'Al-Facher, capitale du Darfour nord.
Assis devant sa hutte, il montre la couleur de sa peau pour appuyer ses dires et embrasse du regard la colline de sable encore humide au lendemain du passage d'un violent orage qui a quelque peu atténué la chaleur torride.
Adam Mahmoud Ahmad, choisi par les 45 000 déplacés du camp pour être leur Omda raconte sa fuite de Karnaoui, localité du nord du Darfour en avril 2005.
«Les rebelles ont commencé à attaquer les positions du gouvernement et l'armée a riposté. On était pris entre les deux. Ensuite, les Janjawids (milices arabes pro-gouvernementales), sont arrivés, tuant et pillant tout sur leur passage et on a pris refuge dans des grottes», se rappelle ce père de famille de 42 ans, marié à trois femmes, et ayant 23 enfants «dont quatre sont nés dans le camp».
«J'ai perdu une dizaine de membres de ma famille et plus de 500 têtes de bétail et regardez comment je vis aujourd'hui ... dans une hutte trop chaude en été et trop froide en hiver», poursuit-t-il.
Fatima Charfeddine, une mère de famille frêle de quarante ans, appartient quant à elle à la tribu arabe des Zayadia et vient aussi du Darfour nord. Cela fait presque quatre ans qu'elle s'est installée avec ses cinq enfants et son mari à la lisière du camp de déplacés de Zamzam, à la sortie sud d'Al-Facher.
«Quand ils ont lancé leur rébellion, les Tora Bora qui écumaient notre région, disaient qu'ils allaient exterminer nos hommes et nous prendre, nous les femmes, en esclavage», raconte cette femme, l'une des 2 millions de déplacés du conflit qui a fait en outre 200 000 morts.
Par Tora Bora, elle désigne les rebelles du groupe du Mouvement de libération du Soudan (SLA) de Mini Minawi qui a fini par signer la paix, il y a un an, avec Khartoum.
«On a pris peur et on est venu à Al-Facher. Mon père est resté à Millit, notre région, avec son troupeau, et il nous envoie de temps en temps de l'argent pour aider à la scolarisation de mes cinq enfants, dont un a accédé à l'université», ajoute Fatima Charfeddine, avec fierté.
«Avant, on vivait tous ensemble sans aucun problème. On se mariait entre Arabes et Africains mais après, des hommes n'ont pas hésité à tuer leurs propres soeurs qui étaient mariées à un homme d'une ethnie différente», affirme-t-elle pour illustrer la rupture entre les deux communautés.
Selon elle, les femmes des deux communautés ont payé le plus dans ce conflit né des revendications des Africains d'un part dans la richesse et le pouvoir.
«Que peut faire le gouvernement pour résoudre le conflit ? Rien», estime cette femme qui dit douter d'un retour à l'harmonie dans les rapports entre les deux grosses communautés et parle de tensions au sein même de chaque groupe.
L'Omda du camp d'As-Salam a la réponse toute prête, lui qui dit avoir rencontré depuis son arrivée sur les lieux plus de 500 délégations et missions intérieures et étrangères.
«Des compensations pour les victimes et le développement mais avant tout la sécurité», répond tout de go ce représentant des déplacés qui dit n'avoir pas de sympathie pour Mini Minawi.
Il a été «piégé par le gouvernement» lorsqu'il a accepté seul la paix alors que d'autres rebelles l'ont rejetée, estime-t-il en préconisant d'associer «tout le monde à la paix», ce que proclame haut et fort le gouvernement du Soudan.
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Rédigé par : toumay | 16 octobre 2007 à 10:20