DAKAR, le 24 janvier (IRIN) - Le chef de la diplomatie chinoise a achevé la semaine dernière une tournée ouest africaine au cours de laquelle il a jeté les bases d’une « coopération mutuellement avantageuse » et promis des millions de dollars aux cinq pays de la sous-région dans lesquels la Chine a massivement accru sa présence ces dernières années.
Li Zhaoxing s’est rendu successivement au Cap Vert, au Sénégal, au Mali, au Liberia et au Nigeria, et en a profité pour rendre publiques les nouvelles orientations de la politique chinoise de coopération avec un continent pourvoyeur de ressources naturelles stratégiques et de débouchés économiques avec lequel ses échanges ont quadruplé en cinq années.
Le document de stratégie a bien été accueilli par les opérateurs politiques et économiques africains qui voient de nombreux avantages dans la coopération avec le géant asiatique.
« L’Afrique a tout à gagner en travaillant avec la puissance qui exerce le rôle moteur dans la dynamique de l’économie mondiale », a déclaré à IRIN Moubarak Lo, ancien conseiller économique du premier ministre sénégalais, qui dirige un cabinet de consultants en stratégie et développement économique à Dakar.
« Ce pays qui sort de la pauvreté pourra apporter un peu d’humanisme, car je pense que la Chine est très sincère dans sa volonté d’instaurer un partenariat mutuellement favorable, basé sur son propre modèle de développement et qui fait concurrence aux modèles développés par la Banque Mondiale ou le FMI ».
Mais certains observateurs craignent que l’assistance chinoise, accordée « sans aucune condition politique » autre que la reconnaissance de l’indivisibilité de la
République populaire de Chine, puisse encourager certains Etats à perpétuer des pratiques peu démocratiques.
Olli Owen, analyste pour le groupe de réflexion britannique Global Insight, admet que la coopération sino-africaine pourra contribuer au développement des pays africains, mais craint qu’elle encourage les pratiques peu démocratiques.
« Prenons le cas du Zimbabwe où les donateurs essaient d’amener le régime en place à plus de démocratie. A supposer que la Chine veuille collaborer avec le gouvernement, elle pourrait ne pas poser d’exigences démocratiques, ce qui pourrait être préjudiciable à la population », a-t-il ajouté.
Mais, a-t-il relevé, les pays occidentaux font parfois eux aussi des affaires avec des régimes corrompus.
M. Zhaoxing a débuté sa tournée par la République du Cap Vert avec laquelle la Chine entretient des relations depuis 30 ans. Des ingénieurs chinois ont notamment construit le siège du gouvernement et du parlement capverdiens, ainsi que le premier barrage du pays.
Au terme de sa visite au Cap Vert, un pays dont l’économie est essentiellement basée sur l’agriculture, la pêche et le tourisme, il a octroyé un prêt sans intérêts de 2,5 millions de dollars américains qui seront affectés à la construction d’un hôpital à Praia, la capitale, selon un communiqué du ministre capverdien des Affaires étrangères, Victor Borges.
Le chef de la diplomatie chinoise s’est ensuite rendu au Sénégal où il a annulé une dette de 18,5 millions de dollars de l’Etat sénégalais, accordé 3,7 millions de dollars de subvention non remboursable, destinée aux infrastructures et offert 200 000 dollars en soutien aux victimes des dernières inondations.
Dans un pays où les marchés regorgent de vêtements et de produits chinois et où des entreprises chinoises sont très présentes dans les secteurs de la pêche et des travaux publics, la visite de M. Zhaoxing, la première d’un dirigeant chinois depuis neuf ans, a été rendue possible par la rupture en octobre 2005 des relations diplomatiques que le Sénégal entretenait avec Taïwan.
Le ministre chinois a par conséquent procédé à la réouverture de l’Ambassade chinoise à Dakar, la capitale sénégalaise, et annoncé la décision de son pays d'accorder annuellement 60 à 70 bourses aux étudiants du Sénégal, en sus des 21 étudiants boursiers de Taiwan contraints de quitter Taipeh l’année dernière.
M. Zhaoxing s’est ensuite rendu au Mali, pays que la Chine a soutenu dès son accession à l’indépendance, et dans lequel de nombreuses entreprises chinoises opèrent dans les domaines pharmaceutique, textile, sucrier, des télécommunications ou de la prospection pétrolière.
Avec son homologue malien, Moctar Ouane, il a signé un accord de coopération économique et technique s’élevant à près de 3,7 millions de dollars. M. Ouane a par ailleurs rappelé que la Chine avait annulé en 2001 une dette de près de 68 millions de dollars de l’Etat malien.
Le chef de la diplomatie chinoise a poursuivi son périple au Liberia. Dans ce pays ravagé par 14 années de guerre civile et où toutes les infrastructures sont à reconstruire, la Chine a dépêché un contingent de casques bleus de l’ONU et des experts médicaux et agricoles après le rétablissement des relations diplomatiques en octobre 2003.
M. Zhaoxing y a rencontré Ellen Johnson Sirleaf, la cheffe d’Etat nouvellement élue, et a octroyé au pays 25 millions de dollars ainsi que 5 millions de dollars de prêt sans intérêts remboursable en dix ans.
Le ministre chinois a ensuite assisté à l’investiture de la première femme présidente d’un pays du continent africain avant de s’envoler pour le Nigeria, la superpuissance régionale et premier producteur africain de pétrole.
Au cours de sa brève visite, M. Zhaoxing a rencontré son homologue Oluyemi Adeniji avec lequel il a signé un accord de coopération portant notamment sur les échanges politiques, économiques et culturels d’un montant de 3,6 millions de dollars.
Cette visite, qui intervenait une semaine après l’acquisition par la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) - première entreprise offshore chinoise - de 45 pour cent de l’exploitation d’un bloc offshore dans le Delta du Niger pour un montant de plus de deux milliards de dollars, a achevé la tournée ouest africaine de M. Zhaoxing.
Le chef de la diplomatie chinoise a par ailleurs invité les chefs d’Etat africains à participer au sommet Chine-Afrique qui aura lieu au second semestre 2006.
Ce forum, organisé pour la première fois en 2000 avec 45 pays du continent, a permis un important accroissement des échanges sino-africains.
Selon les chiffres publiés mercredi dernier à Beijing par l’Administration générale des douanes, les échanges sino-africains ont atteint 37 milliards de dollars en 2005, même s’ils ne représentent que 3 pour cent du commerce extérieur chinois.
La Chine importe surtout des matières premières comme le bois, les minerais, le gaz, le pétrole, et exporte de plus en plus d’équipements électroniques et de produits de haute technologie. Selon les autorités de Pékin, 78 000 ouvriers chinois se trouvent en Afrique et les investissements directs avoisinent les 175 millions de dollars.
Dans le document « La politique de la Chine à l’égard de l’Afrique » distribué par M. Zhaoxing à Bamako, la capitale malienne, les autorités chinoises, qui se décrivent comme « le plus grand pays en développement dans le monde », jettent les bases d’une coopération économique, politique, militaire, culturelle accrue profitable à toutes les parties.
Le pays s’engage ainsi à « faciliter l’accès des produits africains au marché chinois », en supprimant notamment les droits de douane sur certains produits importés des pays africains les moins développés ; à encourager fortement les entreprises chinoises à s’implanter en Afrique ; à coopérer dans l’exploitation des ressources humaines ; à réduire et annuler les dettes ».
Selon l’analyste Olli Owen, l’intérêt accru de la Chine pour le continent s’avère profitable aux parties, mais connaît des limites.
« La Chine pourra avoir un accès direct et immédiat aux ressources naturelles tandis que les pays africains pourront avoir accès à une aide financière, technique voire militaire moins contraignante », a-t-il indiqué.
« Mais je vois difficilement comment les pays africains, dont les propres marchés ont été inondés par des importations moins chères chinoises réussiront à percer sur le marché chinois autrement que pour des produits marginaux comme la cacahuète ».
Il a précisé que la Chine avait certes une expérience de développement propre, mais a émis des doutes quant à sa capacité à effectivement opérer des transferts de technologie.
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