L’IE est sûrement une appellation sublime et peut-être un gongorisme pertinent. C’est certainement un vocabulaire heureux pour les Nations dotées d’une véritable volonté de puissance, une ode à la réforme du management public. Faut-il pour autant l’interdire aux pays économiquement faibles ? Bien sûr que non. Mais quelles stratégies du faible pouvons-nous inventer face à celles des pays forts ?
L’IE, nouvelle grille de lecture, d’analyse et d’interprétation des rapports de force géoéconomiques apporte ainsi des parades, une chance, mais aussi de l’angoisse dans les relations internationales exacerbées par une compétition impitoyable. La prise de conscience d’une certaine « guerre économique » (ses effets réels ou dommages collatéraux) a fini par légitimer l’IE comme un nouvel outil de pilotage stratégique.
En France, par exemple, il a fallu beaucoup de temps avant d’impulser une politique publique d’IE, depuis le rapport Martre de 1994. Et ce n’est qu’à partir de 2003 (rapport Carayon) qu’un dispositif public national – la nomination, par décret présidentiel, d’un Haut Responsable à l’Intelligence Economique (HRIE) – a été mis en place. Depuis lors, de nouveaux territoires de l’IE
sont explorés et des pôles de compétitivité (clusters aux USA) ont été partout implantés. Toute une intelligence collective a été organisée autour de ce concept. Tout a été fait pour cristalliser, au niveau national, un sentiment partagé de patriotisme économique, loin du chauvinisme primaire ou protectionniste. Avec la publication d’un référentiel, l’IE est tombée officiellement dans le domaine du public. La formation est devenue accessible à tous. Les métiers de la filière IE sont également reconnus par les pouvoirs publics et des emplois dans ce domaine existent. L’indifférence d’Etat étant abolie et le « désert français » de l’IE est désormais fertilisé. Les germes ont bien poussé et les tout premiers fruits s’annoncent prometteurs. Et parmi « les bonnes graines » bien formées en IE française figurent pourtant et en premiers rangs des Sénégalais, de « bons Sénégalais » au bon teint. Des compatriotes qu’il s’agit maintenant de faire passer de l’ombre à la lumière du jour. Car l’IE n’est pas ombrageuse. Ce n’est pas non plus une nébuleuse ni un apanage exclusivement militaire. L’IE étant une affaire publique, il est donc temps de parler de nos nouveaux diplômés afin de leur éviter l’ostracisme, une injustice organisée. Il faut parler d’eux pour également éviter à ce que le « désert sénégalais » de l’IE ne soit occupé que par des « Nomades » sans foi ni loi, des « experts » marrons, des charlatans, ces nouveaux usurpateurs à l’exemple des médicastres à côté des vrais médecins. Eviter que des étrangers - pas comme Nerval en Egypte ou Loti au Japon -, viennent, comme de bons Samaritains, faire les tartarins dans notre pays, à cause d’un flou artistique et un vide institutionnel coupables dans ce nouveau secteur, est, à mon humble avis, une exigence de salubrité publique.
N’en déplaise à ces nouveaux pharisiens, mais je soutiens que les marchés de l’IE donnent de l’opportunité et de l’emploi aux nationaux authentiquement diplômés dans cette discipline avant de profiter aux étrangers. L’esprit gérontocratique, le jeunisme, le clientélisme…bref les conflits de génération et le complexe d’infériorité que la France a su éviter dans l’IE ne doivent pas être nos plaies ici au Sénégal. De vrais experts de l’IE sont présents dans ce pays, sauf à nier le sens des diplômes authentiques. Des jeunes brillants, des frais émoulus de l’IE qui souhaitent être mis à contribution, mais que certains « esprits ringards» méprisent par mille complexes. Ces jeunes sénégalais déjà diplômés de l’IE devraient être priorisés dans la consultance, la formation, et demain dans la mise en place d’un dispositif public, parce qu’ils appréhendent mieux que les autres nos réalités politiques, culturelles et socioéconomique. Connaissant déjà le Recto et le Verso de l’IE, ils savent mieux et avec plus de patriotisme comment appliquer et contextualiser ce nouveau concept au Sénégal, leur terre natale. Ils savent mieux que les « nouveaux exportateurs du vent de l’IE » comment marier la Téranga sénégalaise avec les reliefs de cette nouvelle fonction, eu égard aux enjeux de souveraineté qu’elle recèle. Ces jeunes ne sont ni dans les naïvetés sénégalaises ni dans le mélange des genres. Ils savent bien où commence et s’arrête l’IE face aux ténèbres de l’espionnage et des Services Spéciaux. Ils ont été à bonne école. Ce plaidoyer pour les jeunes diplômés de l’IE est d’autant plus légitime que l’IE demeure fondamentalement une affaire civile de compétence nationale. Et qu’est-ce que le patriotisme économique si l’on sous estime déjà ses propres ressources humaines et nourrit de terribles complexes devant de « nouveaux maîtres à penser », des prédateurs de grands chemins ???
Alioune badara seck ([email protected])
Well said.
Rédigé par : Rosalba | 25 avril 2009 à 07:10
Article trés pertinent d'autant plus que l'auteur parle en connaissance de cause. En effet, nous sommes beaucoup en France et ailleurs à suivre des cursus en IE notamment en 2ème et 3ème cycle et l'on ne cesse de vouloir nous rabâcher une idée qui ne repose sur aucun fondement scientifique et qui voudrait que l'IE ne soit pas applicable dans les pays en voie de développement.
Mais force est de reconnaître que notre retard dans le domaine technologique eut être fortement compensé par notre potentiel humain difficilement égalable.
Maintenant, ABS l'a dit: L'IE c'est d'abord une affaire d'Etat. Et tant que nos dirigeants ne feront pas preuve de volonté politique, il ne servira à rien de discourir sur l'intelligentia qui doit venir pratiquer l'IE... Le patriotisme ne doit pas seulement être l'affaire des jeunes ou du sénégalais moyen mais l'affaire de tous! Et dans ce sens, j'attends de voir l'accueil qui sera réservé à l'école panafricaine d'IE qui fera sa rentrée en 2010. Initiative à encourager et que je salue fortement au passage.
Rédigé par : Boury | 27 avril 2009 à 16:41