Corniche équipée de tunnels flambant neufs et plantée de palmiers, paquebots de luxe à l'ancre, nouvelle autoroute vers l'aéroport : Dakar s'est donné des airs de Dubaï de l'Atlantique pour accueillir, jeudi 13 et vendredi 14 mars, le 11e sommet de l'Organisation de la conférence islamique (OCI). A la veille de l'ouverture de cette réunion censée accueillir des responsables de 57 pays musulmans et préparée à grands frais par le Sénégal depuis quatre ans, l'incertitude régnait sur le véritable niveau de participation à un événement dont l'ordre du jour - l'islamophobie, le Proche-Orient - apparaît flou.
Les véritables enjeux du sommet sont ailleurs. La réunion doit célébrer l'entrée massive, au Sénégal, des investisseurs arabes et servir de rampe de lancement politique à l'homme d'affaires Karim Wade, 39 ans, fils du président Abdoulaye Wade, 82 ans. Ce dernier, soucieux de rompre un tête-à-tête économique avec l'ancien colonisateur français et déçu par l'aide américaine, a tendu la main aux monarchies du Golfe. Le Français Bolloré s'est ainsi vu ravir la gestion du terminal du port de Dakar par Dubaï Port World en 2007, tandis que la construction d'un aéroport a été confiée à la société du Saoudien Tarek Ben Laden.
Les autorités sénégalaises ne cachent pas leur ambition de transformer en centre de tourisme de luxe et d'affaires la ville de Dakar, dont la majorité de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Mais si l'essentiel des nouvelles infrastructures routières a été terminé in extremis pour le sommet, les cinq hôtels de luxe promis demeurent pour la plupart à l'état de projet ou de chantier, obligeant l'Etat à louer à prix d'or deux gigantesques bateaux qui servent d'hôtels.
Diplômé en gestion, conseiller de son père depuis 2004, Karim Wade a été le discret artisan de ces grands travaux. La mue de Dakar s'est traduite par des investissements d'un montant de 543 millions d'euros souscrits essentiellement par les pays du Golfe. Le fils du président, nommé à la tête de l'agence chargée de préparer le sommet de l'OCI, a négocié les contrats.
Devenu incontournable pour les financiers, voyageant de Londres aux Emirats et de Rabat à Téhéran, Karim Wade a été accusé de pratiquer une gestion opaque, au point d'être convoqué en octobre 2007, pour s'expliquer, par le président de l'Assemblée nationale, Macky Sall. Mais l'audace de ce dernier, lui-même candidat au pouvoir suprême, a été punie par le président Wade d'une mise à l'écart et la convocation annulée.
Les ambitions politiques du fils du président sont longtemps restées du domaine de l'implicite, nourrissant le foisonnant débat politique sénégalais. Karim Wade répétait que la réussite du sommet de l'OCI constituait son unique ambition. "Je n'ai pas encore de dauphin, je le cherche !", a assuré récemment le président Wade.
Mais l'association Génération du concret, fondée en 2006 par Karim Wade pour organiser le soutien populaire aux grands chantiers, est en train de se muer en machine politique. "Il y a deux partis au Sénégal : le parti de l'action et celui de la parole", a lancé Karim Wade, le 9 mars dans la banlieue de Dakar, avant d'annoncer une "marche nationale" après le sommet. Ce tout premier meeting public alimente les quolibets de l'opposition, qui voit dans la réunion de l'OCI "une catastrophe économique" et une "opération de promotion" du fils du président.
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