Sept mois après avoir prononcé, à Dakar (Sénégal), un discours considéré par de nombreux Africains comme provocateur voire injurieux, Nicolas Sarkozy a revu sa copie. Devant le Parlement sud-africain, au Cap, jeudi 28 février, il a entonné un hymne à la "renaissance" du continent et appelé de ses voeux une "refondation" des relations entre la France et l'Afrique.
Alors qu'à Dakar, en juillet 2007, le président français avait brossé le portrait d'un continent malade de ses habitants, ressassant le passé et incapable de se projeter dans l'avenir, il décrit aujourd'hui l'Afrique comme la terre de tous les possibles, le continent d'où est venue "une magnifique leçon d'humanité" avec la fin de l'apartheid.
Là où il exonérait la colonisation de toute responsabilité dans les malheurs actuels de l'Afrique, il considère, cette fois, le continent comme "victime plus que d'autres du mépris et du racisme". La où il estimait que "l'homme africain (n'était) pas assez entré dans l'Histoire", il insiste sur "l'aide précieuse que l'Afrique (nous) a apportée dans les deux guerres mondiales". Là où son discours fourmillait de mises en garde péremptoires, il reconnaît que "les Africains en ont assez de recevoir des leçons de morale".
Devant les députés qui l'ont applaudi chaleureusement, alors que l'accueil avait été glacial à Dakar, le président français a estimé que les rapports franco-sud-africains, "équilibrés, transparents et décomplexés", devaient "inspirer une relation nouvelle entre la France et l'Afrique". Il a reçu, au Cap, une onction qui lui avait été refusée au Sénégal.
Le président sud-africain, qui avait surpris en saluant le discours de Dakar, notamment son appel à la responsabilité des Africains, a estimé que la décision principale annoncée par M. Sarkozy - la renégociation des accords de défense en vigueur entre la France et certains Etats africains - s'inscrit dans "le processus de décolonisation de l'Afrique".
M. Sarkozy a fait sensation en déclarant que "la France n'a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique". Il estime "obsolètes" des textes datant des années 1960 et souhaite qu'ils soient "adaptés aux réalités du temps présent en tenant le plus grand compte de la volonté des pays africains". Autant dire qu'il ne s'agit pas de supprimer a priori des bases militaires en Afrique, puisque certains dirigeants les revendiquent, notamment pour garantir leur propre longévité.
D'ailleurs, "il ne s'agit nullement d'un désengagement", a insisté M. Sarkozy, qui avait tenu à dîner, la veille, dans la capitale tchadienne, N'Djamena, avec les soldats français du dispositif "Epervier". Les troupes françaises seront de plus en plus utilisées pour former les "forces en attente" de l'Union africaine (UA) destinées au maintien de la paix et censées être constituées en 2010 ou 2012. Au-delà de cette date, les bases perdraient alors cette raison d'être.
Afin de riposter aux "fantasmes" sur les relations franco-africaines, les accords seront "intégralement publiés", a promis le président, et le Parlement français sera "associé étroitement aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique". Mais la question controversée de la participation de soldats français à des combats destinés à protéger un Etat ou un président africain contre une agression n'a pas été abordée.
M. Sarkozy, qui avait promis une "rupture" avec la "Françafrique" pendant la campagne présidentielle, autrement dit la fin des relations opaques et inégalitaires de type colonial, estime que ces orientations, pourtant très floues, vont dans ce sens et sont "sans précédent".
Il entend réagir à la perte d'influence de Paris dans son ancien pré carré, à l'heure où les pays émergents rivalisent de convoitise sur le continent.
Avec Areva et EDF, la France compte aussi remporter les marchés d'équipements destinés à faire cesser les délestages électriques qui, depuis quelques semaines, compromettent la croissance de l'économie et exaspèrent les citoyens. Paris entend se ménager les bonnes grâces de Pretoria, en position de leadership économique et diplomatique en Afrique, en plaidant en faveur de sa présence au sein du G8, voire au Conseil de sécurité de l'ONU, comme l'a fait M. Sarkozy jeudi.
Mais les déclarations faites au Cap concernant les bases militaires, comme celles favorables à une "meilleure régulation de la mondialisation", ou l'annonce de nouvelles aides aux créations d'emplois, visent surtout à répondre à un phénomène qui préoccupe Nicolas Sarkozy : l'"ambivalence" de la jeunesse africaine à l'égard de la France. Chaque engagement de Paris fait naître le soupçon d'ingérence néocoloniale, a-t-il reconnu. Tandis qu'une abstention de la France est vécue comme un abandon.
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