Le mariage homosexuel présumé de deux hommes, près de Dakar, enflamme le Sénégal depuis sa révélation. Les médias et les associations islamistes fustigent l'homosexualité, passible de prison, tandis que quelques organisations s'alarment d'une montée de la haine homophobe. L'affaire a commencé par la publication par le mensuel people "Icône", la semaine dernière, d'un article dénonçant un prétendu "mariage homosexuel" qui se serait tenu dans une localité située à 18 kms au sud-est de Dakar.
Le directeur du magazine a ensuite affirmé avoir reçu des menaces de
mort parce qu'il aurait refusé de retirer de la vente ce numéro, comme
le lui avaient demandé certaines des personnes photographiées.
La
police a alors ouvert une enquête suite à une plainte de l'éditeur,
dans le cadre de laquelle cinq personnes - dont un Français, selon la
police - ont été interpellées le week-end dernier, placées en garde à
vue puis libérées mercredi soir.
Depuis, l'affaire du "mariage
homosexuel" fait la Une des médias sénégalais. Un véritable déferlement
de reportages homophobes s'abat sur les journaux, les radios et
télévisions - surtout privées.
Au Sénégal, l'homosexualité est
officiellement interdite. Selon le Code pénal, elle est passible de 1 à
5 ans d'emprisonnement et de 100.000 à 1,5 million de FCFA (de 153 à
2.300 euros) d'amende.
Mercredi, le Collectif des associations
islamiques du Sénégal (CAIS), regroupant 15 organisations influentes, a
dénoncé une "offensive (...) de lobbies homosexuels" menaçant, selon le
CAIS, "les valeurs morales" et "la stabilité" du pays.
Auparavant,
une ONG islamique, Jamra, avait annoncé qu'une mosquée dakaroise
consacrerait vendredi un sermon à "cet évènement affligeant". Tous les
chefs religieux musulmans du pays devraient faire de même, pour rejeter
"en bloc ces contre-valeurs (que) tente (...) de nous imposer une
minorité de complexés, victimes d'une dangereuse acculturation", avait
insisté Jamra.
La Rencontre africaine pour la défense des
droits de l'Homme (Raddho) est parmi les rares organisations qui n'ont
pas versé dans la dénonciation quasi généralisée des homosexuels.
Dans un communiqué publié jeudi, cette ONG basée à Dakar s'est alarmée
d'"une inquiétante montée de l'homophobie et de la haine des
homosexuels dans l'opinion publique, jusque-là inconnues dans la
société sénégalaise". Elle a exprimé "ses réserves les plus expresses
par rapport aux appels à l'intolérance et à la haine" dans un pays qui
avait jusque-là "toujours toléré les homosexuels". Leur présence ne
posait aucun problème lorsqu'ils "s'exhibaient" en compagnie de grandes
personnalités, lors de cérémonies de mariages, baptêmes, de soirées
musicales ou de séances de tam-tam, observe la Raddho, appelant à
"mettre un terme à la grande hypocrisie de la société".
Fatou
Kiné Camara, professeur de droit à l'Université Cheikh Anta Diop de
Dakar est aussi parmi les rares à avoir lancé le même appel. "Halte aux
discours de haine! (...) Les préférences sexuelles de chacun ne
regardent personne. Il est temps que notre Code pénal soit conforme aux
conventions internationales sur les droits de l'Homme", a-t-elle estimé.
Par: Illico
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