Alors que le Kenya semble lancé dans une véritable épuration ethnique et que le chef de l’État tchadien est à nouveau menacé, l’Afrique apparaît toujours comme un continent ravagé par les guerres civiles ou étrangères. Les conflits armés sont nombreux, conflits le plus souvent internes mais impliquant les voisins de façon plus ou moins explicite. Voici la mise à jour de notre revue des points chauds du continent (I), avant de dégager des perspectives (II).
Au Maghreb, l’Algérie est touchée par plusieurs conflits. La guerre civile a baissé d’intensité mais n’a pas cessé. Des groupes islamistes, ou réputés tels, sévissent principalement dans l’Ouest du pays mais aussi dans l’environnement rural d’Alger. Ils infligent de temps à autre de sévères coups à l’armée et continuent leurs assassinats sauvages de civils. La Kabylie est en rébellion ouverte vis-à-vis du pouvoir central : elle exige la reconnaissance de son particularisme culturel mais exprime surtout la désespérance de ses jeunes générations devant le non-développement.
Au Sahara, l’Algérie soutient le Front Polisario qui revendique l’indépendance du Sahara occidental, conquis par le Maroc au terme d’une "marche verte", il y a trente ans. Le Maroc est maintenant solidement installé et les efforts de l’ONU pour mettre fin au conflit se heurtent à des manœuvres dilatoires. Le Maroc ne permettra jamais à l’Algérie d’atteindre l’Atlantique par sahraouis interposés ; c’est vital pour lui.
La Tunisie et la Libye ne connaissent pas de conflit ouvert mais vivent sous des régimes "forts" ne tolérant aucune opposition politique. Les interventions extérieures de la Libye sont moins voyantes mais elle est toujours considérée comme menaçante, parfois même loin de ses frontières. L’Égypte est agitée par l’islamisme et les groupes chrétiens coptes (6 millions de personnes ?) font l’objet d’une persécution larvée connaissant quelques épisodes sanglants.
Les États de la bordure méridionale du Sahara sont sporadiquement agités par des oppositions armées à coloration ethnique : le Sénégal et la Mauritanie se sont heurtés à propos du contrôle de la vallée du fleuve (vingt ans après les expulsés commencent à revenir en Mauritanie ; le Mali et le Niger ont maille à partir avec leurs populations touaregs. Le Sénégal doit toujours faire face à l’irrédentisme de la Casamance : des groupes armés sillonnent la brousse malgré plusieurs tentatives d’accord avec les chefs "historiques" de la rébellion. L’assassinat de quatre Français en Mauritanie montre le peu de contrôle des États sur les espaces sahariens. On demande même à la coopération militaire française d’y recréer les compagnies sahariennes qui, au temps colonial, y pourchassaient les groupes armés de pillards…
Afrique occidentale. La paix civile est revenue en Sierra Leone grâce à un effort militaire, administratif et financier britannique appuyant une opération de l’ONU. Le Liberia a retrouvé la paix mais l’insécurité reste grande et déborde sur les pays voisins : la frontière avec la Guinée (où la fin de Lansana Conté s’accompagne de soubresauts) a été le théâtre de violents combats et l’Ouest de la Côte d’Ivoire en a fait les frais.
Mais c’est la situation nigériane qui apporte les plus grandes inquiétudes. La mise en place de la charia, la loi islamique, dans les États du Nord s’accompagne de grandes violences entre populations autochtones et migrants venus du sud du pays et le plus souvent chrétiens. L’opposition entre les cultures islamo-sahéliennes du Nord et les peuples forestiers du Golfe de Guinée avait valu au Nigeria la terrible guerre du Biafra, il y a plus de trente ans, lorsque les Ibos avaient tenté de quitter la Fédération. Au XIXe siècle, la colonisation avait arrêté le mouvement de conquête des émirats musulmans peuls vers l’Est et le Sud. Reprend-il aujourd’hui ? Le Nigeria, fort de plus de 100 millions d’habitants, riche de son pétrole et d’une industrie naissante, est le stabilisateur de l’Afrique de l’Ouest ; il fournit l’essentiel des troupes de l’Ecomog, la force de paix ouest-africaine. Mais son gouvernement fédéral n’arrive pas à dominer l’islamisation des états du Nord, tenue pourtant pour illégale, ni à réduire la corruption qui détourne les revenus du pétrole vers la constitution de grandes fortunes privées. Dans la zone pétrolière, les populations ne récoltent pratiquement rien des revenus perçus par l’État sur les exploitants pétroliers. Des mouvements sporadiques de révolte amènent de plus en plus fréquemment l’occupation d’installations pétrolières. Celle-ci a baissé de 25% à cause de ces mouvements.
La Côte d’Ivoire est coupée en deux. L’avenir reste très incertain : les populations du Sud craignent l’expansionnisme musulman et Gbagbo joue de cette peur pour s’accrocher au pouvoir. La fragilité de la situation ivoirienne retentit sur ses voisins francophones qui en dépendent économiquement.
En Afrique centrale, le Cameroun fait figure de havre de paix malgré des tensions internes très fortes et un conflit latent avec le Nigeria pour le contrôle de la péninsule de Bakassi, à la frontière maritime des deux pays ; mais il y a aussi des problèmes sur la frontière terrestre, au Nord. Le Tchad connaît plusieurs conflits internes : le pouvoir est exercé à N’Djamena par des hommes du désert, musulmans, très mal supportés par les Noirs animistes et chrétiens du Sud, et ce d’autant plus que la mise en exploitation de gisements pétroliers dans le Sud a surtout rapporté au gouvernement. Les organismes internationaux ont imposé un partage des revenus dont on a vu, à l’usage, qu’il n’est pas respecté. Le pouvoir a écrasé toute velléité de rébellion au Sud mais doit faire face à divers mouvements armés au Nord et sur la frontière du Soudan. Des combats très violents ont eu lieu il y a peu. Après la Libye, c’est le Soudan qui n’est jamais loin des opposants, quels qu’ils soient.
La Centrafrique continue à s’épuiser dans des conflits internes plus ou moins sanglants. Ce petit pays ne manque pourtant pas de ressources agricoles, forestières et minières (et bientôt, sans doute, pétrolières …) mais l’incurie de ses dirigeants est caricaturale. Aujourd’hui, c’est un militaire qui a pris le pouvoir : il va nourrir les siens jusqu’à ce que l’exaspération des populations pressurées lui trouve un opposant… Au moins, son arrivée au pouvoir a entraîné le départ des Libyens qui assuraient la sécurité de son prédécesseur
Le Gabon et le Congo (Brazzaville) sont riches de pétrole et pauvres de population. Si le Gabon est calme (mais en état de non-développement et peut-être à la veille d’un affrontement avec la Guinée Équatoriale pour le contrôle de champs pétrolifères), le Congo a connu plusieurs épisodes de guerre civile au cours des dix dernières années. Évincé du pouvoir par les processus électoraux, Sassou Nguesso y est revenu par la force mais ne réussit pas à pacifier le pays : une rébellion violente sévit toujours dans la région du Pool, aux portes de la capitale et ici aussi, malgré les revenus du pétrole, le non-développement est flagrant. La Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole, nage dans le pétrole et le gaz et pourrait devenir le deuxième producteur africain après le Nigeria et l’Angola d’ici très peu de temps. Ce sera pour assouvir les phantasmes urbanistiques son président-dictateur plutôt que pour sortir sa population du sous-développement.
La République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) est le grand malade de l’Afrique centrale. Ce très vaste pays (2,5 millions km2), est peuplé d’environ 50 millions d’habitants. C’est potentiellement le plus grand pays francophone du monde. Ses richesses naturelles sont considérables : forêt, plantations, mines. Ruiné par les prédations de Mobutu, le Congo est devenu la proie de ses voisins : à l’Est, Ouganda et Rwanda se sont comportés en envahisseurs, contrôlant directement pendant plusieurs années un bon tiers du pays. Au Sud et à l’Ouest, en échange de leur soutien à Kinshasa contre ces envahisseurs, Zimbabwé, Namibie et Angola se sont emparés de la production de diamants et de minéraux rares. L’assassinat de Laurent Kabila et la venue au pouvoir de son fils, conjugués avec des pressions internationales, ont entraîné les retraits de l’armée rwandaise et des occupants ougandais mais ceux-ci ont laissé derrière eux des "mouvements" hostiles à Kinshasa dont le plus connu est celui de Jean-Pierre Bemba qui tient le Nord-Ouest du pays. Après une transition cahotique, le clan Kabila s’est installé au pouvoir « légalement ». Ce n’est plus la guerre, bien que des violences ethniques perdurent dans la région de l’Ituri, à la frontière avec l’Ouganda et au Nord-Kivu où sévissent les derniers génocidaires rwandais mais aussi des groupes tutsis soutenus par le Rwanda. L’ONU entretient une mission (MONUC) d’interposition aux trop faibles moyens pour un si grand pays.
L’Angola sort d’un quart de siècle d’une guerre civile particulièrement cruelle. Tout est à reconstruire. Le pays est riche : pétrole, diamants, potentiel agricole. La population est exsangue et les cercles du pouvoir ne se préoccupent guère de reconstruction. Sa compétence militaire amène l’Angola à intervenir à l’extérieur de ses frontières : on a vu son rôle en RD Congo mais il est aussi allé à Brazzaville et Gbagbo lui a fait appel lorsque ses forces se sont débandées devant les rebelles.
Afrique orientale. Le Soudan établit un lien géographique entre l’Afrique du Nord musulmane et l’Afrique orientale. Ce pays n’a pratiquement jamais connu la paix depuis son indépendance à la fin des années cinquante. La guerre entre le Nord musulman, et maintenant islamique (la charia est la loi nationale), et le Sud animiste et chrétien ne s’est arrêtée qu’entre 1978 et 1983, lorsque le Sud a connu un semblant d’autonomie. Cette guerre s’est doublée de conflits internes entre les groupes du Sud. La découverte de pétrole dans les provinces du Sud a attisé le conflit. Après le 11 septembre, le Soudan a été assimilé à "l’axe du mal" et a fait quelques efforts pour complaire aux Américains : des accords de paix ont été finalement conclus au Kenya avec les représentants du Sud mais sur le terrain la situation reste difficile. Et comme s’il fallait absolument à ce pouvoir un abcès de fixation, s’est ouvert le conflit du Darfour.
L’Éthiopie et l’Érythrée se sont livrées à une guerre très meurtrière et l’antagonisme reste très fort entre les deux pays pour des raisons culturelles et géopolitiques. L’Éthiopie est un pays refuge, continental, sans accès à la mer. L’Érythrée en constitue le débouché naturel sur la Mer Rouge. L’Érythrée est musulmane alors que le pouvoir est détenu à Addis-Abbeba par des chrétiens depuis toujours en lutte contre l’Islam.
Djibouti a connu des périodes de troubles armés ; aujourd’hui ce petit pays est calme. La France y entretient une présence militaire importante désormais battue en brèche par les Américains qui s’installent en force en raison de la guerre irakienne. La Somalie est le terrain de guerres tribales acharnées (et le conflit érythréo-éthiopien s’y est exporté) et serait un refuge pour certains islamistes chassés d’Afghanistan. La Somalie n’existe plus en tant qu’État. La communauté internationale reste marquée par l’échec sanglant de son intervention précédente et se contente d’observer la situation pour en contenir les débordements éventuels sur les pays voisins. Le doute persiste quant à une implantation permanente de bases terroristes.
Toute la côte africaine de l’Océan Indien est sous influence islamique. Les relations commerciales entre la péninsule arabique et cette côte sont très anciennes et relayées par les moyens de transport modernes : les aéroports de Dubaï, Qatar et Doha sont les points de départ de trafics en tout genre vers l’Afrique orientale. Les communautés musulmanes bouillonnent et il n’est pas étonnant que Nairobi ait été le théâtre de l’un des plus violents attentats anti-américains de ces dernières années.
Les antagonismes kenyans restaient jusqu’à présent peu visibles. Ils viennent d’éclater au grand jour et l’attitude de Kibaki, niant l’existence d’une crise, présage une radicalisation du conflit.
L’Ouganda, considéré comme l’un des meilleurs élèves des organismes internationaux de financement s’est remis lentement d’une très longue période de troubles. Il ne connaît pas vraiment la paix : une rébellion violente et cruelle sévit dans le Nord du pays. Les relations sont très fraîches avec le Rwanda. Il y a une rivalité de personnes entre Museveni et Kagamé. Le Rwandais Kagamé a conquis le Rwanda à partir de l’Ouganda en 1994, après avoir été très proche de Museveni dans sa propre conquête du pouvoir. Ils se sont partagés la conquête du Congo mais s’y sont également violemment heurtés à plusieurs reprises et les soldats de Museveni n’ont pas fait bonne figure face à ceux de Kagamé.
Au Burundi, la guerre a cessé et des accords entre le pouvoir tutsi et certains groupes rebelles ont été conclus. Mais la situation est très instable.
Le reste de l’Afrique orientale et australe (Tanzanie, Zambie, Botswana, Malawi, Swaziland, Lesotho, Mozambique, Namibie et Afrique du Sud) connaît une certaine paix, traversée de temps à autre par des violences internes. Le Zimbabwe s’effondre sous la conduite de Mugabe. Accroché au pouvoir, celui-ci précipite son pays dans la ruine par une pseudo-réforme agraire qui a chassé les fermiers blancs de leurs terres pour les donner d’abord à ses proches et à leurs amis et ensuite aux "anciens combattants" de l’indépendance. Le résultat le plus visible est que ce pays, grâce auquel l’Afrique australe ne connaissait pas la famine, est aujourd’hui dans une situation désespérée : plus de la moitié de sa population manque de l’approvisionnement le plus élémentaire.
Enfin, pour terminer ce tour des "points chauds", il faut rappeler que l’Afrique au Sud du Sahara est ravagée par le Sida. On y compte déjà plus de 16 millions de victimes et 25 millions de personnes séropositives. L’Afrique australe est particulièrement touchée. La maladie frappe principalement les jeunes actifs, déséquilibrant les pyramides des âges et faisant des millions d’orphelins. Et puis il y a aussi les catastrophes naturelles ou technologiques (sécheresses, séismes, éruptions volcaniques, naufrages …) dont les conséquences sont aggravées par l’incurie des gouvernants.
Par temoust
Why anyone would go to Nicaragua and not take the time to see the volcanoes is beyond me. You have to do it.
Rédigé par : web site here | 01 décembre 2008 à 00:11