Entre
Dakar et Casa, le pont aérien était coupé. Il a fallu arriver à une
telle extrémité pour voir les autorités marocaines s’agiter enfin. Tel
un corbeau qui ne compte pas lâcher son fromage, la partie marocaine
passa en revue toutes les difficultés avant de s’engager à tout mettre
en œuvre pour y apporter les solutions appropriées. Et ce, dans les
plus brefs délais. Joignant le geste à la parole, elle "injecta" 4
milliards fcfa comme soutien financier et opérationnel pour permettre à
la compagnie sénégalo-marocaine de retrouver ses quelques… plumes.
Depuis lors, plus rien ! C’est le silence radio. La tour de contrôle ne
répond plus aux cris de détresse des 600 employés et intérimaires. Un
statu quo. Un silence bavard que "Le Témoin" a réussi à décoder.
Ainsi, nous sommes en mesure de vous
révéler que la compagnie Asi est dans les cumulo-nimbus, c’est-à-dire
des nuages autrement plus redoutables qu’une zone de turbulences. Allez
demander aux pilotes, ils vous diront que rares sont les avions qui
sortent indemnes des cumulo-nimbus. Car, s’il y a une chose que les
pilotes redoutent par-dessus tout, ce sont les cumulo-nimbus. Et les
employés d’ " Asi " estiment aujourd’hui qu’ils ont dépassé le stade de
la zone de turbulences pour se trouver carrément dans les
cumulo-nimbus. Regagnez vos sièges et attachez vos ceintures ! Pour
donner un exemple de la situation particulièrement difficile dans
laquelle se débat la compagnie, qu’il suffise de souligner la belle
"performance" qu’elle vient de réaliser et qui mérite d’être traitée
dans les grandes écoles de gestion et de management : Un bilan
déficitaire de 12 milliards fcfa dont 5 milliards hérités des exercices
précédents. Un bilan qui laisse croire que les autorités marocaines
n’ont pris aucune mesure d’accompagnement pour sauver la compagnie. Une
occasion de confirmer que le sieur Maniang Faye, le Pca d’Asi, a montré
ses limites. Un nègre de service qui ne connaît rien en matière de
gestion et d’aviation. Donc, les cadres marocains profitent de
l’incompétence de notre Sénégalais de "Pca" pour faire ce que bon leur
semble. Nous ne disons pas que Maniang Faye doit être un bon
gestionnaire pour occuper ce poste, mais au moins qu’il use de son
droit de regard pour prévenir certaines dérives. " Lorsque le Maroc
réclamait environ 35 milliards fcfa pour faire basculer le capital, le
Pca n’a même pas eu l’idée de solliciter un expert financier pour
vérifier ses affirmations. Il s’active une seule fois dans l’année :
le pèlerinage à La Mecque lorsqu’il s’agit de trouver des billets pour
ses protégés" nous a confié un cadre d’Air Sénégal International. Il
est vrai que le groupe Royal Air Maroc (Ram) a fait nommer des
directeurs sénégalais au sein de l’Asi, mais quels directeurs ? Pour
quels postes ? En tout cas, l’ampleur du déficit a
provoqué le sauve-qui-peut à bord. À preuve, rien que pour ces deux
derniers mois, plus de 25 départs volontaires ont été enregistrés au
niveau du personnel sénégalais. Sans oublier les démissionnaires dont
le directeur technique et la responsable marketing, Mme Awa Guèye Ba.
Pendant ce temps, les pilotes commencent à déserter le cockpit
puisqu’ils ne se sentent plus en sécurité d’emploi dans leur "propre"
compagnie. Une compagnie dont la direction fait du pilotage à vue, pour
reprendre l’expression de ce pilote démissionnaire. Certes, ces
démissions et autres départs peuvent ne pas être une mauvaise chose
s’ils permettent de réduire la masse salariale de la société. Mais une
compression choisie n’est-elle pas plus recommandée pour encourager et
maintenir la compétence et l’expertise sénégalaise ? Surtout que, et
c’est bien connu en général dans toutes les sociétés, ce sont les
meilleurs, ceux qui sont sûrs de pouvoir trouver quelque chose, qui
démissionnent le plus souvent. Plus regrettable, c’est le départ de
ces cinq jeunes pilotes. Brillants et compétents, ces dompteurs de
cieux formés par Asi (Etat du Sénégal) sont malheureusement partis vers
les compagnies aériennes du Golfe. La plupart d’entre eux ont été
signalés au niveau de la grande compagnie "Emirates" de Dubaï.
Décidément, c’est l’ère des pirogues aériennes ! La revue des salaires,
les conditions d’hébergement des équipages, la desserte régulière et
permanente du Cap Skirring, Tambacounda, Kédougou et Ziguinchor, la
réouverture du centre de maintenance de Dakar etc…. rien n’a été
respecté. Seulement, durant la chaude période du
mois de mars marquée par le mouvement de grève du personnel, il fallait
pour la Ram décanter la tension sociale et calmer la grogne des
syndicats. Et le tour était joué ! On prend les mêmes ficelles, et on
recommence. Certes, il y a un plan de redressement à exécuter, mais à
l’heure actuelle la bascule indique que la compagnie Asi est un bébé
qui pèse très lourd sur le dos de la Ram. En tout cas, le conseil
d’administration d’Asi prévu au mois de septembre prochain devrait être
celui de tous les dangers. Nous ne disons pas qu’il y aura rupture
entre la Ram et l’Asi puisque, à travers cette compagnie aérienne, le
président Wade veut symboliser l’amitié et la fraternité
sénégalo-marocaine. Et puis, le Sénégal ne peut pas se payer le luxe
d’une rupture avec un partenaire économique et diplomatique aussi
important que le Maroc. Mais seulement, les deux parties seront
appelées à nouer un partenariat gagnant-gagnant plutôt qu’une alliance
"perdant-gagnant". Ou une coopération du cheval et du cavalier avec le
Royaume chérifien dans le rôle du cavalier. Par ailleurs, si le Sénégal
et le Maroc sont en parfaite convergence de vues sur les plans
politique et diplomatique, dans le domaine de la coopération aérienne,
force est de reconnaître que la reprise de la défunte Air Sénégal par
la compagnie nationale marocaine Ram (Royal Air Maroc) a été un échec.
Le président de la République est d’ailleurs à ce point mécontent des
partenaires marocains qu’il va créer une compagnie aérienne nationale
dénommée " Téranga Air Sénégal ". Laquelle serait chargée de pallier
les nombreuses lacunes d’Air Sénégal International, en particulier dans
la couverture de l’intérieur du pays. Surtout, le Président entend
démocratiser l’accès à l’avion. Sur ce plan comme sur beaucoup
d’autres, le partenaire marocain n’a pas respecté le cahier des
charges, malheureusement… Pape NDIAYE
Auteur: Nettali
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