D'ici fin juillet, selon l'Union européenne (Ue), les pays Acp (Afrique – Caraïbes - Pacifique) devraient avoir établi la liste des ‘produits sensibles’ (Ps) qui bénéficieront de mesures spéciales dans le cadre des Accords de partenariat économique (Ape). Ces accords, qui instaureront le libre-échange entre les 77 Etats Acp et l'Europe, doivent être signés au plus tard fin décembre 2007.
L'Afrique de l'Ouest demande, elle, trois ans pour définir la liste de ces biens agricoles ou industriels qui, selon l’Organisation mondiale du commerce, sont source de ‘sécurité alimentaire, d’emplois et de développement’, notamment dans les pays pauvres. ‘Les enjeux sont énormes, car une mauvaise définition de ces produits par les Acp pourrait accentuer leur pauvreté et compromettre leur développement’, prévient Johnson Akuété, conseiller en négociations au ministère béninois du Commerce.
Le relèvement des tarifs douaniers à l’importation des produits similaires et des investissements dans ces secteurs de production sont les principaux avantages octroyés aux Ps. L’objectif est double : les protéger de la forte concurrence étrangère, qui découlera du démantèlement des barrières douanières dès janvier 2008, et faciliter leur accès au marché mondial. Le coton, le sucre, les textiles, etc. pourraient être considérés comme ‘sensibles’. A condition que les Etats Acp, individuellement ou par groupes, en décident ainsi. Mais cela ne suffit pas : ils doivent aussi démontrer la nature ‘sensible’ de ces biens, en se fondant sur des informations fiables (données statistiques précises sur les filières agricoles et industrielles : emplois créés, revenus rapportés, coûts de production…). Faute de quoi, l'Ue, principal fournisseur des Acp et soucieuse de garder ses parts de marché dans ces zones, pourrait ne pas les inclure dans la liste des Ps.
Ces produits seraient alors confrontés à la concurrence accrue des importations européennes plus compétitives en raison de coûts de production plus faibles et de l'exonération des frais de douane. Or, à quelques semaines des échéances fixées par l'Ue, il existe toujours des divergences et incertitudes, par exemple, sur la démarche à suivre pour identifier ces produits. Ainsi, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a, à partir des principaux critères (sécurité alimentaire, création d’emplois, contribution au développement), élaboré des indicateurs qui tiennent compte des politiques régionales en matière de commerce et d’agriculture, etc. Chacun des pays membres, à son tour, doit s’en inspirer pour élaborer en concertation avec les Organisations de la société civile (Osc) ses propres indicateurs et proposer la liste de ses produits. ‘La Cedeao va, enfin, discuter des différentes propositions nationales et arrêter la liste régionale qui lui servira de base de discussions avec l’Ue’, affirme Abel Gbètoénonmon, de la Plateforme des acteurs de la société civile au Bénin (Pascib), très active dans le débat sur les Ape (séminaires, marches de protestation). Ce processus semble trop long à l’Ue qui ‘met la pression sur chaque Etat comme c’est le cas avec le Burkina-Faso pour qu’il élabore vite sa liste, faussant ainsi la démarche participative et les exigences des politiques régionales’, accuse Imma de Miguel, de l’Ong Intermon-Oxfam.
A cette pression s’ajoutent les difficultés actuelles de la plupart des Etats à disposer de données statistiques fiables sur les activités économiques dominées par l’informel. La Pascib, à l’instar d’autres Osc, souhaite le report des Ape pour permettre aux Etats Acp de disposer de plus de temps pour définir soigneusement ces produits. Sans cela, conclut Bio Goura Soulé, ‘la pression de l’Ue pourrait nous conduire à la catastrophe’.
Fernand NOUWLIGBETO (Walf)
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