Thomas Mumba avait 23ans. Il ne fumait pas, ne buvait pas non plus. Ce qu'il aimait, c'était chanter dans son église. Il rêvait d'enregistrer un jour un CD de chants religieux ("gospel"). Au lieu de cela, ce jeune homme repose dans une tombe à deux pas de la mine de Chambishi, dirigée par NFC Africa Mining, une entreprise chinoise du secteur public.
Il y a deux ans, Thomas Mumba et 45 de ces collègues ont été tués par une explosion dans une des mines de la compagnie, victimes de la voracité de l'économie chinoise. En pleine expansion, celle-ci s'est tournée vers les richesses de l'Afrique pour alimenter sa croissance.
En morceaux
Certes, la Chine apporte aussi beaucoup à l'Afrique : création d'emplois, construction de routes, de chemins de fer, et d'hôpitaux, investissements, etc. Pour Pékin, tout le monde y trouve son compte.
Mais de nombreux Zambiens ont des doutes. Surtout ceux qui vivent dans cette région qu'on appelle la Copperbelt (ceinture de cuivre).
Après la terrible explosion, la mère de Thomas Mumba, Justina, n'avait même pas de corps à porter en terre. "Il était en morceaux", se souvient-elle.
Pire : selon elle, Thomas et ses collègues n'avaient jamais caché leur préoccupation devant les problèmes de sécurité dans leur mine.
Mais personne ne les avait écoutés.
Justina est formelle: les Chinois, selon elle, s'intéressent plus à leurs bénéfices, à l'argent, qu'aux normes de sécurité.
"Ils sont venus réaliser des profits" affirme-t-elle, "et pas pour s'occuper des gens qui leur apportent ces profits".
La grogne des mineurs
Mais malgré la montée en flèche des cours du cuivre, certains mineurs ne touchent que cent dollars par mois - un peu moins de 50.000 francs CFA.
Et certains se plaignent de leurs conditions de travail, l'un d'eux parle même d'"esclavage".
Xu Ruiyong, directeur adjoint de la mine, estime qu'un fossé culturel existe. "Pour nous, peut-être que ces conditions sont normales", déclare-t-il, "mais eux pensent que c'est trop dur".
Selon Xu Ruiyong, un des objectifs de la Chine, quand elle avait ouvert
la mine, était d'aider l'économie locale.
Mais on ne voit guère d'amélioration dans les conditions qui prévalent dans l'agglomération de Chambishi.
Crainte et hostilité
Il ajoute que les mineurs n'osent pas se plaindre auprès de leurs employeurs, de peur de perdre leur travail.
Les Chinois ne sont pas les seuls étrangers à exploiter les matières premières de la Zambie.
Mais ils sont ceux qui suscitent le plus de crainte et d'hostilité, magré leur présence et leurs investissements de plus en plus importans dans le pays. Ou peut-être justement à cause de ces derniers.
Selon une récente déclaration du gouvernement de Lusaka, Pékin projette
d'investir 300 millions de dollars (soit près de 145 milliards de francs CFA) dans les secteurs minier et manufacturier de la Zambie, une somme qui viendrait s'ajouter aux 900 millions (près de 433 milliards CFA) déjà consacrés à l'exploitation de la Copperbelt.
De nombreux emplois sont promis. Mais le syndicat des mineurs zambiens
s'inquiète de la nature de ces nouveaux postes.
Rayford Mbulu, président du syndicat, affirme que les Chinois ont la pire réputation de tous en matière de sécurité, et selon lui, ce sont eux qui versent les salaires les plus bas.
Partenariat attrayant
Elle n'exige pas de réformes, et -contrairement à des institutions telles que la Banque mondiale- elle s'abstient de toute ingérence. Un point important, selon le ministre zambien des finances, Ng'andu Magande, qui se félicite de ces accords passés sans conditions.
"Je pense que c'est là, peut-être, ce qui rend les investissements chinois particulièrement intéressants pour nous" déclare-t-il, "s'il y a des conditions, je ne les vois pas".
Reste que de nombreuses économies africaines souffrent déjà des effets
négatifs de ces investissements, avec notamment un flot d'importations
bon marché en provenance de Chine.
Ajoutez à cela des craintes d'ordre politique, suscitées par exemple par les relations très amicales que la Chine entretient avec les gouvernements du Zimbabwé et du Soudan.
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