C’est indéniable, les capitaux arabes s’intéressent et attirent de plus en plus de pays africains jusque-là « chasse gardée » des investisseurs occidentaux. Au Sénégal, l’actualité bruit encore de l’arrivée de Dubaï Ports World (DP World), un des leaders mondiaux de la gestion portuaire qui vient de rafler la concession du terminal à conteneurs en projet d’un montant évalué à 382 millions d’euros au Port autonome de Dakar, sous le nez et à la barbe de candidats prestigieux comme le Groupe français Bolloré, le Danois Maersk, numéro un mondial des porte-conteneurs, ou encore le consortium formé de l’association de CMA-CGM.
<
Au même moment, on annonce l’arrivée prochaine au
Sénégal d’un autre gros investisseur de Dubaï pour la réalisation d’une
zone économique spéciale en lieu et place d’un projet d’envergure d’une
plateforme prévue initialement pour être financée par les américains à
coup de 450 milliards de FCfa. A peine le débat sur ces différents
projets commence à faire rage que les investisseurs de Dubaï sont
encore cités dans la réalisation du projet faramineux de nouvelle
capitale du Sénégal confiée aux sociétés dubaïotes Damag et Limitless,
tandis que les préparatiifs de la prochaine Organisation de la
conférence islamique (Oci) prévue à Dakar ont bien entendu bénéficié de
financements… arabes du Koweit, cette fois.
L’anecdote fait place à des faits révélateurs au moins
de deux tendances lourdes. La première, c’est la perte d’influence de
la France en Afrique francophone. Le fait qu’une des compagnies
françaises les plus « africaines » – Bolloré – se voit souffler un
marché public stratégique – les concessions portuaires – dans un pays
qui jadis fut le siège de l’AOF – le Sénégal – n’est pas anodin. La
deuxième est relative à l’arrivée en force sur le continent des
entreprises du Golfe. On fait bien de parler du continent car hors du Sénégal
et dans des secteurs aussi variés que la téléphonie mobile, on peut
indiquer la mégacession de Celtel, achetée en avril 2005, pour 3,36
milliards de dollars par le koweitien MTC, mais aussi le rachat de la
moitié du capital d’Atlantique Telecom par le groupe des Emirats Arabes
Unis Etisalat. Dans l’immobilier, on note la cession en septembre 2006
du quartier commerçant situé en bord de mer au Cap (Afrique du Sud) au
groupe de Dubaï (encore eux) Istithmar, allié pour l’occasion à un
partenaire britannique (montant de l’opération : un milliard de
dollars). Rappelons dans le domaine de la finance, l’activité du
prince saoudien Al-Walid qui, en novembre 2004, a constitué le fonds
Kingdom Zephyr Africa (dotés de 100 millions de dollars, investis
notamment dans des banques au Ghana, au Nigéria, ainsi que dans le
groupe de télécommunications Sonatel) et en juillet 2005, en
partenariat avec HSBC, le HSBC Kingdom Africa Investments qui réunira
jusqu’à 400 millions de dollars pour l’Afrique subsaharienne ; Même dans les médias ils sont présents, notamment à
travers l’investissement de 25 millions de dollars nécessaire au
lancement de CNBC Africa qui a été financé à 70 % par un consortium de
Dubaï ; etc.
On peut aisément se demander si les pays africains en général ne
cherchent-pas là des modèles de développement alternatifs à ceux
proposés par l’Occident ou encore par la Chine. Vraiment Halal ? Un autre aspect de l’intérêt croissant que suscite le
capital arabe est assez intéressant à analyser. Il s’agit du
développement de la finance islamique qui attire de plus en plus de
banques occidentales. C’est le cas de SGAM AI, filiale de la Société
Générale de Paris qui vient de lancer une nouvelle offre à destination
du Moyen Orient mais aussi de l’Europe avec des placements proposés qui
sont garantis « 100 % halal ». Réputé fermé, le monde islamique offre de belles
opportunités au secteur bancaire. Née il y a trente ans, la finance
charia compliant (compatible avec les préceptes du Coran) est en pleine
expansion. Principale règle : l’usure est interdite. Largement répandue
en Asie et au Moyen Orient, elle intéresse de plus en plus de banques
occidentales. En 2003 et 2004, les banques françaises BNP Paribas et la
banque Calyon ont ouvert des services spécialisés à Bahreïn. C’est
désormais au tour de la SGAM AI, filiale de la Société Générale de
proposer des investissements qui respectent les lois coraniques. Ces placements islamiques sont toutefois encore peu
commercialisés en Occident. Le Moyen-Orient concentre aujourd’hui la
majeure partie de ce marché avec plus de 300 milliards de dollars. Une
manne financière inestimable alimentée par l’argent du pétrole. L’Asie
du sud représente 60 milliards et l’Europe à peine 5 milliards. En 2004, le Royaume-Uni a été le premier pays européen
à autoriser l’ouverture de banques islamiques et à prendre des mesures
fiscales incitatives. C’est d’ailleurs l’Institut de la bourse
britannique en partenariat avec l’Ecole supérieure des affaires
libanaise qui a créé en octobre 2006 le premier diplôme mondial de
finance islamique. Pour la petite histoire, en 2004, un investissement de
l’Al Dar Islamic Fund dans le groupe de cosmétiques français L’Oréal a
été jugé non conforme parce que l’Islam interdit aux femmes d’utiliser
des produits de beauté devant des étrangers. Un travail de surveillance
que la SGAM AI a confié au cabinet Rating intelligence partners. Aussi,
quatre experts de l’Islam garantiraient en permanence aux investisseurs
le respect de la charia.
En plein essor et suscitant de plus en plus d’appétit, la finance
islamique a récemment posé ses valises à Dakar au Sénégal où s’est
tenue durant une semaine, l’assemblée générale de la Banque islamique
de développement(Bid) qui y dispose d’une filiale qui réalise tant bien
que mal des performances. Tout compte fait, il semblerait que c’est l’approche
« business » de l’Afrique du capital arabe qui séduirait les Etats
africains : ils seraient plus soucieux d’investissement que d’aide au
développement. Mais les investissements arabes sont-ils pour autant
fiables ? La question prend tout son sens dans le contexte marocain où,
en 2003, l’année a été chargée d’événements de mauvaise presse pour
l’investissement arabe. Une société qui opère dans le secteur du cuir,
a été attrapée, la main dans le sac, en pleine fraude douanière. Alors qu’elle déclarait exporter du cuir semi-fini, les
contrôleurs ont découvert dans ses conteneurs de la matière brute.
Celle-ci était alors interdite à l’export depuis la pénurie qui avait
frappé le marché en 2001, suite à la demande massive du marché européen
lors des crises de la vache folle et de la fièvre aphteuse durant
lesquelles les carcasses des bêtes étaient incinérées avec leurs peaux.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres relativement à l’investissement
arabe. Source: Sud Quotidien
Commentaires