Ainsi qu'il l'a fait avec l'Espagne, le Sénégal va rapatrier tous les émigrés clandestins sénégalais en France. Le président Abdoulaye Wade l'a annoncé, hier, lors de la conférence de presse conjointe avec le chef de l'Etat français. Comme quoi, Nicolas Sarkozy a trouvé un allié sûr pour se lancer tranquillement aux trousses des clandestins.
Emigration
Nicoals Sarkozy : Je vais d'abord vous dire une chose. Je suis comme le président Wade, je suis franc. Savez-vous combien représente le pourcentage de visas accepté par la France par rapport à la demande sénégalaise ? Près de 83 %. Je ne suis pas sûr que tous les pays du monde fassent autant que la France, (Il insiste) 83 % ! En 2004, c'était à peine plus de 60 %. Je vous invite donc à méditer sur ces chiffres.
Avec le président Wade, nous partagions la même préoccupation. L'Europe et la France ne doivent pas piller les élites africaines. Parce que l'Afrique a besoin de ses élites. Et le jour où toutes vos élites seront en Europe, qui construira le développement du Sénégal? Qui l'organisera? Vous croyez que c'est normal ça? J'en parlais avec le président Boni Yayi, pour qui j'ai respect et amitié, qu'il y a plus de médecins béninois en France qu'au Bénin. Qui peut se satisfaire de cela? Est-ce comme ça qu'on va améliorer la santé des Africains ?
Je rends hommage au président Wade. Aidez à la formation, oui. Combien y a-t-il d'étudiants sénégalais en France ? A quoi servirait-il de les garder pour nous ? Ces étudiants formés doivent revenir au Sénégal. La formation, ce n'est pas simplement des études universitaires, c'est également le droit à une expérience professionnelle. Enfin, je voudrais dire avec force que la France n'a pas à rougir de ce qu'elle fait et qu'elle est très heureuse de le faire et qu'elle continuera à le faire. L'accord que nous avions signé en 2006, sous l'autorité personnelle du président Wade, accord qui a été confirmé par la visite du ministre français de l'Immigration et de l'Identité, Monsieur Hortefeux, fonctionne au mieux. Et je peux dire ça devant le gouvernement sénégalais ici réuni. Je crois que les chiffres que j'ai donnés font litière de toutes les exploitations. La France est un pays ouvert, la France est un pays généreux. La France aime l'Afrique. La France n'a pas l'intention de piller les élites africianes. Et la France a le courage de parler à des Africains responsables. Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde.
Sur cette question de l'immigration, il y a eu beaucoup de mensonge, beaucoup d'hypocrisie. Parce que c'est facile pour des pays qui font infiniment moins que la France de donner des leçons. Mon droit de président de la République française, c'est de vous rappeler à vous journalistes sénégalais et français que je n'ai pas deux langages, je n'en ai qu'un seul. J'ai été très ému par l'accueil que nous a réservé la population du Sénégal lorsque nous sommes arrivés avec le président Wade. Je ne suis pas venu en Afrique pour tenir un discours différent de celui que j'ai à Paris. Je respecte l'Afrique et j'aime les Africains. Et ma façon de les respecter et de les aimer, c'est de les écouter. Je suis très conscient des difficultés que rencontre l'Afrique.
L'Afrique est à 14 km de l'Europe. Je sais parfaitement que la réussite de l'Afrique, ce sera la réussite de l'Europe. S'il y a un pays qui doit comprendre que nos destins sont liés, c'est le nôtre. S'il y avait une responsabilité pour la France, c'est de faire comprendre aux autres que les jeunes Africains ont droit au développement, à la croissance, à la formation et à l'emploi. Mais pour aider leur pays, pas pour le quitter. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit rester au pays. La jeunesse africaine n'est pas assignée à résidence, mais elle doit penser aussi à développer son pays. Parce que l'Afrique s'en sortira par les Africains. Si les Africains les mieux formés s'en vont, avec qui développer l'Afrique ? Sur cette question, j'ai beaucoup appris du président Wade. C'était tout à fait passionnant. Cela m'a fait évoluer sur une question dont je n'avais pas compris la profondeur, la sensibilité et l'importance. C'est très difficile pour eux parce qu'ils veulent former leurs étudiants, mais leurs économies n'ont pas encore les emplois qui permettent de leur trouver du travail. C'est cela que nous voulons régler.
Me Abdoulaye Wade : M. Sarkozy a raison. Nous avons eu quelques incompréhensions de départ, simplement parce que tous les deux, nous avons choisi de parler le langage de la vérité. Ma vérité, c'est que si l'émigration est un phénomène historique mondial qui participe de la liberté de déplacement des humains, l'émigration clandestine, elle, constitue un danger pour l'Afrique. Je disais aux jeunes de mon parti, dont quelques-uns avaient été rapatriés d'Espagne, qu'ils vont vers ce pays, mais il y a quelques années, l'Espagne était très en retard par rapport au reste de l'Europe. Le Portugal aussi. Ils étaient considérés comme des pays sous-développés. Si les Espagnoles ont pu construire leur pays au point de nous attirer, c'est parce que les jeunes Espagnols sont restés dans leur pays pour le construire. Vous n'avez qu'à en faire de même ici en Afrique. Ils ont été très frappés par cela. Je leur ai fait savoir que le Sénégal commencera à se développer lorsque nous aurons lancé tous nos grands projets. Et les gens viendront des autres pays vers le Sénégal.
La deuxième considération, c'est que le Sébégal dépense 40 % de son budget pour l'Education. Je crois que c'est le seul pays au monde - je me trompe peut-être - à le faire. C'est parce que nous considérons que c'est la ressource humaine qui fait le développement. Le jour où nous aurons la même densité de bacheliers, d'ingénieurs, de professeurs et de savants que les grands pays, les choses changeront d'elles-mêmes. Je ne donne pas des bourses pour que les gens restent en France. Je leur demande donc de comprendre le sacrifice que le Sénégal fait en les formant.
Ce n'est pas facile. Mais ici, au Sénégal, les populations comprennent de mieux en mieux qu'il faut combattre l'émigration clandestine. Nous le faisons par tous les moyens : Par la surveillance de la mer, par la dissuasion et, aussi, en faisant rapatrier les gens qui sont partis clandestinement. Nous l'avons fait avec l'Espagne, nous le ferons avec la France. Il faut que l'émigration soit régularisée et régulière. Comme nous l'avons fait avec l'Espagne, nous le ferons avec la France, nous sommes en train d'identifier des emplois qui seront offerts aux Sénégalais qui pourront aller les occuper un temps et revenir.
Jugement d'Hissène Habré
Me Abdoualye Wade : Concernant Hissein Habré, c'est en toute indépendance que nous avons accepté de le juger. Nous aurions pu faire comme d'autres sur la question… Mais nous l'avons accepté parce que l'Afrique nous fait confiance, elle fait confiance à notre système judiciaire, à nos magistrats. Il se trouve, malheureusement, que depuis que nous avons accepté cette mission, il y a eu beaucoup de lenteurs - et je pèse mes mots - du côté africain pour nous transmettre la résolution qui a donné compétence au Sénégal. Ensuite, il nous a fallu élaborer un document sur le coût de ce procès. Le premier document était énorme, nous l'avons critiqué. Et puis, nous avons travaillé avec des Ong et, finalement, un document a été adopté comme proposition sur le coût du procès et sur le financement. Nous avons déjà le principe de la participation de la France pour le financement de ce procès.
Mais, ce procès, vous vous en doutez bien, va coûter beaucoup d'argent. Et c'est la communauté internationale qui devrait s'en charger. Mais l'Afrique d'abord parce que les Africains ont dit aux Belges, qu'ils n'avaient pas à se mêler de cette affaire, que c'est une affaire africaine et qu'ils allaient juger Hissène Habré. Il faut donc que nous-mêmes, nous fassions ce qu'il faut pour que ce procès ait lieu. Que nous participions très largement à ce procès. De l'autre côté, il y a des pays qui ont insisté pour qu'Hissène Habré soit jugé. Il y a, aussi, les Nations unies. Ce que je suggère, c'est la création d'une sorte de commission pour encadrer ce procès et surtout régler les problèmes qui se posent. Il n'y a plus de problème juridique - de compétence – tout cela est résolu puisque c'est le tribunal sénégalais qui est saisi et nous nous sommes déclarés compétents pour juger Hissène Habré. Mais il y a d'autres aspects qui sont très compliqués, notamment le financement. Et peut-être que nous aurons, aussi, besoin de l'assistance juridique de la France pour voir comment nous allons mener ce procès qui est quand même très compliqué. Il y aura des milliers de témoins. Il y aura les transports pour aller à Ndjaména faire des enquêtes et, peut-être, en Belgique et ailleurs. Ce n'est pas une petite affaire. Je demanderai à notre ministre de la Justice de voir avec les autorités françaises comment nous pourrons avoir une aide juridique dans l'approche de ce procès.
Nicolas Sarkozy : Ce procès est important parce que l'impunité est terminée. Il est heureux que les Africains aient trouvé cette solution. J'en ai parlé avec la secrétaire d'Etat Rama Yade, et j'ai dit au président Wade que la France aidera le Sénégal afin qu'il puisse réussir ce procès. Le fait qu'un ancien dictateur puisse être jugé, hommage est ainsi rendu à la démocratie sénégalaise.
Audience avec le Front Siggil Sénégal
Nicolas Sarkozy : Des forces politiques sénégalaises demandent à rencontrer un chef d'Etat en visite au Sénégal. En plein accord avec le président Wade, je les reçois.
Auteur: Amadou DIOUF (Walf)
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Rédigé par : backlink service | 17 septembre 2011 à 07:58