Parti de l’intention de développer le port de Dakar, faire profiter des importants flux commerciaux aux larges de nos côtes, le développement du terminal à container de Dakar et sa concession est en train de prendre une ampleur socio-politique inattendue. Le Président Wade n’a pas, du tout, apprécié que, lors de leur premier entretien, le Président français Sarkozy lui en touche un mot.
Il a considéré cela comme un autre coup bas de son opposition qui a senti le vent du boulet, à sa sortie de l’Elysée. Cependant, les travailleurs de Sdv, Getma et Ap Moller Maersk qui ont déclenché leurs mouvements de protestation contre Dp World, ne sont pas, nécessairement, actionnés par des politiciens ou par leurs patrons. Ces gens sont vraiment inquiets pour leur emploi et les autorités se doivent de les rassurer de manière plus concrète, plutôt que d’inciter à la fermeté comme le fait M. Iba Der Thiam. Car, ce dossier a bien de zones d’ombre.
Ce n’est qu’au Sénégal que l’on voit des gens se réfugier derrière des «critères internationaux» dans l’attribution des marchés, pour écarter des opérateurs nationaux, sans prendre la peine de signifier aux intéressés les termes de référence d’adjudication. S’il est vrai que l’adjudicataire Dp World semble présenter un profil intéressant, il n’y a, cependant, pas dans la zone ouest-africaine, une société bénéficiant de plus d’expérience que Ap Moller Maersk ou Bolloré. Pour preuve, le terminal à container d’Abidjan, qui a été attribué à l’ami de Sarkozy, n’est pas mal géré, malgré les troubles politiques qui ont perturbé l’activité économique au pays des lagunes. Et Bolloré a une panoplie d’activités dans cette zone, que Dp World n’est pas encore en mesure de concurrencer. Par ailleurs, l’argument de processus,, en cours, brandi par Bara Sady pour éviter de s’expliquer sur la mise à l’écart de Bolloré ne peut tenir. Quand on se veut le champion de la transparence, on explique à tous les concurrents les raisons qui justifient la disqualification de l’un d’entre eux.
Dans le même ordre, il est malheureux que les employeurs européens des travailleurs du Port se cachent derrière leurs employés sénégalais pour mener leur combat dans l’ombre. On s’attendait, de la part de gens qui assurent avoir soumis des dossiers très solides et bien ficelés, à plus de détermination à défendre leur dossier. Bolloré confie la défense du sien à son ami Président, Nicolas Sarkozy. Ce qui permet à son représentant à Dakar, Francis Jean, de s’offrir une discourtoisie envers un journal auquel il voulait se confier. Un autre concurrent, éconduit, va trouver de son côté l’astuce du vol manqué. Tout cela semble bien pitoyable face aux enjeux.
Ce jeu de cache-cache laisse le champ libre aux syndicalistes pour monter au créneau et cracher dans la soupe de la privatisation. Dans un langage fait d’invectives et d’accusations gratuites, ils cherchent à faire passer leur message, face au vide qui leur répond. Et ils ont beau jeu de rappeler que, si Dp World a pris le contrôle du port de Hong Kong, il n’a pas pu obtenir, malgré l’acquisition de l’anglais Peninsular and Oriental Steam Navigation Company (P&O) le contrôle d’une trentaine de ports des Etats-Unis d’Amérique qui étaient compris dans cette opération d’achat. Même si les motifs soulevés par les Américains pour écarter les Arabes étaient mâtinés d’une bonne part de subjectivité, il n’en reste pas moins que cela constitue un revers pour ces derniers, qui auront des difficultés à démontrer leur capacité à opérer ailleurs que sur leurs bases d’Orient. Mettre un pied sur la côte atlantique est une chance pour Dp World. Mais, est-ce la bonne opportunité dont avait besoin le Pad pour se développer à la dimension de ses concurrents ?
Mohamed GUEYE (Le Quotidien)
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