Le ministre de l'Immigration Brice Hortefeux a visité hier le centre italien de Lampedusa où échouent des milliers de clandestins.
QUELQUES jours après avoir accueilli la frégate Motte-Piquet à Toulon avec à son bord les dépouilles des 18 clandestins repêchés par les marins français au large des côtes maltaises, Brice Hortefeux, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, s'est rendu à Lampedusa. Autour de cette île italienne située à mi-parcours entre la Libye et la Sicile affluent tous les jours des embarcations de fortune sur lesquelles s'entassent des clandestins au péril de leur vie.
Brice Hortefeux voulait voir. « C'est ma méthode », explique le nouveau ministre. Lampedusa comme carte postale de vacances balnéaires s'est progressivement effacée. L'île reçoit pourtant la visite de 40 000 touristes pendant les mois d'été. Hier, le ministre et sa conseillère diplomatique, Corine Breuze, se sont rendus dans le centre d'accueil pour réfugiés. Les migrants sont hébergés dans des petites baraques pendant deux jours. Sur place, ils reçoivent les premiers soins, des vêtements, s'identifient lorsqu'ils le veulent bien, puis sont orientés vers d'autres structures en Italie. Là, dans ces centres de rétention, les illégaux sont maintenus pendant 60 jours maximum, contre 30 en France - période pendant laquelle l'État italien tente de les renvoyer chez eux.
Hier, quelque 90 personnes déambulaient ou dormaient dans le centre de Lampedusa, des hommes d'une trentaine d'années, nigérians, algériens, tunisiens... Certains racontent être passés par la Libye, le désert, la Tunisie. Pendant certaines périodes, plus de 400 personnes débarquent en même temps. Lampedusa, qui voit transiter 21 000 clandestins chaque année, doit d'ailleurs inaugurer, en septembre prochain, un nouveau centre de près de 400 places.
Les Italiens, qui, depuis deux ans, surveillent leurs côtes en permanence, interceptent généralement les bateaux avant qu'ils ne s'échouent sur les côtes ou ne coulent. « Le problème, c'est de savoir quand il faut intervenir, raconte Guido Lenzi, conseiller diplomatique du ministre de l'Intérieur italien, Giuliano Amato, Trop attendre, c'est mettre leur vie en péril. Aller les chercher trop près des côtes libyennes, c'est leur donner le signal que la traversée sera facile, car ils seront récupérés par nos autorités. » Une question au coeur du drame maltais...
Avant de s'envoler pour Lampedusa, Brice Hortefeux a fait un arrêt à Rome pour rencontrer le ministre de l'Intérieur italien, Giuliano Amato. Les deux hommes se sont entendus pour développer la coopération en matière de lutte contre l'immigration illégale.
Intégration mal maîtrisée
« Les Italiens ayant procédé à plus d'un million de régularisations en cinq ans, je m'attendais à ce qu'il s'agisse d'un point de désaccord. J'ai été agréablement surpris de constater que M. Amato se prononçait désormais contre une politique de régularisation massive », confie Brice Hortefeux. Face à la pression migratoire africaine et aux risques d'une intégration mal maîtrisée redoutés par sa population, l'Italie est en effet en train de changer de politique. Et le ministre de l'Intérieur a insisté hier sur la nécessité d'une coopération européenne renforcée.
Pour le ministre français, la visite était d'autant plus importante qu'il a besoin de « vendre » son portefeuille. « Les Italiens ne savaient pas trop quelles étaient ses compétences, raconte-t-on du côté de l'ambassade. Il était bien qu'il explique ses prérogatives. » Brice Hortefeux a réussi à s'entretenir pendant près d'une heure avec le ministre de l'Intérieur romain alors que celui-ci ne rencontrera Michèle Alliot-Marie que dimanche soir prochain.
Alors qu'il sillonne la France pour la campagne législative, Brice Horetfeux a donc pris le temps de marquer son terrain en Italie. Et pour cause. Le ministre discute actuellement son budget avec Bercy et l'Élysée. En faisant ses calculs, Brice Hortefeux a en effet découvert que son budget codéveloppement se résumait pour l'instant à celui de l'ambassadeur du codéveloppement qui lui a été rattaché. Soit moins de 10 millions d'euros. Loin du compte à son goût.
MARIE-CHRISTINE TABET (Le Figaro)
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