PARIS - Un rapport auquel l'AFP a eu accès dresse un constat alarmant des relations entre police et population en Seine-Saint-Denis, banlieue de Paris où avaient débuté les émeutes de l'automne 2005, évoquant un "climat d'insécurité permanent" qui risque de s'envenimer.
Achevé en décembre, ce rapport inédit de l'Institut national des hautes études de sécurité (INHES) (qui dépend du ministère de l'Intérieur), commandé par le préfet de Seine-Saint-Denis (nord de Paris), est le fruit de deux mois d'étude et de rencontres avec des acteurs municipaux, policiers ou magistrats du département, notamment à Clichy-sous-Bois où la mort accidentelle de jeunes poursuivis par des policiers avait déclenché les émeutes.
Les auteurs évoquent un "climat d'insécurité permanent entre la police et les habitants des quartiers sensibles", avec parfois une "césure". Ils font état d'une "déferlante de violence" ou "violence endémique", avec un "nombre croissant de mineurs" mis en cause dans la délinquance.
La Seine-Saint-Denis, où vivent des "populations fragilisées" (beaucoup de chômeurs, de personnes d'origine immigrée...), est dans une situation de "marginalisation croissante" avec une "délinquance hors normes" et un "fossé se creuse avec les autres départements", notamment dans les faits de violence.
Finaliste malheureuse de la présidentielle, la socialiste Ségolène Royal, en campagne pour soutenir les candidats de son parti aux législatives, a accusé samedi le pouvoir en place d'avoir "caché aussi longtemps" ce rapport qui évoque "des vérités qui dérangent".
La direction générale de la police nationale (DGPN) a indiqué qu'il s'agissait d'un "document interne qui n'avait pas vocation à être diffusé".
Mme Royal a néanmoins demandé au président Nicolas Sarkozy quelles décisions seraient prises pour "rétablir l'indispensable lien de confiance" entre police et population.
Le rapport note un "décalage" entre la "suractivité permanente" de la police et les "réalités subies par la population". La police se concentre trop sur la lutte contre les stupéfiants ou les clandestins, affirme l'étude, dénonçant une "hausse artificielle" de ses taux d'élucidation, qui donnent "une image agressive" de policiers activistes.
Et de relever le "faible taux de plaintes", la "faible réponse judiciaire vécue, selon les acteurs de terrain, par la population et la police".
Le préfet de Seine-Saint-Denis avait déjà "tiré la sonnette d'alarme", a souligné Mme Royal, mais "le ministre de l'Intérieur d'alors, qui est l'actuel président de la République, l'avait réduit au silence".
Elle a appelé à rétablir "la police de proximité" et à créer une "police de quartier".
Selon le rapport, les "racines du conflit" sont à chercher dans "l'affaiblissement du Parti communiste", dont la Seine-Saint-Denis fut un bastion, et de "son réseau associatif actif", ainsi que dans une police "formée avant tout au maintien de l'ordre" et "irrespectueuse". Les auteurs suggèrent entre autres la création d'une "doctrine" pour les policiers.
(©AFP / 02 juin 2007 19h14)
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