Le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a échappé vendredi à des tirs de roquette sur l'aéroport de Bouaké, bastion des ex-rebelles des Forces nouvelles. Selon des témoins interrogés par la radio des Nations unies, l'attaque visant l'avion du chef du gouvernement d'union nationale et secrétaire général des Forces nouvelles (FN, ex-rebelles) a fait trois morts.
"Dans
la cabine du Premier ministre, on a pu voir trois morts que je n'ai pas
pu identifier. On a un confrère caméraman du Premier ministre Guillaume
Soro qui était mon voisin et dont la tête a explosé et qu'on a tenté de
faire sortir", a déclaré Allan AliAli, un journaliste du journal "Notre
Voie" du Front populaire ivoirien (FPI, du chef de l'Etat), qui se
trouvait à bord de l'appareil attaqué.
Un journaliste de Reuters
a, par la suite, aperçu Soro sain et sauf au QG des anciens insurgés
dans cette ville située au coeur du pays, mais plusieurs membres de son
entourage portaient des traces de blessures.
Des renforts de troupes rebelles ont immédiatement été déployés à l'aéroport de Bouaké, ont indiqué les témoins.
L'entourage de Soro a précisé que son appareil avait été la cible de tirs de roquette émanant d'assaillants non identifiés.
Soro,
un ancien leader syndical estudiantin qui dirigea l'insurrection
nordiste des FN issue du coup d'Etat manqué du 19 septembre 2002 contre
le président Laurent Gbagbo, a été nommé en avril à la tête d'un
gouvernement de transition chargé de préparer les élections.
Sa
nomination fait suite à l'accord de Ouagadougou du 4 mars, passé
directement entre le président Gbagbo et Soro sous l'égide du président
burkinabè Blaise Compaoré en contournant l'Onu, la Cedeao et la France.
A
Paris, Bernard Kouchner s'est ému de l'attaque de Bouaké et a déclaré
dans un communiqué du Quai d'Orsay que la France condamnait avec la
plus grande fermeté "ce lâche attentat" et réaffirmait "sa solidarité
avec l'ensemble de la nation et du peuple ivoiriens".
"Elle
souligne l'impérieuse nécessité de poursuivre le processus de
réconciliation engagé dans le cadre de l'accord de Ouagadougou", a
ajouté le ministre français des Affaires étrangères.
L'ACCORD DE OUAGADOUGOU, UN PAS DANS LA BONNE DIRECTION, SELON ICG
Depuis
la nomination de Soro, le processus d'intégration des anciens
combattants FN au sein de l'armée nationale a fait des progrès
notables, permettant à l'ancienne puissance coloniale de diminuer les
effectifs de son opération "Licorne" déployée dans l'ex-"zone de
confiance" aux côtés des casques bleus de l'Onuci.
En revanche, le laborieux processus d'identification du corps électoral en vue des élections continue de marquer le pas.
Dans
un rapport publié mercredi et intitulé "Côte d'Ivoire: faut-il croire à
l'accord de Ouagadougou ?", l'institut de réflexion sur la prévention
des conflits International Crisis Group estime que cet accord n'est
qu'"un premier pas dans la bonne direction".
ICG invite tous les
Ivoiriens à "se mobiliser pour exiger du gouvernement de transition la
délivrance effective des titres d'identité prévus, la récupération des
armes encore détenues par les milices, une véritable réforme du secteur
de la sécurité et un processus électoral crédible".
La
communauté internationale "doit maintenir intact son engagement
militaire, politique et financier", souligne cette organisation dont le
siège est à Bruxelles.
"L'évolution du processus de paix ne doit
pas être dictée par les seules ambitions des deux signataires de
l'accord de Ouagadougou, mais aussi par l'objectif de la construction
d'une paix durable en Côte d'Ivoire qui est cruciale pour la stabilité
de toute l'Afrique de l'Ouest", écrit ICG.
Le rapport poursuit:
"La collaboration entre Gbagbo et Soro devra survivre à l'épreuve du
lancement des chantiers de l'identification des nationaux et électeurs,
et de la restructuration de l'armée.
"Le grand défi pour la
survie de l'accord sera alors de garder sous contrôle les tensions
suscitées par les stratégies antagonistes des deux hommes et des
extrémistes de leurs camps respectifs."
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