La bataille pour le contrôle du terminal à conteneurs du port de Dakar fait rage entre le groupe Bolloré et Dubaï Port World. Et vu la position en force de la firme émiratie, le Président Nicolas Sarkozy a décidé de jouer sa partition, pour le compte du groupe français. En maintenant la « pression » sur le Président sénégalais. Pendant ce temps, les dockers du port de Dakar manifestent un mouvement d’humeur et attendent Me Wade de pied ferme.
« En lieu et place d’une concession comme on l’a crié sur tous les toits, nous assistons à une véritable privatisation du terminal à conteneurs du port de Dakar ». Ce cri du cœur de Mariama Bâ Konaté du syndicat des travailleurs de Bolloré en dit long sur le malaise perceptible au port de Dakar après l’adjudication de ce marché à Dubaï Port World. Cette société des Emirats Arabes Unis a, en effet, été choisie devant ses concurrentes Bolloré, Getma, Maersk… Mais pour Bara Sady ,directeur du port autonome de Dakar, un appel d’offres international a été lancé et plusieurs sociétés ont soumissionné dans la plus grande transparence. « Dubaï a fait l’offre la plus avantageuse et son dossier est passé. Il nous reste à finaliser nos négociations », ajoute-t-il. Une position qui n’a pas l’heur de plaire aux travailleurs de Bolloré. Qui redoutent « un coup de force imposé d’en haut ». Et sans le dire explicitement, ils soupçonnent des accointances entre le groupe de Dubaï et des proches du Président de la République.
Sarkozy met Wade sous pression
Reçu hier par son homologue français à l’Elysée, le Président de la République a eu à évoquer cette affaire avec son hôte. Selon un membre de la délégation qui accompagne Wade, Nicola Sarkozy ,dont on connaît les liens d’amitiés avec Vincent Bolloré, a bel et interpellé le Président sénégalais sur la question. « Nous avons également reçu beaucoup de pression, mais nous ne sommes pas des enfants de choeur », ajoute notre source qui soupçonne le groupe Bolloré de distiller de « fausses informations » pour faire céder le gouvernement sénégalais.
Entre 200 et 600 milliards, le prix de la « privatisation »
Au delà de la polémique sur l’adjudicataire du marché, c’est le coût financier de l’opération qui aiguise les appétits. Car selon Prosper Sène du syndicat des dockers, interrogé par la Rfm, le groupe Bolloré peut investir près de 600 milliards. La où, selon ses propos, Dubaï n’aurait pu débourser que 200 milliards. Des travailleurs de la société française sont allés jusqu’à parler de dessous de tables versées par la firme émiratie. Dont les défenseurs mettent en avant sa volonté de recruter la main d’œuvre sénégalaise. « Quant à Bolloré, elle a refusé de reprendre des travailleurs sénégalais, après la concession », confie un autre membre de la délégation qui accompagne Wade dans l’Hexagone. Par ailleurs, le directeur du port se garde de se prononcer sur les retombées économiques d’une telle opération. Il se limite à préciser que des concessions de ce genre ont déjà eu lieu dans les ports d’Abidjan, Lomé, Douala, Tanger… Quant aux travailleurs, ils attendent le retour de Wade dans trois jours, pour l’interpeller de vive voix sur ce sujet.
Zones d’ombres sur un appel d’offres
Très remontés contre la direction du port de Dakar, les travailleurs du groupe Bolloré vont jusqu'à remettre en cause la procédure d’appel d’offres du terminal à conteneurs. Prospère Niang du syndicat du port affirme que l’attribution du marché a eu lieu nuitamment dans un hôtel à Saly Portudal. Il croit savoir que, outre le Dg Bara Sady, seuls Amadou Ndiaye (directeur commercial), Soumaré (directeur financier), Abdoulaye Gningue (directeur du développement) et Diagne Thiam (Secrétaire général) ont participé « en toute illégalité » au dépouillement. Mais pour Baïla Talla informaticien et cadre au port de Dakar, l’appel à manifestation d’intérêt s’est déroulé dans la plus grande transparence. Il affirme que c’est la commission statutaire des marchés du port, à laquelle siègent la primature et plusieurs ministères, qui a arbitré le dépouillement. Déplorant le comportement de Bolloré qui exploite le terminal depuis 1988, M Talla lui demande de s’en vouloir uniquement à lui-même. Et comme le Dg Bara Sady, il refuse, « pour des raisons d’ordre stratégique », de se prononcer sur les retombées de la concession en faveur de Dubaï Port World. Il se plaît d’ailleurs à rappeler que la concession n’est pas définitive et que, sur la liste d’attente, il y a trois autres prétendants.
Auteur: SERIGNE SALIOU SAMB (Lobservateur)
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