La Rencontre africaine des droits de l'homme (Raddho) a rendu public son rapport sur le processus électoral ayant abouti à la tenue de la présidentielle du 25 février dernier. L'idée maîtresse est que le Sénégal qui jadis faisait figure de modèle en matière de démocratie, a montré des signes d'essoufflement avec cette crise qui affecte autant les acteurs politiques que le système. Celle-ci se manifeste par le manque de concertation et le déficit chronique de dialogue entre les différents acteurs de la classe politique et de la société civile.
« Le fait massif de cette élection présidentielle est la confirmation d'un essoufflement démocratique, vingt-neuf (29) ans après la transition démocratique post coloniale, et sept (07) ans après une remarquable alternance démocratique. Cette « fatigue » et cet « essoufflement » démocratiques sont perceptibles dans toute la sous-région ». C'est, entre autres constats, fait par le rapport de la Raddho sur la présidentielle du 25 février dernier. Selon la Raddho, « il est pour le moins paradoxal que le Sénégal pays pionnier en Afrique, en matière ou promotion de la démocratie et des droits de l'homme soit dans le lot des pays où subsiste cette crise qui affecte autant les acteurs politiques que le système. Sa manifestation sociale la plus spectaculaire est l'immigration suicidaire devant laquelle l'impuissance des gouvernants est tout autant spectaculaire », souligne le rapport. Par conséquent, « le Sénégal doit se ressaisir, doit de nouveau montrer la voie du dialogue, de la réconciliation, de la tolérance pour éviter tout acte de nature à affaiblir la démocratie et à ruiner l'image internationale du pays dans la matière ».
Manque de concertation et déficit de dialogue
Le document fait cas du « manque de concertation et le déficit chronique de dialogue entre les différents acteurs de la classe politique et de la société civile sur des questions aussi importantes que le respect du calendrier républicain et des règles du jeu démocratiques à toutes les étapes du processus électoral ». Et l'institution que dirige Alioune Tine croit savoir que les « décisions qui ont été prises unilatéralement par le Président de la République pour le couplage et le découplage des élections présidentielles et législatives, la refonte totale du fichier électoral, la suppression du quart bloquant, la répartition du nombre de députés par département, etc., ont constitué à la fois des facteurs de discorde, de dissensions et de malentendus tout long du processus électoral ».
Se remettre en cause
Le rapport souligne que le « Sénégal qui se targue d'être un modèle démocratique de référence doit absolument opérer la rupture par rapport à ce processus électoral marqué par les tensions, l'angoisse, la confusion et la défiance ». Et d'ajouter : « Pays de dialogue, comme le disait souvent le Père de la Nation Léopold Sédar Senghor, le Sénégal doit circonscrire son processus démocratique sur la base du dialogue afin de bâtir la confiance, clé de voûte de tout processus électoral fondé sur un consensus fort des acteurs politiques, un renforcement des mécanismes de régulations, le respect des règles du jeu électoral ».
L'organisation des droits de l'homme constate que « l'absence de dialogue pour construire un consensus fort sur l'ensemble du processus électoral a entraîné l'existence de discours, de pratiques et de manipulations de nature à jeter le discrédit sur le processus électoral et à créer les conditions d'un rejet des résultats des urnes ».
Appel au respect des textes
Et pour aller dans le sens de l'amélioration des procédures d'organisation des futures élections au Sénégal, la Raddho appelle le gouvernement et le ministre de l'intérieur au respect des dispositions du Protocole additionnel de la CEDEAO relatif à la Démocratie et à la Gouvernance ainsi que la Déclaration de Bamako de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) sur la nécessité d'un dialogue et d'un consensus sur les règles du jeu électoral par l'ensemble des acteurs politiques. Il propose aussi le « changement total des isoloirs dont le tissu ne garantisse guère le secret du vote » ; la « punition sévère des responsables politiques qui agissent comme des délinquants dans les bureaux de vote par des attitudes qui n'honorent ni leur fonction, ni leur rang, ni simplement la République » ; le « bannissement définitif de l'auto proclamation comme vainqueur par les candidats ou leur représentant, afin d'éviter toute manipulation ou trafic d'influence sur l'électorat et respecter scrupuleusement les institutions crées à cet effet le pouvoir de proclamer les résultats dans la sérénité ».
Elargir les compétences de la Cour Constitutionnelle
Pour la Raddho, le Sénégal doit s'acheminer vers la création d'une Cour Constitutionnelle aux compétences et attributions beaucoup plus larges, et en renforçant l'indépendance et la crédibilité des juges en réexaminant le « mode de nomination ; diversifiant les instances de nomination ; permettant au Président de l'Assemblée Nationale, au Président du SENAT et au chef de l'opposition Parlementaire de faire des propositions ; Procédant à l'audition du Président de la Cour Constitutionnelle par le Parlement ; diversifiant la composition, par la modification des critères de recrutement permettant que des compétences venues d'autres horizons puissent enrichir l'interprétation des textes, des faits et des pratiques par les juges ; nommant les juges pour un mandat unique de dix (10) ans ».
Pour ce qui est de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), il propose de recourir à un personnel compétent pour surveiller les bureaux de vote, de veiller strictement au contrôle des centres et bureaux de vote inadaptés (cas des maisons réquisitionnées à ces fins).
Le Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (CNRA) n'est pas en reste. La Raddho lui demande de veiller strictement à la surveillance des médias publics et privés durant la campagne électorale pour le respect de l'égalité et de l'équité entre les différents candidats en compétition, notamment l'équilibre du journal télévisé et de la neutralité de la publicité à la RTS et au Soleil.
Pour une charte des partis…
Quant aux acteurs politiques, la Raddho leur recommande d'institutionnaliser le dialogue politique périodique comme mode de prévention et de règlement des conflits ; d'adopter une charte des partis politiques avec un code de bonne conduite en période électorale ; d'auditer de façon périodique le fichier électoral qui constitue un accès de fixation récurrent pour rassurer les partis politiques sur sa fiabilité ; de crédibiliser l'état civil, les listes électorales afin de créer les conditions d'un fichier fiable ; d'adopter une loi sur le financement des partis politiques ; Plafonner le budget des campagnes électorales, réglementer le nombre le nombre et la taille des affiches par candidats pour veiller à l'équité ; d'explorer l'usage du bulletin unique avec souche, numérotation et filigrane pour être en phase avec les pratiques en cours dans la sous région (Mali, Mauritanie, Guinée Bissau, Burkina Fasso etc), cela nécessite un énorme effort de formation et d'information de l'électorat.
(Sudonline)
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