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30 mai 2007

Commentaires

Edgard VODOUHE

L’article aborde le débat non-lieu de la dévaluation du franc CFA uniquement sous l’angle de la question cotonnière ou plus précisément de la compétitivité de la filière coton des pays partageant en commun cette monnaie. Il en conclut par conséquent, qu’une telle dévaluation est non seulement inopportune, injustifiée, mais contre productive eu égard au coût supplémentaire qu’elle occasionnerait dans l’approvisionnement du pétrole. En cela c’est juste. Mais ce point de vue est tout simplement étriqué, partiel et manque de profondeur sur un sujet complexe de par ses implications économique et financière mais aussi de par le fait qu’il relève également de la question de la souveraineté politique des pays et au-delà de leur volonté politique commune.


Il est saisissant de revenir sur la démonstration faite dans l’article et à laquelle j’adhère des intérêts qui sous tendent la politique monétaire américaine. En gros, les Américains gèrent le dollar en fonction de leurs intérêts économiques. Cela confirme la célèbre phrase : ‘Le dollar c’est notre monnaie et c’est votre problème’. Cela met également en lumière le fait que la question monétaire relève de la souveraineté nationale.

Revenons maintenant à la Banque Centrale Européenne, institution en charge de la monnaie unique européenne ‘l’euro’. Une seule question : Est-ce que les décisions de pilotage de l’euro décidées par la BCE prennent-elles en compte la situation économique des pays ayant en commun le franc CFA et leur compétitivité commerciale au niveau mondial ? La réponse vous la connaissez : c’est NON, NON et NON. Pourquoi ? Parce que l’objectif majeur et unique de la BCEE est ‘la lutte contre l’inflation’.

Donc pour résumé à ce stade. Les Américains gèrent le dollar essentiellement en tenant compte de leurs intérêts économiques et commerciaux. Les Européens gèrent l’euro avec comme objectif la lutte contre l’inflation dans la zone euro. Et les Africains ayant en commun l’usage du franc CFA demeurent comme des légumes, sans aucune réaction ni initiative à part subir de plein fouet les effets des politiques monétaires de ces deux entités que sont les Etats-Unis et surtout l’Union Européenne. Et c’est cette posture que l’article défend avec une extrême légèreté !

Toujours sur la conduite des politiques monétaires, il est intéressant ici de rappeler comment les Chinois gèrent le yuan [leur monnaie] face au dollar. En gros, et pour éviter des développements à rallonge, je résume la situation. La chine qui exporte une grosse part de sa production vers les Etats-Unis maintien artificiellement sa monnaie le yuan faible vis-à-vis du dollar. Elle conduit sa politique monétaire en essayant avec succès de maintenir une parité dollar/yuan faible. Cette posture à l’avantage ‘énorme’ de rendre les produits chinois très compétitifs sur le marché américain. Face à cette situation qui perdure, les Américains exercent une pression continue ponctuée de menaces de tous genres sur les Chinois pour que ces derniers lâchent du lest afin que le yuan s’apprécie un peu plus face au dollar. Conséquence, cette politique souhaitée par les Américains pénaliserait en partie les exportations chinoises vers les Etats-Unis, ce qui résorberait en partie l’énorme déficit commercial américain face à la Chine. Inutile de dire que les Chinois résistent et qu’ils ont les moyens de le faire.

Que nous enseignent ces trois situations à savoir : américaine (le dollar), européenne (l’euro) et chinoise (le yuan) ? Que la politique monétaire est avec l’arme budgétaire le second levier sur lequel s’appuie toute politique économique ! Or, les pays africains ayant en commun le franc CFA ont de force laissé le pilotage de leur politique budgétaire entre les mains des institutions de Breton Woods que sont principalement la Banque Mondiale et le FMI. Du coût, il ne leur reste que la politique monétaire pour toute relance économique. Mais là encore, ces pays ont historiquement et avec un entêtement à faire pâlir une mule, abandonné leur politique monétaire entre les mains de Paris par l’entremise du trésor français et depuis peu entre les mains de la BCEE. Inutile de dire que Francfort n’a rien à cirer de ce qui se passe sous les tropiques africains lors de ces décisions de remontée ou de baisse des taux directeurs de l’euro. Et face à tout cela, les africains doivent-ils continuer de faire les morts ? Je dis NON, NON et NON.

Edgard VODOUHE

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