«Le gouvernement vient de publier, en toute discrétion et au
mépris de l'esprit de la loi, des outils facilitant l'expulsion de
personnes étrangères gravement malades, condamnées dans leur pays
d'origine par l'absence de traitement», écrivent les signataires
d'une pétition qui, à peine lancée, a déjà été signée par des
personnalités incontournables, dont Didier Sicard, président du
Comité consultatif national d'éthique, Axel Kahn, généticien de
renom, ou encore Emmanuel Hirsch, qui préside l'Espace éthique des
hôpitaux de Paris, mais aussi la professeure Christine Katlama. Son
objet : la défense des étrangers malades et menacés
d'expulsion.
Secret médical. Cette initiative de l'Observatoire du
droit à la santé des étrangers (1) est rendue publique ce matin.
Elle entend répondre à une politique du ministère de l'Intérieur
«qui devient de plus en plus opaque vis-à-vis des étrangers
malades qui se font soigner en France». Jusqu'à présent, la
France se montrait plutôt généreuse. Elle accordait une carte de
séjour d'un an, éventuellement renouvelable pour que la personne
puisse se faire soigner. Le médecin de santé publique devait
examiner le patient, et s'il était atteint d'une maladie que son
pays d'origine n'était pas en état de prendre en charge, il donnait
alors un avis favorable, sans en préciser bien sûr les raisons pour
préserver le secret médical. Le préfet décidait ensuite.
Or, discrètement, les sites Intranet des ministères de
l'Intérieur et de la Santé ont publié des fiches d'informations
concernant l'offre de soins et de traitements proposée dans les
pays d'origine des étrangers malades demandant une régularisation
pour raisons médicales. Une façon de faire le tri.
«Mais de quelle manière ? s'alarment les pétitionnaires.
Ces fiches pays ne prennent pas en compte la notion essentielle
d'accessibilité effective aux soins et aux traitements. Elles ne
tiennent compte ni de la répartition géographique des traitements,
ni des ressources financières nécessaires pour les
obtenir.» Exemple, en Egypte, la fiche va mentionner qu'
«une tumeur maligne de l'estomac peut être traitée sur tout le
territoire avec une offre de soins de qualité : moyenne mais
suffisante». Or, dans les faits, les traitements sont très chers
et uniquement disponibles dans les structures privées des grandes
villes. Plus grave encore, selon les signataires, les médecins
inspecteurs de santé publique sont conduits à violer le secret
médical puisqu'ils doivent désormais détailler au préfet les
traitements à dispenser aux malades étrangers.
«Tout est obscur». Ce durcissement intervient alors
que des données essentielles restent cachées. Combien y a-t-il, par
exemple, d'étrangers dans cette situation ? Combien de nouvelles
cartes de séjour par an ? Y a-t-il augmentation ou pas ?
«Tout est obscur», remarque Arnaud Veisse, directeur de la
Comede (Comité médical pour les exilés).
«Les derniers rapports officiels sur les étrangers malades
remontent à 2002. Et depuis, on n'a que des informations
parcellaires. Par exemple, en 2005, il y aurait eu 7 196 nouvelles
admissions et 40 940 avis médicaux rendus. Normalement, les malades
bénéficient d'une carte temporaire d'un an ; or, parfois, les
préfectures délivrent des autorisations temporaires, de trois mois,
voire de six mois.» Autre signe de ce changement, jusqu'à
présent les préfectures suivaient les avis médicaux. Mais en
février, pour la première fois, trois étrangers malades ont été
expulsés contre l'avis des médecins.
(1) Collectif regroupant, entre autres, Aides, Act Up, la
Comede, Médecins du monde, etc.
Par Eric FAVEREAU
http://www.liberation.fr/actualite/societe/250042.FR.php
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