Décidément, les journaux voyagent vite ! Dès la parution de notre dossier (voir n° 852) consacré au nébuleux partenariat entre les compagnies Royal Air Maroc « Ram » et Air Sénégal International « Asi », les réactions téléphoniques ont fait disjoncter notre standard. Dans le lot, un Sénégalais expert en aviation et travaillant aux Usa : El Hadj Faye. Ayant vécu plus de 20 ans au pays de l’Oncle Sam, El Hadj Faye vient de boucler ses 15 ans d’expérience en matière d’aviation civile. Il est successivement diplômé de l’Université de Transworld Academy à Saint-Louis Missouri, option : « Opération », du Dowling College New York option « Management d’aéroport », de Vaugh Collège New-York option : « Management de compagnie aérienne »… Ancien manager à l’aéroport John Kennedy de New York, El Hadj Faye a gravi d’importants échelons puisqu’il est présentement le manager de la compagnie « Spirit Airline » à l’aéroport de Laguardia à New York. À travers l’entretien qui suit, il nous explique comment la Ram a profité du manque de professionnalisme et d’expérience des Sénégalais en matière d’aviation pour contrôler l’Asi. Et ce, sans bourse délier….
Le Témoin : M. Faye, qu’est-ce que vous faites présentement aux Usa au point de vous intéresser à notre dossier relatif à la compagnie Air Sénégal International ?
El Hadji Faye : Je suis un Sénégalais bon teint, expert en aviation civile où je viens de boucler plus de 15 ans de professionnalisme et d’expérience. Après avoir été le manager de la compagnie « Transworld Airline » ou Twa à l’aéroport John Kennedy de New-York, puis de « Us Airways » à l’aéroport Laguardia de la même ville, je suis actuellement le manager de la compagnie « Spirit Airline » à l’aéroport de New-York. Mieux, je suis certifié par Homeland Sécurity dans le domaine de la Sécurité aérienne.
Donc vous êtes également expert dans le domaine de la Sécurité aérienne ?
En tout cas, on ne peut plus rien m’apprendre dans ce domaine où je suis d’ailleurs devenu un enseignant. Ce n’est pas pour rien que je suis certifié en la matière. Et surtout quand il s’agit de gérer la gestion d’une compagnie aérienne américaine dans un aéroport aussi stratégique et sensible qu’est Laguardia à New-York.
Que pensez-vous de l’article du « Témoin » relatif au partenariat Ram – Asi ?
Je n’aurais jamais imaginé qu’un journal sénégalais allait accéder à des informations aussi fiables mais scandaleuses. Je détenais toutes ces informations puisque je suivais de très près l’évolution d’Air Sénégal International « Asi » en ma qualité de Sénégalais et d’expert en aviation civile. Comme « Le Témoin » l’a exactement révélé, le Sénégal a été le grand perdant de ce partenariat même si les Marocains ont aidé le Sénégal à monter une compagnie aérienne. En tout cas, votre article m’offre l’occasion de donner mes impressions sur le partenariat Asi-Ram. Tenez ! Je vais vous parler un peu de ce Boeing 737-700 qu’Asi utilise pour ses vols longs-courriers. Cet avion, les Marocains l’ont eu grâce à un programme de Eximbank-Usa, un organisme du Gouvernement américain de garantie de crédits à l’exportation qui peut financer notamment l’acquisition d’aéronefs en collaboration avec la société Boeing. Pour que « Boeing » se vende aux quatre coins du monde et couvre tous les cieux, la compagnie Eximbank ne ménage aucun effort pour financer les compagnies aériennes à tour de bras ! C’est ainsi que cette banque a financé presque tous les avions de la Royal Air Maroc dont 6 avions longs-courriers. Et c’est cette aide massive américaine qui fait que la Ram n’a qu’un Airbus 321. Donc les Marocains de la Ram n’ont presque rien investi sur fonds propres. Tous les avions d’Asi font partie des financements d’Eximbank. Et pourtant, le Sénégal faisait partie des six pays sélectionnés par l’Eximbank pour le financement de leur transport aérien. Le budget de ce programme était de 1,6 milliard de dollars avec un taux d’intérêt de 3,2 % sur 12 ans. Ce Boeing 737 que la Ram a mis à la disposition de la flotte d’Asi faisait partie de ce financement. Mieux, cet avion n’est pas adapté aux besoins réels du marché sénégalais avec ses 116 sièges et quatre soutes en vrac pour les bagages. Tenez ! Air Afrique, en son temps, transportait un minimum de 7 à 10 tonnes de fret par vol entre Dakar et Bamako, par exemple. Sur le plan économique, qu’est-ce que le Sénégal gagne avec ce 737 ? Pire, tout est fait au Maroc à savoir la formation, la maintenance, la programmation des vols etc… alors qu’on a tout cela à Dakar. Dommage qu’Asi va supporter tous les coûts et intérêts de ce Boeing 737 alors qu’on pouvait avoir un « Airbus » long-courrier. Mais malheureusement, le Président Wade n’a pas de bons collaborateurs en matière de transport aérien, sinon Asi allait décrocher ces financements à la place de la Ram. Vous voyez un peu ma réaction ! Cela me fait mal… Pourquoi un « Airbus » long-courrier à la place d’un « Boeing 737 » ? Mais les bénéfices des compagnies aériennes viennent du fret ! Le fret est plus rentable que le trafic passagers. Regardez le cas d’Air France, tous les soirs cette compagnie française remplit son 777 de 270 places sans difficulté avec des tarifs plus chers. Là où Asi à toutes les peines du monde à remplir ses 116 sièges, donc il y a problème ! Encore une fois, le 737 d’Asi ne peut rien apporter en matière de fret avec ses petites soutes en vrac. Et l’acquisition d’un appareil ne veut pas dire forcément ouverture de ligne. Air Sénégal International a besoin de faire des bénéfices pour développer sa flotte, contrairement à la Ram qui est une compagnie de prestige. Comme toute compagnie de prestige, la Ram n’a pas besoin de bénéfice. Rien que de voler avec les couleurs du Maroc lui suffit.
Pourtant Asi avait fait des bénéfices…
Oui ! Oui ! J’ai tous les dossiers puisque je suis appelé à connaître ce que font les autres. Entre 2003 et 2005, Asi avait fait des bénéfices de 60 milliards fcfa. Et en 2006, Asi a des problèmes financiers, où sont passés les milliards de notre compagnie ? Les quelque 6,5 milliards fcfa que Ram a injectés dans Asi ne sont que du bluff ! C’est un jeu d’écritures. Pour le transport du pèlerinage à la Mecque , j’aurai sans doute l’occasion une prochaine fois de vous révéler comment la Ram a monté le dossier et les milliards qu’elle gagne sur chaque opération. Pourtant, dans tout ça, le Sénégal est bien représenté au niveau de la compagnie Asi avec des directeurs, des administrateurs etc… Mais ce Pca sénégalais ne connaît rien en matière d’aviation ou de transport aérien ! Seul le directeur de l’ Anacs (Agence nationale de l’Aviation civile du Sénégal) est un expert en aviation, mais malheureusement il n’est qu’un simple membre du conseil d’administration. Je profite de cette occasion pour dire au Président Wade que son entourage et ses collaborateurs présentent des lacunes. Lors de mon passage à Dakar, j’avais décroché quatre bourses en aviation pour le Sénégal à l’Université d’Orlando. J’en ai parlé à un certain Hassan Bâ. Lequel m’avait mis en rapport avec le ministre Sourang. Pendant un mois, un ministre de la République n’a même pas eu le temps ou la courtoisie diplomatique de recevoir en audience un citoyen sénégalais. Surtout un citoyen qui n’a pas besoin d’un ticket de transport pour rentrer chez lui ! J’étais seulement venu apporter ma contribution à mon pays. Las d’attendre, je suis reparti aux Usa avec ces bourses dont quatre Ghanéens ont finalement bénéficié. Comment le Président Wade qui est un homme travailleur, méthodique et ponctuel peut-il collaborer avec ses gens-là ? Et si on parle de la lenteur administrative au Sénégal, c’est à cause de ces gens-là !
Quelle solution préconisez-vous pour le redressement d’Air Sénégal International ?
Dans un de vos prochains numéros, je proposerai au Président Wade un plan de sauvetage sur cinq ans qu’aucun expert ne pourra contester…
Propos recueillis par : Pape NDIAYE LE TEMOIN
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