Les raisons d’une telle option et le choix porté sur ces deux compagnies en plus des sociétés de droit sénégalais Synopsis et Sygma Technologie (de Thierno Ousmane Sy, fils de l’actuel garde des sceaux, ministre de la Justice) trouvent bien leur sens aujourd’hui, au vu des informations très compromettantes reçues sur ces derniers : «La compagnie britannique et celle américaine, principales adjudicataires du marché, se révèlent être des spécialistes reconnues en matière de fabrication de logiciels destinés à la fraude électorale à grande échelle. Ce sont ces mêmes compagnies, la première nommée précisément, qui est à l’origine de la fraude électorale qui a eu lieu aux Etats-Unis en l’an 2000, avant d’être épinglée», nous révèle Barthélemy Dias, secrétaire exécutif de Convergence socialiste qui a fait les investigations nécessaires, de concert avec des partenaires basés aux Usa (lire entretien). Cette information est étayée par le fait que la Banque mondiale et le Fmi ont interdit la société londonienne toute opération dans le cadre d’élections, suite à ses agissements au Ghana et en Indonésie. D’ailleurs aux Etats-Unis aussi, M. Dias rappelle qu’une commission parlementaire a eu à entendre le spécialiste de la compagnie londonienne, concepteur du fameux logiciel. Après de rudes séries d’interrogatoires, ce dernier Clinton Curtis, a reconnu avoir mis en place ces outils qui ont permis de faire dans une fraude électronique massive des élections qui ont vu une défaite inexplicable des démocrates. Ce dernier est, d’ailleurs, allé jusqu’à avouer avoir fait de même pour le compte d’un sénateur de l’Etat de l’Ohio nommé Tom Feeney, qui lui avait commandé la fabrication d’un logiciel pour qu’il puisse gagner les élections avec 51 %. Confirmation a été donné de sa part que cela a été fait et que le responsable politique est arrivé au score voulu. «Ces compagnies ont coûté 15 milliards des 25 milliards qui ont été déboursés pour la refonte totale du fichier et la biométrie. On se retrouve aujourd’hui avec l’inexistence de la biométrie, alors que Eastshore Technology était annoncé pour cela. Où est donc passé cet argent ?», questionne le socialiste. A propos de cet argent, contrairement à ce qui avait été annoncé ça et là, «seul 15 milliards sont allés à la confection des cartes numérisées et la biométrie», confirme Habib Fall de la direction de l’automatisation du fichier (Daf) que nous avons joint, hier. Il explique que le reste du pactole a été utilisé dans d’autres dépenses, comme l’achat de véhicules. Et pourtant, cette obstination à s’attacher les services de ces deux dinosaures de la fraude électorale n’avait pas manqué d’élever des questions jusqu’à la Daf, au niveau des services de M. Fall où des informaticiens ont fait la comparaison et fait rejaillir les avantages de la proposition de la Banque mondiale qui permettraient du coup un amoindrissement des investissements de l’Etat du Sénégal, en plus de bénéficier du professionnalisme de la société Ati, présente dans plusieurs pays et flanquée d’une excellente réputation. «Franchement, on ne comprend pas pourquoi l’Etat a abandonné ce projet, pour dépenser plus de 20 milliards sur un autre marché !», s’était interrogé un fonctionnaire de la Daf à l’époque. Au vu de l’issue du scrutin du 25 février dernier, une réponse sort toute chaude pour justifier un tel choix. S’il a coûté cher au contribuable sénégalais, du point de vue financier, c’est à cause de la minutie exigée par ces spécialistes à leurs contacts. Et pour le cas du Sénégal, la lecture aujourd’hui de plusieurs faits marquants dans le déroulement du processus électoral donne bien des preuves. Le responsable de la Direction du traitement automatique du fichier (Daf) confirme l’engagement des compagnies citées dans la mise en place du nouveau fichier électoral, mais déclare ne pas être au courant d’un agissement frauduleux de leur part. De même, sur leurs démêlés avec la BM et le FMI, M. Fall lâche : «Je ne suis pas au courant. Ce n’est même pas possible puisque ces deux sociétés travaillent en amont ; donc n’opèrent pas directement dans le processus.» REFONTE TOTALE DU FICHIER ELECTORAL Pour le cas d’un homme qui arrive au pouvoir en l’an 2000 avec un fichier où il n’a pas la majorité, qui est allé aux élections législatives en 2001et qu’il n’est toujours pas majoritaire sur ce fichier, ces spécialistes qu’ils débauchent pour la confection d’un fichier truqué l’astreint à un mode d’opération bien spécifique qui leur a valu la sanction de la BM et du FMI. D’emblée, ces compagnies viennent et font un sondage. «Si vous avez 45%, 46% ou 47% et qu’il vous manque quelques points pour que vous passiez au premier tour, elles peuvent travailler avec les mêmes éléments qu’elles trouvent sur place ; voir, éventuellement avec la démographie du pays comment vous faire passer un premier tour.» Mais, si après sondage, elles découvrent que leur candidat est entre 15% et 20% (ce qui a été le cas du Sénégal), elles font un listing de conditions à remplir pour pouvoir, sur la base de la démographie du pays, faire gagner des élections. «Et c’est de là-bas qu’est venue la refonte totale du fichier électoral. Une condition posée pour rendre possible la fraude électronique et qui était inopportune pour le Sénégal», selon Barthélemy Dias. Si ces gens sont arrivés à faire la refonte totale du fichier électoral, d’après le socialiste, c’était pour arriver à un objectif bien précis. Lequel objectif était d’abord de passer au premier tour avec un certain score. C’est pourquoi il rappelle un indice : le score 55 % ait été annoncé par le Président Wade et aussi son Premier ministre Macky Sall, bien avant les élections. «Ceux qui sont arrivés deuxième, il y a des endroits dans ce pays où ils n’ont pas battu campagne, ils n’y ont pas de représentants et ils sont arrivés avant nous. Ça, c’est la première chose. Deuxième chose, il y a eu des gens ici qui ont créé un courant au sein du Ps et qui, par extraordinaire, décident aujourd’hui de soutenir Abdoulaye Wade et qui, par extraordinaire, aussi se sont débrouillés pour avoir un score plus élevé que celui de la Ld/Mpt qui est sur l’échiquier politique depuis plusieurs décennies et présent dans toutes les régions du Sénégal», rappelle M Dias. Sur la base des conditions à remplir qu’il a citées plus haut, il explique que ces spécialistes de la fraude électronique travaillent avec plusieurs éléments dont le transfert des populations, la rétention de cartes, les votes multiples pour sortir sur un plateau informatique la réponse à la question de savoir comment faire pour gagner les élections. «C’est la raison pour laquelle, même ceux qui ont organisé la fraude au niveau du ministère de l’Intérieur sont incapables de dire comment ils l’ont organisée. Parce que le noyau dur de la fraude, c’est pas eux qui l’ont organisé, c’est cette compagnie.» | |
Auteur: Aliou SANE (LE QUOTIDIEN) |
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