La Senelec a un besoin urgent de 23.000 tonnes de Gas-Oil et de 20.000 tonnes de fuel (FO 380) avant la fin de ce mois-ci pour parer au plus pressé. Elle a passé commande, mais butte encore sur les réticences des compagnies pétrolières et une législation qui n’a assurément pas pris en compte les cas de figures présents. Pendant ce temps, le gouvernement du Premier ministre Macky Sall, semble « dépassé » par les événements et se contente de constater les dégâts.
Les compagnies pétrolières restent insensibles à la situation catastrophique que vit la Senelec. La réunion d’urgence du lundi 21 août dernier, convoquée par le Comité national des hydrocarbures n’y a rien changé. L’arrivée du tanker de Gaz oïl commandé par la Senelec reste encore assujettie à leur bon vouloir et elles traînent les pas, si elles ne mettent pas des bâtons dans les roues, confie-t-on dans certains cercles avisés. Pendant ce temps, les Sénégalais et les Sénégalaises souffrent le martyre. Ils sont délestés quotidiennement s’ils ne sont pas tout bonnement privés d’électricité.
Face à une situation qui empire le gouvernement du Premier ministre, Macky Sall semble tétanisé. Aucun acte concret connu du grand public n’est pris pour remédier au mal. Pire, il paraît subir, stoïque, le dictat des pétroliers. On attend certainement des ordres d’en Haut pour réagir. Les ménages et les unités industrielles se morfondent et subissent les contre-coups des délestages intempestifs préjudiciables aux maigres budgets familiaux et à la production largement hypothéquée par un environnement peu favorable. La Senelec quant à elle, tenaillée par un approvisionnement défaillant, un outil de travail complètement obsolète, se meurt en dépit des efforts colossaux consentis et de la mobilisation d’un personnel « dopé ». Un audit validé en 2006, mais commandé en 2005, montre si besoin en était, combien l’outil de production et de distribution était à « moderniser ». Il préconisait, après avoir mis le doigt sur une privatisation pas des plus heureuses, ainsi un investissement de 104 milliards de Fcfa pour lui permettre encore de fonctionner. 167 milliards ont été débloqués par l’équipe de Samuel Sarr par la suite. Un investissement que les difficultés d’approvisionnement et le renchérissement des coûts du baril sur le marché international sont venus anéantir ou à tout le moins, relativiser.
Les tentatives de Carmello Robert Sagna
Le lundi 21 août dernier, M. Carmello Robert Sagna, Secrétaire permanent du Comité national des Hydrocarbures, structure dépendante du ministère de l’Energie, a convoqué une réunion d’urgence tenue dans la salle de conférence de « Total Sénégal ». Ont assisté à cette rencontre les représentants des pétroliers ayant pignon sur rue, (Elton, Oryx, Sar, Total, Mobil, Shell…), ceux de la Senelec, de l’Etat, d’Api, de Gpi et de Gpp pour ne citer que ceux-là. L’ordre du jour était principalement axé sur la situation des stocks des produits pétroliers et le nouveau mode d’approvisionnement.
Ouvrant les débats, le Secrétaire permanent du Comité national des Hydrocarbures a invité l’assemblée à se pencher sur la situation créée par l’arrêt « provisoire ?» des activités industrielles et commerciales de la Société de raffinerie (Sar) par rapport à l’approvisionnement en tous produits pétroliers liquides… A sa suite, la réunion s’est intéressée à la réservation de capacités de stockage par les propriétaires de dépôts aux importateurs potentiels. La fourniture de produits pétroliers aux sociétés de distribution qui n’ont pas la possibilité de procéder à des importations. Comme elle s’est aussi préoccupée des actions de déclassement et les conséquences financières qui pourraient en découler pour l’essence ordinaire, le diesel oïl, le distillat Tag, le pétrole lampant. Le planning des importations à venir et les stocks des soutes ont constitué le dernier point examiné.
Cependant, même si les propriétaires de dépôts ont donné leur accord de principe « à examiner avec les importateurs potentiels (parmi lesquels, la Senelec Ndlr), leur demande de réservation de capacité de stockage, sur la base d’un programme précis et pour « autant que leur propre programme ne soit remis en cause » (souligné par nous). Il s’y ajoute que pour « Total Sénégal », cet accord de principe ne porte que sur un importateur, en « l’occurrence la Senelec compte tenu de la taille de son marché ». Mais alors où est-ce que cela coince ? Pourquoi la Senelec, elle qui a un besoin urgent de 23 000 tonnes de Gaz oïl et de 20.000 tonnes de fuel (Fo 380) et qui a passé commande depuis plus de trois mois auprès d’une société de raffinage marocaine n’arrive pas à faire venir son navire-citerne annoncé pourtant depuis longtemps ? La réticence des pétroliers et une législation mal adaptée en sont les principales raisons, indique-t-on dans les milieux avisés.
N’empêche pour la réunion de Carmello Robert Sagna, s’agissant des produits pétroliers qui ne peuvent être trouvés sur le marché international, les importateurs sont disposés à procéder, sur autorisation douanière, aux actions de déclassement indispensables pour « autant que l’Etat s’engage à prendre en charge les moins-values induites par de telles opérations ». Si ce n’est pas du chantage, ça y rassemble fort. Et la Senelec a beau solliciter une prise en compte par les importateurs de ses besoins en combustibles, notamment en fioul (Fo 380), elle repassera. Ceux-ci trouvent en effet, que la structure du prix actuel de ce combustible n’est pas suffisamment rémunératrice pour leur permettre d’importer ce produit. En d’autres termes, les pauvres ménages peuvent se mettre à la bougie car pour les majors, on importe que ce qui apporte des espèces sonnantes et trébuchantes.
La société de Samuel Sarr est par ailleurs, outrée par la décision qu’elle juge très grave, note le compte rendu de ladite réunion, de la Société des Eaux (Sde) de ne pas lui livrer du fuel (Fo 380) dans la période du 20 au 21 août derniers, alors qu’elle en avait tellement besoin. Elle compte par conséquent, saisir le Comité national des hydrocarbures pour s’en plaindre. Tandis que, pour sa part, la Sar s’inquiète de « n’avoir aucune visibilité sur la reprise éventuelle de ses activités ». Elle sollicite l’aide de l’administration pour se sortir de la mauvaise passe.
GTI dans la danse
Un malheur n’arrivant jamais seul, la Senelec n’a pas fini de « batailler » avec les pétroliers, que voilà qu’elle doit faire face à la décision de son partenaire Gti de lui couper le courant pour faute de paiement à temps des redevances arrivées à échéances. Selon des sources concordantes, la Gti réclamerait à son partenaire Senelec, une échéance de 2,5 milliards de Fcfa. Confrontée à des difficultés de trésorerie, celle-ci est dans l’impossibilité de s’acquitter à date, c’est-à-dire dans les 45 jours, de son paiement, elle qui offre à ses clients 95 jours de crédit. La Gti arguant de ses difficultés également de s’approvisionner en combustible pour sa production électrique, dit ne pas pouvoir fournir si elle ne reçoit pas son argent. La quadrature du cercle !
Selon des sources généralement bien informée, une réunion autour du ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des finances, est prévue ce lundi 4 septembre pour « arrondir les angles ». L’Etat fera certainement à cette occasion, valoir les garanties accordées par ses soins à la Senelec. Pour l’heure, la société de production et de distribution d’électricité du Sénégal se trouve délester de quelque 50 Mégawatts. Il est temps que l’Etat examine cependant à la loupe le contrat quasi léonin qui lie Gti à la Senelec. Un contrat que beaucoup de cadres de la boîte trouvent inique.
Auteur: Madior FALL (Sud Quotidien)
Le senegal aurait t-il perdu la guerre de « l’or noir » ?
Le senegal comme « puissance industrielle » n’est pas à l’abri des mutations. Devant des crises comme celle que traverse la Senelec ou simplement sur les rumeurs d’une éventuelle pénurie d’essence notre politique industrielle est secoue pour dire qu’on est en plein dans la « guerre de l’or noir».
Revenons tout d'abord sur la question de l'évolution de marché du pétrole qui est caractérisée par une hausse sans limite ,due certainement à la persistance de l’Iran de se doter du nucléaire civil. Une situation qui vient s’ajouter à l'accélération des mutations économiques que connaissent même des pays développés. La crise que traverse actuellement la Senelec et qui influe sur la compétitivité et l'attractivité du Senegal a déjà perturbée le reste de l'économie nationale, les échanges de biens et des services ont souffert et les pertes doivent avoisiner les millions de dollars.
Face à cela une démarche « guerrière » au sens de l’économie, d’intelligence territoriale et un regard prospectif s’impose pour arriver à un « Etat stratège ».
L'intelligence territoriale se propose de relier la veille et l'action publique au service de la bonne santé des entreprises nationales et privées .L’état devra utiliser des outils d'analyse de plus en plus opérationnels pour mieux gérer les enjeux et avoir une capacité réelle de réaction rapide face à des situations de crise comme celle qui se présente ou qui se profile
Les techniques qui doivent être utilisées dans ce domaine peuvent s'inspirer des techniques utilisées par les entreprises pour concourir dans la mise en place d'un dispositif de veille stratégique qui ne représente qu'une partie d'une « stratégie territoriale d'intelligence ».
La solution d'Intelligence Territoriale pourrait permettre à l’état du Senegal d’avoir une vision plus nette de son économie grâce à une surveillance des acteurs et des initiatives économiques et sociales d'autres territoires et régions du monde. Ce qui permettra de résoudre les questions liées au pétrole (qui est à la fois un bien économique des plus convoités en ces temps et une denrée stratégique). En se posant juste la question sur l’évolution des grandes tendances sociétales, économiques, technologiques pouvant impacter son territoire il pourrait -l’etat- arriver à l'analyse collective par des experts et la production d'informations de synthèse et recommandations à valeur ajoutée concernant « l’or noir ». En effet il faut le préciser c’est à lui de développer ce que Bernard Carayon appelle « une politique de sécurité économique qui s’appuie sur la définition d’un périmètre stratégique de l’économie nationale; politique d’influence, notamment auprès des organismes où s’élaborent désormais les normes qui règlent la vie économique » car « ... À la différence de nos partenaires, nous persistons à croire que les règles de l'économie libérale sont les seules qui ont cours alors qu'il faudrait que nous développions un patriotisme économique défensif et offensif. ... »
Cette démarche d’« 'intelligence économique » n’est rien d’autre qu’une affaire d’état qui doit se déployer dans la synthèse des intérêts des différents acteurs et coordonner leurs activités et stratégies de développement pour une acquisition de l’information stratégique et la mise en œuvre des opérations d’influence.
Selon Eric DELBECQUE « des entreprises prospères contribuent désormais décisivement à la puissance globale d’une collectivité humaine. »
Le senegal a plus que jamais besoin « d’espions » pour fournir la bonne information, au bon moment, pour permettre à ses entreprises nationales de bien agir et idéalement de faire évoluer le quotidien de nos concitoyens dans un sens propice.
ABOUBACAR SADIKH NDIAYE
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Rédigé par : Aboubacar S ndiaye | 15 septembre 2006 à 03:28