Par Philippe GRANGEREAU
La tournée du président chinois Hu Jintao témoigne de l'appétit grandissant de Pékin pour les matières premières et le commerce du continent africain.
Pétrole, matières premières et commerce. Telles sont, dans cet ordre, les priorités du président chinois Hu Jintao, qui effectue depuis lundi une tournée en Afrique, la seconde en l'espace de deux ans. Après avoir visité le Maroc, Hu se trouvait hier au Nigeria, et doit achever sa visite par le Kenya le 29 avril.
La Chine, dont les réserves en devises ont dépassé celles du Japon grâce à son formidable essor économique, est en quête d'investissements rentables et de matières premières pour ses industries. Mais la soif en pétrole du géant chinois et la volonté de diversifier ses fournisseurs en hydrocarbures est la raison primordiale de son offensive diplomatique sur l'Afrique. Celle-ci avait été lancée en 2004, lors de la première tournée de Hu Jintao en Egypte, au Gabon et en Algérie, véritable tête de pont chinoise au Maghreb.
Depuis trois ans, la Chine est devenue le deuxième consommateur de produits pétroliers dans le monde, après les Etats-Unis, avec une demande totale de 5,56 millions de barils par jours. D'ici 2025, selon les projections américaines, la consommation chinoise en hydrocarbures devrait doubler. Ce besoin en pétrole a poussé la République populaire à s'intéresser particulièrement au Soudan, à l'Angola, au Nigeria, à la Guinée équatoriale, à Sao Tomé-et-Principe, au Congo-Brazzaville, à la Libye et au Gabon. Pékin est désormais le troisième acheteur du pétrole gabonais, derrière les Etats-Unis et la France. Il absorbe un quart du pétrole angolais et se retrouve ainsi en concurrence directe avec les Etats-Unis, qui accaparent la moitié de la production de l'Angola.
L'Afrique, terrain réservé jusqu'alors des grandes compagnies pétrolières occidentales, doit compter avec le géant asiatique. En octobre 2004, la Chine a obtenu, en échange d'aides financières, le droit d'acquérir une participation de 50 % dans un gisement angolais exploité auparavant par le pétrolier Shell.
Le régime chinois, peu respectueux chez lui des droits de l'homme, applique, dans ses relations extérieures, le principe de la «non-ingérence». Une approche sans scrupule qui lui confère, en Afrique, un avantage certain à l'endroit de pays en délicatesse avec les institutions internationales. Le Soudan, menacé de représailles économiques par la communauté internationale du fait de son soutien aux milices jendjawids arabes qui ravagent le Darfour, représenterait à lui seul environ 8 % des importations pétrolières de la Chine. La China National Petroleum Company y a construit un oléoduc de 1 300 kilomètres de long, qui constitue le plus gros investissement chinois à l'étranger.
L'appui apporté par Pékin à Khartoum n'est pas sans incidence géopolitique. Membre du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine a menacé d'user de son droit de veto pour empêcher l'adoption de sanctions contre le Soudan, pour finalement s'abstenir au moment du vote, mardi. Elle maintient aussi d'excellentes relations avec le régime de Mugabe au Zimbabwe.
La stratégie diplomatique chinoise se traduit, assez logiquement pour ce continent, par une coopération militaire fortement accrue depuis le milieu des années 90. Pékin a, par exemple, conclu un accord militaire avec le Congo-Brazzaville, alors que ses instructeurs ont formé des militaires angolais. Il a vendu du matériel militaire, entre autres, à l'Angola, au Centrafrique, au Burkina Faso, au Tchad, au Liberia (où des casques bleus chinois ont fait leur première apparition en Afrique), au Sénégal et au Congo-Kinshasa du temps de Kabila père.
Pékin est aussi un acquéreur boulimique de minerais et autres matières premières. Plus de 60 % de la production forestière du Gabon est exportée en Asie, principalement vers la Chine.
Côté commercial, des sociétés chinoises gagnent désormais des marchés dans l'ancien pré carré français. La compagnie de télécom Zhongxing Telecom, qui multiplie les implantations en Afrique, a récemment rénové le réseau téléphonique à Djibouti.
En 2004, les exportations de Pékin vers l'Afrique ont augmenté de 36 % (13,8 milliards de dollars) et les importations de 81 % (15,6 milliards de dollars). Comme les chiffres l'indiquent, la coopération offerte par la Chine, qui ne s'érige pas en «donneur de leçons», est appréciée par beaucoup de pays. Pékin offre en effet son savoir-faire, sa main-d'oeuvre, des prêts à taux réduits et des avantages financiers pour construire des infrastructures chez ses fournisseurs. Elle est omniprésente dans le BTP en Algérie, où elle réalise des milliers de logements et de grands travaux d'infrastructure.
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