Six survivants du génocide de 1994 au Rwanda, déposant devant une magistrate française, ont accusé des soldats français d'avoir aidé les massacreurs à débusquer leurs victimes et d'avoir eux-mêmes commis des crimes, déclare leur avocat, Me William Bourdon.
Ces dépositions ont été recueillies au Rwanda par la juge Brigitte Raynaud, chargée par le parquet de Paris de mener des vérifications préliminaires après le dépôt de plaintes par ces six personnes en février dernier.
Me Bourdon a estimé que le parquet n'avait plus d'autre choix que d'ouvrir une enquête approfondie. "L'ouverture d'une information judiciaire s'impose encore plus aujourd'hui. C'est plus qu'une confirmation des accusations initiales, c'est accablant", a-t-il dit à Reuters.
Les six témoins, cinq hommes et une femme de l'ehtnie tutsie, qui ont déposé plainte pour "complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité", mettent en cause des soldats français engagés dans l'opération Turquoise, menée entre juin et août 1994 au Rwanda sous mandat de l'Onu.
Huit cent mille Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés d'avril à juin de cette même année par les milices et les militaires d'un régime que soutenait Paris.
Dans leurs dépositions publiées en partie dans Le Monde daté de samedi, des plaignants accusent des militaires français d'avoir aidé les miliciens "Interahamwe", principaux auteurs du génocide, à agir dans le camp de réfugiés de Murambi, au sud de Gikongoro.
Les Français laissaient entrer ces miliciens et des gendarmes dans le camp, a affirmé l'un d'eux. Ces miliciens désignaient des personnes que les militaires français auraient parfois tuées eux-mêmes au couteau. Les soldats français sont aussi accusés de viols.
Des prisonniers auraient par ailleurs été emmenés en hélicoptère par des Français vers une destination inconnue.
D'autres plaignants accusent des soldats français d'avoir, en juin à Bisesoro, incité plusieurs dizaines de milliers de Tutsis à sortir de leurs caches, avant que des miliciens hutus ne surviennent et ne les massacrent.
Depuis 1994, la France a été mise en cause par plusieurs ONG pour son soutien au régime responsable du génocide.
Une version pourtant très discutée, d'autant que le régime de Paul Kagamé, arrivé au pouvoir après le génocide, est lui-même accusé d'exactions.
Une mission d'information du Parlement français a conclu en 1998 que la France avait bien sous-estimé la nature criminelle du régime rwandais mais n'avait eu aucun rôle dans le génocide.
Les autorités françaises soulignent que la France a été, avec l'opération "Turquoise", le seul pays à agir pendant le drame, alors que l'Onu et les autres membres du Conseil de sécurité ordonnaient le retrait du contingent de casques bleus présent sur place avant 1994.
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