Objectif de la nouvelle structure: lutter contre les discriminations.
Par Blandine GROSJEAN
l y a plusieurs façons d'«être noir». Celle que revendique le tout nouveau président du Cran (Conseil représentatif des associations noires), Patrick Lozès, est fondée sur l'expérience commune de la discrimination. Il y aurait ainsi une communauté de vécu entre les Noirs de France, qu'ils soient antillais ou d'origine africaine, jeunes chômeurs des cités, fonctionnaires ou cadres supérieurs. Ce pharmacien, membre de l'UDF, revendiquait depuis longtemps «l'expression républicaine» de cette «spécificité» (Libération du 26-27 novembre).
Samedi, une soixantaine d'associations se sont retrouvées à l'Assemblée nationale pour la constitution de cette première fédération de mouvements représentant le plus souvent des Africains et des Antillais, avec la présence notable d'Amitié judéo-noire. L'objectif du Cran est d'exprimer «le besoin de reconnaissance et de mémoire» lié à l'histoire de l'esclavage et du colonialisme. Il est aussi de lutter contre les discriminations «ethnico-raciales». Le Cran a l'ambition de devenir l'interlocuteur des pouvoirs publics politiques et économiques. Il se veut apolitique, areligieux et dépassant les clivages d'origines nationales, «républicain», insiste Louis-Georges Tin. Cet universitaire, spécialiste des minorités, a apporté au Cran son expérience de la lutte contre l'homophobie qui s'est forgée par un travail commun entre associations.
Pour soutenir l'initiative, Patrick Lozès avait pris soin de s'entourer à la tribune de deux personnalités de «gauche», Stéphane Pocrain, ancien porte-parole des Verts, et Fodé Sylla, ancien président de SOS Racisme. La sénatrice de Guyane, Christine Taubira, avait fait part de son soutien. Il y avait aussi le chanteur Manu Dibango et le footballeur Basile Boli. «Les véritables enjeux, c'est comment trouver davantage de cohésion sociale en réintégrant dans le récit national et dans la communauté nationale des gens qui en sont aujourd'hui exclus de manière permanente parce qu'ils ont la peau noire», a expliqué Stéphane Pocrain. Avant toute chose, «il faut un bilan des discriminations ethnico-raciales. Nous organiserons un congrès sur ce thème au printemps, a posé Patrick Lozès. Il y a en France un décalage entre la réalité de la rue et ce qui se passe dans les institutions dirigeantes. On veut être noir et français, sans raser les murs», a-t-il poursuivi. Fodé Sylla a prévenu l'assemblée : «Il faut laisser les gens s'exprimer, sinon il y aura en France des Farrakhan [Louis Farrakhan, leader noir américain de la Nation de l'islam, accusé d'antisémitisme, ndlr]. Maintenant on en est encore à Martin Luther King.» Il y avait un absent de marque samedi, l'humoriste Dieudonné, qui incarne d'une façon beaucoup plus polémique le combat des Noirs de France.
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