Des députés français ont accusé des groupes de rap d'inciter à la haine et à la violence, mais les rappeurs expliquent ne faire que décrire les maux de la société française mis en évidence lors des récentes émeutes dans les banlieues.
Quelques 200 élus français ont demandé au ministre de la Justice, Pascal Clément, s'il envisageait d'engager des poursuites contre plusieurs groupes de rap, une musique populaire dans les banlieues pauvres et déshéritées de France, théâtre de violences sans précédent. Nous avons interpellé le Garde des Sceaux sur la chanson FranSSe de Monsieur R et six autres chanteurs ou groupes de rap qui incitent à la haine et au racisme », a expliqué le député à l'origine de cette initiative, François Grosdidier, membre du parti UMP (au pouvoir) dirigé par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.
Cette initiative a reçu le soutien de 152 députés et 49 sénateurs et vise Monsieur R., le chanteur Smala, le groupe Lunatic, le groupe 113, les rappeurs Fabe et Salif, ainsi que le groupe Ministère Amer. La Chancellerie a seulement indiqué avoir demandé l'ouverture d'une enquête à la suite d'une première question au ministre de la Justice concernant Monsieur R., déposée dès le mois d'août.
Parmi les paroles mises en cause par les députés, figurent notamment "La France est une garce, n'oublie pas de la baiser jusqu'à l'épuiser, comme une salope il faut la traiter, mec!" (Monsieur R.) ou encore "J'aimerais voir brûler Panam (Paris, ndlr) au napalm comme au Vietnam (...) j'ai envie de dégainer sur des faces de craies", de Ministère Amer. Un tribunal doit examiner une première plainte déposée par le député UMP Daniel Mach contre Monsieur R., de son vrai nom Richard Makela, en février, après une audience technique mercredi.
Le rap de ces artistes, a affirmé M. Grosdidier, n'est pas un type de musique qui s'adresse à un public averti (...) et qui est en mesure de prendre des messages au deuxième, au troisième ou au quatrième degré.Dans les facteurs qui ont conduit aux violences dans les banlieues, cela en fait partie, estime-t-il: Ce phénomène musical là n'est pas du tout étranger à ces violences. Un avis partagé par Daniel Mach, qui avait porté plainte avant les émeutes: De tels propos ne pouvaient qu'amener ce style de révolte, a-t-il déclaré.
Une fois de plus on recherche des boucs émissaires parce que la banlieue a brûlé, a réagi Monsieur R., en estimant que son public n'est pas formé d'indigènes qui prennent les choses au premier degré, tout en se disant prêt à des explications devant un tribunal. Nous les rappeurs décrivons les maux, les blocages dans les rouages de cette société où les élus ne cessent de faire miroiter justice, fraternité, liberté, équité, a dit pour sa part Passi (notre photo), membre de Ministère Amer avec Stomy Bugsy et Doc Gyneco. L'UMP veut les voix de Jean-Marie Le Pen (le leader d'extrême droite), au lieu de parler d'amour, d'éducation, de réinsertion, d'ouverture, accuse-t-il. Le choix de ces sept groupes et artistes étonne en outre le spécialiste du hip-hop Olivier Cachin.
Lunatic a été dissous en 2002, tandis que pour Ministère Amer, le dernier album remonte à 1995, Fabe a arrêté de faire du rap il y a sept ans, dit-il: On a l'impression qu'ils en ont sorti quelques uns au hasard. La radio du rap Skyrock a de son coté estimé que la culture de la nouvelle génération était prise une fois de plus, comme bouc émissaire des maux de la société. Elle a rappelé que des artistes français et le rock avaient aussi été autrefois accusés un temps de pervertir la jeunesse.
(D'après AFP)
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