L'inculpation de Lewis Libby dans l'affaire Plame met à mal un Président déjà affaibli.
Par Pascal RICHE
samedi 29 octobre 2005
En inculpant, vendredi, Lewis «Scooter» Libby, le directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, la justice fédérale américaine vient de donner le coup d'envoi à un procès qui risque d'empoisonner l'administration Bush pendant de longs mois. Au-delà de Libby, qui a aussitôt démissionné, c'est l'ensemble de la préparation de la guerre en Irak qui sera au coeur du procès (lire ci-contre). Pour le Président, qui avait juré en 2000 qu'il «restaurerait l'honneur et l'intégrité à la Maison Blanche», c'est un nouveau coup dur qui s'ajoute, un an après sa réélection, à une longue liste.
A la demande du procureur Patrick Fitzgerald, «Scooter» Libby a été mis en examen pour «obstruction de la justice», «fausses déclarations» et «faux témoignage». Il est soupçonné d'avoir menti au FBI puis, sous serment, à la justice, dans le but de camoufler le comportement de l'administration dans l'affaire Plame. Il risque jusqu'à trois de prison.
Au vitriol. Le procureur n'a pas, en revanche, demandé au grand jury chargé de l'affaire d'inculper Karl Rove, l'éminence grise de Bush, lui aussi cité dans le scandale. L'enquête concernant ce dernier continue cependant.
L'affaire Plame remonte à l'été 2003. La Maison Blanche cherchait alors à discréditer l'ancien ambassadeur Joe Wilson, qui dénonçait violemment la guerre en Irak. Wilson racontait à divers journalistes qu'il avait été envoyé par la CIA au Niger, en février 2002, pour vérifier si Saddam Hussein avait cherché à s'y procurer de l'uranium. Malgré le démenti qu'il en avait rapporté, Bush avait maintenu l'accusation dans son discours sur l'état de l'Union, fin janvier 2003. Le 6 juillet, Wilson a livré son témoignage dans un article au vitriol, publié par le New York Times. Quelques jours plus tard, le journaliste conservateur Robert Novak affirmait que la mission au Niger de Wilson avait été décidée à un «bas niveau», et expliquait que, selon «deux hauts responsables de l'administration», sa femme était un agent secret de la CIA. Griller ainsi la couverture d'un agent secret est un crime : la CIA a saisi la justice.
Menacés de prison s'ils ne coopéraient pas, les journalistes interrogés par Patrick Fitzgerald ont désigné leurs sources, après le feu vert de celles-ci. Ils ont raconté leurs conversations avec Lewis Libby et Karl Rove.
Véritable profession. En reconstituant le puzzle, Fitzgerald a acquis la conviction que Libby avait menti. Celui-ci a par exemple déclaré qu'il avait pour la première fois entendu parler de la véritable profession de Valerie Plame en juillet, par un journaliste. En réalité, il a obtenu cette information en juin 2003 par plusieurs personnes à l'intérieur de l'administration, dont Dick Cheney lui-même.
Selon Fitzgerald, qui a donné vendredi après-midi une conférence de presse, Libby est «le premier» qui a fait sortir l'information (sur Valerie Plame) en dehors du gouvernement. Le grand jury ne l'a pas encore inculpé pour violation de la loi protégeant les espions, mais l'enquête «n'est pas terminée», a indiqué Fitzgerald, qui souhaite que toute la vérité soit faite. Le vice-président Dick Cheney est désormais en première ligne, et il ne manquera pas d'être appelé à témoigner au procès. Le «Plamegate» ne fait donc que commencer. «Nous devons montrer au monde que la loi s'applique à tous les citoyens, a déclaré Fitzgerald, y compris ceux qui sont haut placés.»
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