San Finna N°329 du 19 au 25 Septembre 2005
"Il n'est de Liberté qu'en dehors de l'Abus"
Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, les gouvernements italien et sénégalais peuvent se retrouver sur la même longueur d'ondes ? Il y a certainement beaucoup de choses mais ce que l'actualité retiendra, c'est leur convergence en matière de manipulation électorale. En Italie, par exemple, l'un des gros scandales en ce moment, c'est la volonté de Berlusconi de modifier le mode de scrutin, et ce à 6 mois des élections en rétablissant la représentation proportionnelle à 100 %, système qui, tous le reconnaissent, était pourtant à l'origine de l'instabilité politique depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Cette décision, comme il fallait s'y attendre, a soulevé un tollé dans la classe politique et particulièrement au sein de l'opposition. Tout le monde sait qu'un système électoral n'est jamais neutre. La proportionnelle à la plus forte moyenne ou au plus fort reste n'a pas les mêmes résultats concernant les grands et les petits partis : selon que l'on veut favoriser la bipolarisation autour des grands partis ou voir venir à l'Assemblée le plus de sensibilités, on jouera sur l'un ou l'autre des modes de scrutin. Et en Italie, le premier Ministre a fait ses calculs : ce n'est pas par amour de la démocratie, par souci de promouvoir des coalitions stables, il sait très bien qu'avec le nouveau mode de scrutin, il a beaucoup plus de chances de conserver le pouvoir et il décide de foncer d'autant plus que les sondages ne cessent de renforcer l'écart entre lui et Romano Prodi. Dix points d'écart, ce n'est pas de la rigolade. Alors aux grands maux, les grands remèdes : rétablissement de la proportionnelle avec un seuil de 4 % de suffrages et un mécanisme à dormir debout de prime à la coalition la moins éclatée. Comme la coalition qui soutient Romano Prodi est la plus parcellarisée, comprenant des partis qui ne dépassent pas tous les 4% de suffrages, alors Berlusconi pourra dire "Par ici la bonne soupe ! ".
Au Sénégal, Abdoulaye Wade décide de reculer les élections législatives pour les faire coïncider avec la présidentielle. Là aussi, l'intention n'est pas tout à fait angélique et conditionnée par des préoccupations d'économie et de redistribution sociale comme cela est avancé par ceux de son camp. Nul n'ignore en effet que lorsqu'on couple les élections présidentielles et législatives, on parvient toujours à cette assimilation au niveau de l'électeur que voter pour le député, c'est voter pour le président. Cela permet surtout au président Wade d'entrer en campagne pour son propre compte mais également pour son " écurie " alors que de tradition consacrée au Sénégal, le président de la République
Dans un cas comme dans l'autre, la réaction ne s'est pas faite attendre. Les Italiens se sont mis en ordre de bataille pour rappeler Berlusconi au respect de l'éthique démocratique. C'est un " vol, une escroquerie, un coup d'Etat institutionnel ", disent-ils en chœur. Et à Romano Prodi de lancer, solennel : " Dans l'histoire des nations, il y a des moments où la démocratie est en jeu.
L'Italie vit un de ces moments-là ". Quant à Ezio Mauro, le directeur du quotidien " La Republica la République la République
Au Sénégal également, la mobilisation de l'opposition a été générale et exemplaire. Pour elle, " la démocratie a un coût et ne saurait dépendre de contingences climatiques auxquelles tous les pays sont confrontés ". Abdoulaye Bathily du LD/MPT a trouvé que la proposition de Wade pose problème au plan de l' éthique et de la morale politique : "Le pire dans cette affaire est que le président de
Si l'opposition n'a pas réussi à faire retirer définitivement le projet, en tout cas, elle a pu déclencher un dialogue démocratique avec à la clef une suspension sinon un gel de l'initiative présidentielle.
Ce qu'on peut dire de tout cela, c'est que réellement, la démocratie n'est nulle part définitivement acquise pas plus dans un pays comme l'Italie qui peut figurer parmi les templiers de la démocratie qu'au Sénégal, qui pendant longtemps incarnait en la matière, un relatif leadership en Afrique. Mais une autre leçon aussi à tirer, c'est qu'il appartient aux combattants de la démocratie de ne jamais baisser la garde. S'ils sont vraiment soudés dans la défense de la Constitution
La Rédaction
Commentaires