Oui, les 104,4 milliards de dollars (71,2 milliards d'euros) dépensés en 2006 par les vingt-deux membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ont amélioré les conditions de vie des populations les plus pauvres.
Le pourcentage des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour a baissé, passant de 29,6 % de la population mondiale en 1990 à 19,4 % en 2004. Le taux de scolarisation dans le primaire est passé, dans le même temps, de 79 % à 86 %. Le nombre de décès imputables à la rougeole est revenu de 757 000 en 2000 à 242 000 en 2006, soit un recul de 68 % - et même de 91 % pour l'Afrique subsaharienne seule.
Car "l'aide publique au développement", ces subventions versées par les pays riches sous diverses formes aux pays pauvres, connaît des hauts, des bas et de nombreuses ambiguïtés.
Par exemple, les Etats-Unis sont bien les plus généreux en chiffre absolu, mais si on rapporte leur contribution au produit intérieur brut, ils figurent en queue de peloton et laissent aux pays nordiques, Suède en tête, la palme du volontarisme et à l'Irlande le ruban bleu de la plus forte progression en une seule année (+ 36,9 %). La France figure un peu au-dessus de l'aide moyenne des pays donateurs.
Qui plus est, Richard Manning, président du CAD, souligne dans sa présentation du rapport qu'il faut relativiser ces chiffres. Les 7 milliards de dollars attribués au total à l'Irak en 2005 et en 2006 faussent la perspective. Et les annulations de dette (une trentaine de milliards de dollars majoritairement destinés à l'Irak et au Nigeria) améliorent certes le crédit des pays qui en bénéficient, mais ne leur apportent pas d'argent frais.
C'est d'ailleurs l'épuisement progressif de ces annulations de dettes qui explique que le montant total de l'aide publique mondiale ait reculé d'un maximum de 107,1 milliards de dollars atteints en 2005 à 104,4 en 2006. Et un nouveau recul pour 2007 doit être annoncé au printemps.
M. Manning prévient que les vingt-deux pays donateurs du CAD auront beaucoup de mal à tenir leurs promesses d'aide effective (hors aide humanitaire, allégements de dette, coûts administratifs de l'aide, coûts de réfugiés et des étudiants) à l'horizon 2010. Pour être au rendez-vous, il leur faudrait augmenter chaque année cette aide de 12 %, ce qui semble hors de portée dans ces temps où l'équilibre budgétaire prime.
L'aide des Etats est devenue plus efficace, à l'exemple de celle du Royaume-Uni qui, depuis 2002, a adopté une loi donnant un mandat clair et un rôle de chef de file au "Département pour le développement international" au sein du gouvernement. Le Royaume-Uni s'interdit dorénavant de recourir à l'aide au développement pour obliger les pays bénéficiaires à passer des contrats d'approvisionnement auprès d'entreprises britanniques.
L'EXEMPLE DE LA SANTÉ
Le domaine de la santé illustre les évolutions contrastées de l'aide. Les apports de fonds y sont passés de 6 milliards de dollars en 1999 à 13,4 milliards en 2005. Ce gonflement a été le fait de nouveaux acteurs et de nouveaux partenariats mondiaux, tels l'Alliance Gavi (vaccins), le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP), l'Emergency Plan for AIDS du président Bush ou la Fondation Bill et Melinda Gates. Ces nouvelles structures, qui veulent apporter l'aide au plus près des besoins et si possible sans intermédiaires éventuellement prédateurs, apportent le quart de l'aide publique à la santé.
Mais ce foisonnement risque paradoxalement d'aggraver la situation sur le terrain. Le rapport du CAD note en effet que ces fonds privilégient des domaines (le sida, par exemple) qui ne correspondent pas aux priorités des gouvernements des Etats destinataires. Ainsi, au Rwanda, le fonctionnement des hôpitaux ou la formation des personnels de santé restent sans moyens. "Il est impératif de veiller à l'appropriation locale", notent les auteurs du rapport, où l'on peut lire que le principal défaut des interventions destinées aux victimes du tsunami de 2004 était la méconnaissance du contexte local dont ont fait preuve les organismes distribuant l'aide. La générosité n'exonère pas du devoir d'intelligence.
Enfin, François Bourguignon, directeur de l'Ecole d'économie de Paris et ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a commenté le rapport du CAD en appelant à se méfier d'une recherche de l'efficacité à tout prix. "Ce sont les pays fragiles, où l'aide est la moins "efficace" en raison de leur difficulté à l'utiliser qui en ont le plus besoin, a-t-il souligné. Leur imposer des conditions sévères de gouvernance pour l'octroi de l'aide publique conduirait à laisser ces pays très pauvres sur le bord du chemin, ce qui serait inacceptable."
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