Nombreux sont les Africains qui voient dans cette initiative une nouvelle preuve d'un racisme qui serait solidement enraciné dans les mentalités de l'ancienne puissance coloniale.
Ils soulignent que le texte, voté vendredi matin par le Sénat français dans une version édulcorée, prend en compte une notion bien étriquée de la famille, peu conforme à la tradition africaine où la cellule familiale comporte aussi bien les oncles, les tantes que les cousins éloignés.
"Cette loi s'inscrit dans la surenchère législative de la droite et particulièrement du nouveau président qui fait, depuis quelques années, de la stigmatisation des immigrés un axe principal de sa politique. On veut nous faire croire que ce sont les étrangers qui sont la base de tous les problèmes des Français", estime Géraud Ahouandjinou, un Béninois qui vit dans la banlieue parisienne.
"Je suis scandalisé que l'éthique prescrite pour les Français ne soit pas de rigueur pour les étrangers. En outre, (puisque) ce n'est pas l'ADN qui définit le champ familial en France, pourquoi cette définition strictement génétique devrait-elle s'appliquer à des populations dont la culture impose une conception très large de la famille?", ajoute-t-il.
Lorsque Nicolas Sarkozy a été élu à l'Elysée en mai dernier, les dirigeants africains n'ont pas attendu pour le féliciter, heureux notamment des promesses du nouveau président sur une plus grande transparence dans les relations entre la France et ses anciennes colonies.
"CLIMAT DE SUSPICION"
Mais l'homme de la rue s'est montré plus réservé, voire sceptique, gardant notamment à l'esprit les "charters" d'immigrés clandestins renvoyés de force dans leur pays alors que Sarkozy était ministre de l'Intérieur.
Un discours prononcé en juillet dernier au Sénégal, dans lequel le nouveau président dénonçait le colonialisme mais disait que l'Afrique avait aussi "sa part de responsabilité dans son malheur", est également resté dans les esprits.
"L'inflation des lois sur l'immigration favorise un climat de suspicion totalement délétère, accentué par les actes et manifestations vexatoires et stigmatisantes qui concourent de plus en plus à considérer les Africains comme indésirables en France et en Europe", déclare Alioune Tine, qui dirige à Dakar le groupe de défense des droits de l'homme RADDHO.
Pour le président sénégalais Abdoulaye Wade, "s'il est vrai que chaque pays est libre d'adopter les mesures qu'il veut imposer à l'entrée des étrangers sur son territoire, la pratique de l'ADN est une violation de la liberté individuelle, une atteinte à l'intégrité physique, sans que l'on soit sûr qu'elle n'est pas exempte d'erreur".
"Il vaut mieux demander purement et simplement à quelqu'un de ne pas entrer dans le territoire national que de le soumettre à des opérations qui portent atteinte à cette liberté", a-t-il dit cette semaine lors d'une conférence de presse.
Le projet de loi, qui doit maintenant passer à l'Assemblée nationale puis en commission mixte paritaire Assemblée-Sénat, suscite également de vives critiques en France.
Le Parti socialiste a annoncé qu'il demanderait le retrait de l'article sur les tests ADN devant la commission mixte paritaire et qu'il l'attaquerait devant le Conseil constitutionnel s'il était définitivement voté.
Selon un sondage CSA publié vendredi dans Le Parisien, les Français sont partagés sur les tests ADN - 47% jugent qu'il s'agit d'une bonne chose, 45% sont d'un avis contraire.
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