La Société générale de banques au Sénégal a enregistré des résultats satisfaisants au cours de l'exercice 2006. Administrateur-Directeur général de la Sgbs, Sandy Gillio, parle du plus gros résultat du système bancaire au Sénégal. Il revient aussi, dans l'entretien qu'il nous a accordé, sur la crise des Industries chimiques du Sénégal (Ics) et le contentieux qui oppose sa banque à Ady Niang, l'ancien directeur de l'Agence nationale de la Bceao.
Wal Fadjri : Quel bilan tirez-vous de l'exercice 2006 de la Société générale de banques au Sénégal ?
Sandy Gillio : J'ai le plaisir de diriger cette banque depuis deux ans
et demi maintenant et elle m'a apporté beaucoup de satisfaction jusqu'à
présent. Concernant l'exercice 2006, nous sommes très satisfaits des
résultats que nous avons réalisés, tant au niveau du produit net
bancaire qu'à celui du résultat d'exploitation, mais encore plus au
niveau du résultat net. On reviendra un peu plus tard sur le détail. En
gros, nous avons un résultat net qui est le plus important pour les
actionnaires et, pour les dividendes, nous avons réalisé un exercice
exceptionnel en 2006 avec une augmentation du résultat net de 35 % pour
le porter pour la première fois - et c'est historique - au-delà de la
barre des 10 milliards. Et pour 2006, c'est le plus gros résultat du
système bancaire au Sénégal.
Sandy Gillio : J'ai le plaisir de diriger cette banque depuis deux ans et demi maintenant et elle m'a apporté beaucoup de satisfaction jusqu'à présent. Concernant l'exercice 2006, nous sommes très satisfaits des résultats que nous avons réalisés, tant au niveau du produit net bancaire qu'à celui du résultat d'exploitation, mais encore plus au niveau du résultat net. On reviendra un peu plus tard sur le détail. En gros, nous avons un résultat net qui est le plus important pour les actionnaires et, pour les dividendes, nous avons réalisé un exercice exceptionnel en 2006 avec une augmentation du résultat net de 35 % pour le porter pour la première fois - et c'est historique - au-delà de la barre des 10 milliards. Et pour 2006, c'est le plus gros résultat du système bancaire au Sénégal.
Wal Fadjri : Quels sont les secteurs qui ont beaucoup plus porté le résultat net ?
Sandy Gillio : C'est difficile à dire. Parce que c'est un travail d'ensemble, je ne voudrais pas favoriser tel ou tel secteur. Nous sommes la première banque du pays et de loin, en matière de crédit et de l'économie pour la clientèle commerciale. Et nous avons été très performants dans ce secteur. Mais il ne faut pas oublier notre développement en matière de clientèle et de particulier avec l'extension continue de notre réseau. Nous avons ouvert sept points de vente en 2006 et nous allons continuer à ouvrir des points de vente. Quand je dis point de vente, ce sont de vrais points de vente où on fait de la banque. Et pas comme je vois faire certains confrères qui annoncent un réseau très étendu avec juste une enseigne ou Western Union où vous ne pouvez pas faire d'activité bancaire. Quand je parle de point de banque, je parle de monter une banque. Et nous allons continuer à développer notre réseau, mais ce n'est pas extensible, parce que le Sénégal c'est 10 millions d'habitants. La clientèle des particuliers a été un fort contributeur de notre Pnb en 2006. Mais le Sénégal est un pays faiblement ‘bancarisé'. Et nous essayons de continuer à y remédier. Tous nos crédits à la consommation, nos crédits mobiliers sont en pleine progression aussi. Ils contribuent ainsi à l'élaboration de ce magnifique résultat.
Wal Fadjri : En terme de valeur absolue, quelle analyse faites-vous de ces résultats ?
Sandy Gillio : Dans un contexte difficile, je pense qu'ils sont bons puisqu'il faut rappeler quand même que l'économie sénégalaise a connu quelques problèmes et nous-mêmes, nous en subissons les contrecoups. Je ne vais pas vous faire une analyse exhaustive, mais à commencer par les prix du pétrole qui ont fortement augmenté et qui pénalisent la croissance. Le pétrole est un phénomène mondial. Il n'y a que les producteurs qui n'en souffrent pas ; mais tous les pays de la planète en souffrent parce qu'ils connaissent la même augmentation. C'était prévisible et c'est encore prévisible, il faut s'adapter. Mais le Sénégal, comme d'autre pays, est pénalisé. Notamment au niveau du secteur de l'énergie, avec la Sar, la Senelec, du secteur agricole, avec la campagne qui n'est pas des meilleures avec le problème de la soudure. Même s'il y a de nouveaux managements, de nouvelles approches, il y a des aléas climatiques. Je ne vous parle même pas des Ics, on y reviendra après, mais ça fait deux points de croissance pratiquement. Parlons du tourisme qui n'est pas au niveau de ce qu'on pourrait attendre. Vous avez un pays magnifique, vous avez tous les atouts, mais il manque un peu de publicité au niveau de la destination Sénégal et surtout plus de qualité service pour que les gens qui viennent, reviennent, ce qui n'est pas trop le cas en ce moment. Dans ce contexte économique difficile, avec la concurrence de plus en plus accrue au niveau du système bancaire (il doit y avoir maintenant dix-sept banques autorisées), c'est difficile de détenir la même part du gâteau. Parce que le gâteau, il reste le même, mais les acteurs sont plus nombreux. Nous sommes très satisfaits d'avoir, non seulement, un niveau de performance très satisfaisant mais aussi d'avoir gardé et de loin, notre place de leader du système bancaire sénégalais, en dépit de tout ce qu'on peut dire à droite et à gauche. C'est-à-dire que certaines banques sont premières, c'est vrai, mais c'est juste sur un petit segment, mais globalement, ‘y a pas photo'.
Wal Fadjri : On dit en général des banques qu'elles ne participent pas au financement du développement, qu'elles sont beaucoup plus intéressées par la commercialisation de leur produit...
Sandy Gillio : Le produit, je suis d'accord avec vous mais ça, ce sont les commissions. Notamment en matière de clientèle privée, nous essayons de promouvoir les produits innovants comme les gammes bancaires, comme toutes nouvelles formes de crédit à la consommation, les services de téléphonie, les services liés à internet. Et là, on sort également un produit qui n'est pas tout à fait un nouveau produit. On essaye d'innover souvent et ça, c'est générateur de commissions, c'est du commercial. Mais pour répondre à votre question, le développement, on en a fait, comme M. Jourdain, on en a fait tous les jours. Nous accompagnons tous les secteurs de l'économie, quel qu'il soit, un petit peu moins la pêche. Mais, nous accompagnons tous les projets immobiliers, les projets de développement. Etant la première banque du pays, on est obligé de jouer notre rôle. Nous avions une part de marché supérieure à 25 % de crédit à l'économie, aux entreprises. Cela montre bien qu'on accompagne tous les projets. Mais je ne peux pas dire que la semaine prochaine (Ndlr : l'entretien s'est déroulé le 21 juin dernier), on va signer officiellement un projet de 10 milliards pour une entreprise sénégalaise. J'accompagnais certaines entreprises dans le passé comme les Ics. Mais ce qui est fait, est fait et on ne va pas le regretter. Malheureusement, et ce n'est pas de notre faute, il n'y a pas beaucoup d'investissements au Sénégal. Quand je parle d'investissement, c'est d'un investissement productif qu'il s'agit. Il y en a dans l'immobilier, c'est bien et nous les accompagnons. Mais il faut faire attention au boom immobilier aussi parce qu'un jour, il va exploser. Ici au Sénégal, le bâtiment va très bien, mais le reste de l'économie peut être pas aussi bien. Il faut espérer.
Wal Fadjri : Mais pourquoi avez-vous choisi de financer une entreprise à hauteur de 10 milliards de francs ? Elle évolue dans quel secteur ?
Sandy Gillio : Je ne veux pas le divulguer maintenant, mais c'est dans le secteur lié à ce qu'on vient de parler.
Wal Fadjri : On vient de parler de beaucoup de choses…
Sandy Gillio : Non, on vient de parler de tout ce qui touche au progrès de ces investissements pas très productifs qu'est l'immobilier. Si on prête 10 milliards à une société, c'est que la société le vaut, que c'est une grande société, qu'on a analysé le bilan et on estime qu'on peut accompagner cette société à hauteur de 10 milliards. Etant la première banque du pays, financer une société à hauteur de 10 milliards, ce n'est pas déraisonnable. Evidemment, on ne finance pas 50 sociétés à hauteur de 10 milliards tous les ans, mais on en fait avec quelques-unes. Encore une fois, nous traitons tous les secteurs d'activités et toutes les catégories de sociétés, aussi bien les grandes, les moyennes et les petites entreprises. Nous ne sommes pas encore beaucoup dans la micro finance parce que la micro finance, c'est un métier un peu spécial et je ne suis pas très satisfait de l'objet de ses financements. Et puis, je suis un peu choqué par les taux pratiqués par la microfinance qui sont presque des taux d'usurier pour des gens qui en ont le plus besoin. Le côté social n'est pas très respecté. Au départ, la micro finance avait une vocation tout à fait sociale (je ne parle pas forcément du Sénégal), mais j'ai l'impression que c'est un peu dévié en ce moment.
Wal Fadjri : La micro finance ne constitue-t-elle pas une sorte de concurrente ?
Sandy Gillio : Non, ce n'est pas le même métier. Nous faisons de la micro finance indirectement puisque nous finançons des sociétés de micro finance qui ont besoin de crédits. Nous les finançons, mais à des taux qui ne sont pas ceux auxquels, eux, ils financent les utilisateurs.
Wal Fadjri : Quel est le choix qui justifie le fait que vous mettiez l'accent sur le financement de 10 milliards de francs ? Cette société est peut-être dans des difficultés ?
Sandy Gillio : Pas du tout ! Cette société est en pleine capacité et, à la limite, elle n'arrive plus à satisfaire la demande. Elle fait un nouvel investissement pour satisfaire ses clients, au Sénégal et dans la sous-région et peut être ailleurs, dans les années qui viennent. Gouverner, c'est prévoir.
Wal Fadjri : Ne s'agit-il pas d'une société filiale d'une multinationale française ?
Sandy Gillio : Je vous dis non et je n'irai pas plus loin pour répondre à votre question à ce sujet. Parce que vous allez réussir à me piéger si vous continuez comme ça. Ce n'est pas une filiale multinationale.
Wal Fadjri : On a parlé tantôt de l'intervention de la Société générale dans le cadre du secteur de l'énergie. Apparemment, vous avez omis consciencieusement de parler du cas des Ics qui doit aussi être problématique à votre égard en tant que créancier de cette société. Sandy Gillio : Je n'ai pas évité consciencieusement d'en parler puisque je vous ai cité les Ics et je vous ai dit qu'on en parlera peut-être plus tard. Dans les problèmes qu'avait l'économie du Sénégal que j'ai mentionnés tout à l'heure, il y a les Ics. Je ne l'ai pas occulté. Maintenant, si vous voulez qu'on en parle, je suis à votre disposition. Malheureusement, il y a tout à dire et rien à dire parce que rien n'a évolué.
Wal Fadjri : C'est pourquoi il y a quelque chose à dire parce que les Ics, c'est une cliente de la Sbgs. Avec la crise des Ics, la Société générale de Paris a été sollicitée dans le cadre d'une garantie...
Sandy Gillio : La Société générale a été sollicitée au titre d'une garantie ? Vous en savez plus que moi.
Wal Fadjri : On a parlé de 10 milliards de garantie au Sénégal au niveau de la Société générale. Maintenant, quelle a été votre action en direction des Ics ?
Sandy Gillio : Je ne sais pas de quoi vous parlez, on ne parle pas du même dossier. La Société générale n'a jamais été sollicitée et n'a jamais donné de garantie de 10 milliards aux Ics.
Wal Fadjri : Pour que l'Etat dépose une garantie au niveau de la Société générale...
Sandy Gillio : Non ! Je vais essayer de répondre à votre question de la manière la plus précise et la plus professionnelle possible. Nous sommes créanciers des Ics pour 18 milliards de francs. Comme les bailleurs de fonds, d'autres banques et d'autres créanciers, nous avons supporté l'an passé les Ics de manière soutenue et étant la première banque du pays, il est tout à fait logique et normal que nous soyons nous à l'époque les plus exposés avec 18 milliards de francs. Mais compte tenu de notre bilan, de nos résultats, à la limite 18 milliards de francs, c'est peut-être une meilleure position que d'autres petites banques qui ont beaucoup de moyens, mais qui ont un bilan aussi beaucoup plus petit que le nôtre. Nous assumons, il n'y a pas de souci. Et puis, on ne va pas revenir sur les raisons des difficultés qu'ont connues les Ics. Les actionnaires ont plus ou moins fait leur devoir jusqu'à présent. Mais les Ics se sont retrouvées dans une situation de quasi faillite. A un moment, il y a eu des saisies-arrêts qui ont été faites à droite et à gauche par certains créanciers dont des noms que vous avez lus à travers la presse : exemple Offnor de Jérôme Godart qui a fait des saisies sur les comptes. Pour éviter que ça ne se reproduise, les Ics se sont mises en règlement préventif jusqu'à ce qu'il y ait une solution quant à la recapitalisation et la restructuration des dettes. Mais comme les banques étaient en situation difficile vis-à-vis de la commission bancaire et qu'on risquait (on risque toujours d'ailleurs) d'avoir un séisme au niveau du système bancaire, l'Etat du Sénégal a donné aux banques une garantie sur leurs créances jusqu'à ce que le processus de recapitalisation et de restructuration aille à son terme. On en est là.
Wal Fadjri : Où en êtes-vous vis-à-vis des Ics aujourd'hui ?
Sandy Gillio : Cette garantie de 10 milliards donnée par la Société générale, ça n'existe pas, ça n'a jamais existé.
Wal Fadjri : Pourtant, on a parlé de….
Sandy Gillio : Oui mais, vous parlez, vous pouvez parler de tout ce que vous voulez. Croyez-moi, je n'ai pas la langue de bois.
Wal Fadjri : L'Etat sénégalais n'a-t-il pas déposé une garantie au niveau de la Société générale pour le compte des Ics ?
Sandy Gillio : S'il l'a fait, je ne suis pas au courant. Je ne dis pas que ce n'est pas vrai, Dieu seul sait ce qui se passe, mais à ma connaissance, non.
‘La situation des Ics n'est pas encore rassurante parce que depuis deux ans, en dépit de tous les engagements qui ont été pris (…), rien de concret ne s'est passé ‘
Wal Fadjri : En tant que créancier des Ics, comment avez-vous vécu la crise, surtout au moment de la saisie des comptes ?
Sandy Gillio : Comme tout le monde, on vit très mal ce genre de crise. Et malheureusement, on n'est pas au bout. Quant à la saisie des comptes, il y a eu des confusions et c'est pour ça que peut-être la Société générale, quelque part, a été exposée. Je vais essayer de vous expliquer. Le paiement aux Ics se faisait en dollars. Les Indiens pour payer les Ics sur leur compte de la Société générale à Paris, qui tenait le compte séquestre des bailleurs de fonds, le faisaient en dollars. Ça se faisait depuis des années et ça continue encore, sauf que le paiement ce n'est plus uniquement en dollars que cela se fait, mais aussi en euros. Mais à l'époque, ça se faisait en dollars. Et techniquement, pour pouvoir payer les Ics en dollars de New Delhi ou de Bombay (en Inde) à Paris, il faut passer par New York parce que c'est du dollar. Donc il passe par New York. Les Ics n'ont jamais eu de compte à la Sg New York, mais comme c'est une grande banque et que nous étions leur correspondant, il passe par nous à New York. En passant sur le territoire américain, tous les créanciers peuvent le saisir. C'est tout. De près ou de loin, nous n'étions pas des acteurs, nous sommes peut-être très passifs. Tout créancier pouvait faire une saisie-arrêt sur ce compte. Dès que l'argent était sur le territoire américain, il y avait possibilité de le saisir. Et c'est ce qui s'est passé. Donc, à chaque bateau qu'il fallait payer, ça été saisi une, deux ou trois fois, ensuite il y a eu des procédures juridiques. Les Ics ont essayé de faire en sorte que ces sommes ne soient pas débloquées. Mais là-dessus, la Société générale n'a joué aucun rôle ni de près ou de loin.
Wal Fadjri : N'avez-vous pas servi de perche aux Ics pendant ces périodes ?
Sandy Gillio : Non, nous avons peut-être aidé les Ics à trouver une solution, mais nous, on n'y peut rien. Quand il y a eu une décision de justice des autorités américaines qui ont bloqué ces sommes, nous étions de simples dépositaires. Et dépositaires juste quelques instants parce que nous n'avions même pas de compte des Ics à la Société générale de New York. C'étaient des transferts qui étaient obligés de passer par New York. Cela aurait pu passer par n'importe quelle banque ayant une activité aux Etats-Unis puisque nous avons juste joué le rôle de banque correspondante. Mais nous n'avons joué aucun rôle actif quant à ces opérations.
Wal Fadjri : Précisément, comment avez-vous aidé les Ics à trouver une solution ?
Sandy Gillio : Nous avons contribué en tant que conseil, dans une modeste mesure, à débloquer la situation, mais c'est en grande partie, les Ics et leurs partenaires et fournisseurs qui ont trouvé la solution, avec peut-être les autorités sénégalaises pour négocier ou dédommager ou simplement faire valoir leurs droits vis-à-vis de ce qui était saisi. Et aussi en liaison avec le tribunal en charge du règlement préventif.
Wal Fadjri : Au stade actuel des négociations, la situation des Ics est-elle rassurante ?
Sandy Gillio : Non, la situation des Ics n'est pas encore rassurante.
Wal Fadjri : Pourquoi ?
Sandy Gillio : Parce que depuis deux ans, en dépit de tous les engagements qui ont été pris jusqu'à présent à la fois par les Ics, les actionnaires principaux dont l'Etat du Sénégal, rien de concret ne s'est passé.
Wal Fadjri : En tant que partenaire des Ics, pensez-vous que la gestion est à décrier ?
Sandy Gillio : On ne va pas revenir sur le passé, il vaut mieux se tourner vers l'avenir. Mais si une société qui est le fleuron de l'économie sénégalaise, se retrouve avec 200 milliards de dette, il est évident que, quelque part, il y a aussi peut-être des erreurs de management, mais il n'y a pas que ça. Il y a des erreurs de gestion, de stratégie, mais également peut-être que les bailleurs de fonds et les banques ont trop prêté à ce fleuron. Parce qu'à l'époque, c'était le fleuron de l'économie sénégalaise. Il y a aussi la responsabilité des actionnaires qui n'ont pas été assez vigilants. En fait, quand les ‘Lions' du Sénégal font 0-0 au Mozambique, ce n'est pas la faute d'une personne, mais celle de tout le monde. On parle de recapitalisation, de restructuration, mais cela fait des années que des actionnaires auraient dû être d'accord. Ils sont deux principalement : les Indiens et l'Etat du Sénégal. Le Sénégal est prêt à céder ses actions à Iffco (le partenaire indien des Ics, Ndlr) pour qu'il devienne actionnaire majoritaire. Mais en tout état de cause, nous les créanciers, que ce soit Etat du Sénégal, des Camerounais, des Marocains ou Chinois, ça nous est égal. A la condition que les actionnaires fassent leur travail. Et leur travail, c'est d'injecter tout de suite au minimun 50 milliards dans les Ics parce qu'en ce moment, les Ics vivotent et ce n'est pas comme ça qu'elles vont s'en sortir. Une fois que les actionnaires auront joué leur rôle, les bailleurs de fonds et les autres créanciers pourront étudier comment on peut aider au mieux les Ics, en restructurant toute une partie de la dette sur une durée longue et à un taux qui ne pénalise pas trop les Ics. Mais il est évident qu'on ne va pas discuter de ces modalités de restructuration tant que ce n'est pas recapitaliser, c'est un tout. Le futur numéro un, c'est que les actionnaires jouent leur rôle, les créanciers sont assez majeurs et responsables pour voir comment ils pourront accompagner la restructuration des Ics. Maintenant, si on commence par dire aux banques qu'elles vont abandonner une partie de votre créance sur les Ics, c'est un autre débat.
‘On est prêt à accompagner la restructuration des Ics, mais de manière raisonnable et sans se faire plumer (…) Nous avons tous intérêt à sauver les Ics, mais pas dans n'importe quelle condition'
Wal Fadjri : Mais êtes-vous prêt à accompagner la restructuration, notamment en ce qui concerne un plan de rééchelonnement de la dette ?
Sandy Gillio : C'est inévitable, à moins que les actionnaires n'emmènent 200 milliards. Bien sûr qu'on est prêt à accompagner, mais de manière raisonnable et sans se faire plumer. Bien sûr, les Ics sont dans une situation difficile, nous aussi, comme par voie de conséquence, l'économie sénégalaise aussi. Alors, nous avons tous intérêt à sauver les Ics, mais pas dans n'importe quelle condition.
Wal Fadjri : N'importe quelle condition, cela veut dire quoi ?
Sandy Gillio : Je veux dire que chacun doit faire sa part. Qu'il n'y ait pas des créanciers qui soient mieux considérés que d'autres. On a toujours tendance à dire les banques, mais les banques, ça suffit, elles sont prêtes à jouer leur rôle, mais de manière professionnelle et constructive.
Wal Fadjri : Quelle est la contribution de la banque au niveau des différents créanciers, notamment ceux qui avaient procédé à des saisies ?
Sandy Gillio : Ce n'est pas notre problème, cela n'a rien à voir avec des banques. Ceux qui ont procédé à des saisies, c'est le problème des Ics, ce sont eux qui doivent régler ces problèmes. Nous, au moment du règlement préventif, avions 18 milliards de dettes au niveau des Ics et c'était il y a deux ans. Aujourd'hui, nous en sommes exactement au même niveau. En ce moment, nous accompagnons les Ics sur leurs activités courantes, mais pas en prenant de nouveaux engagements.
Wal Fadjri : Pourquoi ne voulez-vous pas prendre de nouveaux engagements vis-à-vis des Ics, d'autant plus que vous avez pris un engagement avec une autre société dont vous ne voulez pas citer le nom ?
Sandy Gillio : On ne va pas comparer une société qui est en plein développement et une société qui est à l'agonie comme les Ics. Si vous prêtez 18 milliards à une société et qu'elle a un règlement préventif, vous ne serez pas trop tentés à nouveau. A moins qu'il n'ait un plan d'ensemble de redéveloppement, de redémarrage de cette activité au niveau du business plan, des capacités de production et au niveau de la recapitalisation de ce groupe qui est en faillite.
Wal Fadjri : Etes-vous prêts à accompagner la Sar ou la Senelec ?
Sandy Gillio : Nous l'avons fait dans le passé. On le fait maintenant et nous le ferons encore demain. Cela dépend des conditions et du business plan des sociétés. Il y a une politique de l'énergie que nous ne maîtrisons pas et qui est sérieux. Bien sûr que nous sommes prêts. Nous sommes prêts à accompagner toutes les sociétés sénégalaises. Qu'elles soient privées, petites ou moyennes, publiques ou semi-publiques.
Wal Fadjri : Au niveau des Btp et des cimenteries, quelle est votre contribution ?
Sandy Gillio : Aucun problème. Nous allons accompagner les cimenteries, demain, aujourd'hui comme hier. En ce moment, le bâtiment va. Ce qui est a priori favorable aux cimenteries.
Wal Fadjri : Donc, les 10 milliards dont vous parliez vont dans le secteur de la construction, comme le bâtiment va bien ?
Sandy Gillio : Ce n'est pas impossible.
Wal Fadjri : L'accord de financement de ces 10 milliards sera signé pour quand ?
Sandy Gillio : Début juillet. (Ndlr : l'accord a été signé, avant-hier, avec les Cimenteries du Sahel).
Wal Fadjri : Quelles sont les garanties ?
Sandy Gillio : Les garanties ne sont pas moins que les garanties usuelles, normales, qu'on donne dans le cadre d'un partenariat ou d'un développement de business entre un client et une banque. Il y a l'analyse de la situation financière de cette société, au travers des bilans certifiés et auditifs. Ensuite, on a l'analyse de l'activité de cette société, de ses perspectives de développement. C'est en fonction de cela qu'on décide d'accompagner une société ou pas. On prend également les garanties adéquates. Les garanties, elles sont toujours les mêmes. On a les nantissements propres, les hypothèques, etc.
Wal Fadjri : Parlant de saisie, vous avez été victime d'une saisie dans le cadre du différend entre la Sgbs et Ady Niang…
Sandy Gillio : Nous avons fait l'objet d'une menace de saisie, mais pas d'une saisie à proprement parler. L'affaire Ady Niang, on ne va pas s'éterniser là-dessus. Tout le monde sait que c'est une question très compliquée. Pour nous, c'est une question de principe. On ne veut pas donner une mauvaise image au futur investisseur. On ne peut pas impunément obtenir tout ce qu'on veut. Des procédures sont en cours. Nous n'irons pas contre une décision de justice, mais aussi nous avons le droit de défendre nos droits.
Wal Fadjri : Pour éviter que cette menace ne soit mise à exécution, vous avez déposé une caution à près d'un milliard de francs Cfa, semble-t-il.
Sandy Gillio : Nous n'avons pas déposé une caution. C'est vrai que la partie adverse nous attaque. De notre côté aussi, on attaque la partie adverse. Effectivement, la partie adverse est allée au bout de la procédure. L'argent qu'on nous réclame, pour montrer qu'on est de bonne foi, on l'a déposé au greffe du tribunal. En attendant que nos procédures aillent jusqu'au bout.
‘Les sommes qui sont en jeu ne peuvent pas quand même mettre en péril la Sgbs, surtout quand on compare l'affaire Ady Niang avec les Ics. Mais c'est une question de principe'
Wal Fadjri : Etes-vous optimiste dans ce cadre ?
Sandy Gillio : Si on a tenu pendant 20 ans, c'est qu'on est optimiste. Encore une fois, les sommes qui sont en jeu, le montant que vous avez mentionné tout à l'heure, ne peuvent pas quand même mettre en péril la Sgbs, surtout quand on compare l'affaire Ady Niang avec les Ics. Mais c'est une question de principe. Ce n'est pas parce que ce n'est que 983 millions de francs Cfa qu'il faut qu'on cède. La partie adverse est sûre de son bon droit. Je la respecte. Nous sommes également sûrs de notre bon droit, et tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir.
Wal Fadjri : L'affaire Ady Niang, avec les menaces de saisie, n'est-elle pas une mauvaise publicité pour l'institution que vous représentez quand même ?
Sandy Gillio : C'est vous qui le pensez. Je ne pense pas comme ça. Ce n'est pas nous qui faisons sa publicité. Cette affaire fait la Une de certains journaux. Cela fait vendre peut-être. Mais quelque part, ce n'est pas très honnête parce qu'ils ne sont pas au courant de tous les faits. Je n'y peux rien. Cela n'empêche pas pour autant que la Sgbs soit la première banque du pays. Et ce n'est pas parce que cette affaire nous fait de la mauvaise publicité, qu'il faut qu'on se couche.
Wal Fadjri : C'est à vous de rétablir la vérité.
Sandy Gillio : Cela fait 20 ans qu'on essaie de le faire.
Wal Fadjri : Vous pouvez quand même revenir sur la vérité des faits.
Sandy Gillio : Il appartient aux avocats de le faire. Je ne veux pas mettre de l'huile sur le feu. Je ne veux pas dire des choses que la partie adverse va contester demain. Je ne rentre pas dans ce jeu qui, en plus, va alimenter les colonnes des journaux. Laissons la justice faire son travail, et puis on verra.
Wal Fadjri : Ne pouvez-vous pas trouver un terrain d'entente autre que la voie judiciaire ?
Sandy Gillio : (Hésitations) On aurait pu, on peut encore, on pourra toujours. Mais (long silence), ce n'est pas la solution. C'est du moins une solution, mais ce n'est pas la solution.
Wal Fadjri : Vous pouvez faire recours auprès de la Chambre de conciliation et de médiation.
Sandy Gillio : Je ne vais pas m'étendre là-dessus. Mais pour qu'il y ait une mission de conciliation ou quoi que ce soit, il faudrait que toutes les parties soient d'accord.
Wal Fadjri : En tant que partie, êtes-vous prêts à accepter une conciliation ou médiation ?
Sandy Gillio : Il ne faut jamais dire jamais.
Wal Fadjri : Autrement dit, la Sgbs est-elle prête pour une médiation ou une conciliation ?
Sandy Gillio : N'essayez pas de me pousser dans un Corneille. Je vous ai répondu, c'est tout. Maintenant, vous êtes assez intelligent pour lire entre les lignes.
Wal Fadjri : Donc la Sgbs est prête pour une conciliation si je sais lire entre les lignes.
Sandy Gillio : Il ne faut jamais dire jamais. C'est ce que j'avais à vous dire.
Wal Fadjri : Ce n'est donc pas exclu ?
Sandy Gillio : Rien n'est exclu.
Wal Fadjri : N'oubliez pas que cette menace de saisie a créé une peur bleue auprès de la clientèle.
Sandy Gillio : C'est vous qui le dites. Ce sont les journalistes qui disent ça. Est-ce que vous avez vu le total de notre bilan. Vous êtes économiste, vous devez savoir que cette affaire Ady Niang n'a aucun impact négatif sur nos résultats. Le total de notre bilan est estimé à près de 400 milliards de francs. De quoi vous parlez ? De mémoire, on avait 400 milliards de total de bilan en 2005. En 2006, on en est à près de 450 milliards. Une évolution de plus de 10 %. Maintenant de quoi vous parlez avec l'affaire Ady Niang ?
Wal Fadjri : Payer 1 milliard de francs à Ady Niang n'est donc qu'une goutte d'eau dans la mer de la Sgbs...
Sandy Gillio : Ce n'est pas parce que c'est une goutte d'eau qu'il faut qu'on décaisse. Est-ce que vous croyez que 1 milliard sur 441 milliards peut inquiéter la clientèle ? La réponse est non.
Wal Fadjri : C'est la menace de saisie, qui plane sur votre tête, qui peut inquiéter la clientèle.
Sandy Gillio : C'est vous qui le dites. Mais cela ne l'inquiète pas (il se répète).
Wal Fadjri : Avec le recul, quel regard portez-vous sur ce contentieux ?
Sandy Gillio : C'est un peu dommage pour tout le monde. Il y a les journalistes et les avocats qui gagnent leur vie de cette affaire.
Wal Fadjri : Comment ils y gagnent leur vie ? Pouvez-vous être plus explicite ?
Sandy Gillio : Pour les journalistes, cela leur permet de vendre plus leurs journaux. En faisant de gros titre sur cette affaire, c'est le feuilleton des 20 dernières années qui rebondit de temps en temps. C'est tout.
Wal Fadjri : Ce contentieux ne pourra-t-il pas créer une crainte auprès des investisseurs étrangers ?
Sandy Gillio : Bien entendu. Quand ils voient le déroulement de cette affaire, cela ne les rassure pas.
Wal Fadjri : En tant que filiale française, comment ressentez-vous cette affaire ?
Sandy Gillio : Nous sommes une banque sénégalaise. Nous ne sommes pas une filiale française. Nous sommes une filiale d'une des plus grandes banques du monde. La Société générale n'est pas française. Elle est une banque mondiale, une banque européenne. Nos clients sont sénégalais, américains, chinois. Je ne me focalise pas sur les investisseurs français. Je me focalise sur les investisseurs de manière générale. Ce n'est pas une bonne publicité pour les investisseurs en général. Des affaires de ce genre ne rassurent pas.
Wal Fadjri : N'êtes-vous pas aussi responsable en tant qu'institution bancaire ?
Sandy Gillio : Pourquoi ? On n'est pas du tout responsable. On a le droit avec nous. On est sur notre bon droit. On n'a jamais contesté une décision de justice. On est présent dans plus de 80 pays dans le monde. Ce sont des choses qui se passent tous les jours.
Wal Fadjri : Mais jusqu'à présent, c'est la Sgbs qui a été condamnée.
Sandy Gillio : On l'a été, mais on a fait des recours aussi pour se défendre. Et pour l'instant, on a intenté des actions contre les époux Niang qui suivent leur cours. On verra le résultat. Et pour montrer qu'on n'est pas de mauvaise foi, on a consigné 983 millions de francs Cfa.
Wal Fadjri : Ne pensez-vous pas qu'Ady Niang est aussi dans son bon droit ?
Sandy Gillio : Probablement. Mais laissons la justice de décider.
Wal Fadjri : Quelles sont les actions intentées à l'égard des époux Niang ?
Sandy Gillio : Cela fait une demi-heure qu'on parle d'Ady Niang, alors que cela fait 20 ans que cette affaire est en cours. Ce qui vous intéresse, c'est de voir comment vendre vos journaux. C'est vraiment petit par rapport à tous les problèmes du Sénégal, les Ics, la Sar, la Senelec, Suneor, etc. Ça suffit quand même. Nous avons suffisamment parlé d'Ady Niang, même trop parlé.
Wal Fadjri : Vous le pensez ?
Sandy Gillio : Bien sûr. Cela ne vaut pas la peine.
Wal Fadjri : Vous parlez tantôt d'un financement. Quel est le nouvel engagement financier avec Suneor, Sococim ou les Cimenteries du Sahel ?
Sandy Gillio : Secret professionnel.
Wal Fadjri : Ce sont les 10 milliards de francs.
Sandy Gillio : Secret professionnel. Vous ne pouvez pas me pousser à révéler des secrets professionnels.
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