ACCRA (Reuters) - Les dirigeants africains se retrouvent dimanche au Ghana pour un sommet de trois jours consacré au projet de création d'un gouvernement continental, un ordre du jour que certains jugent bien éloigné des urgences humanitaires telles que les conflits au Darfour ou en Somalie.
Les 53 pays de l'Union africaine doivent avoir au Ghana un "Grand Débat" sur la création d'Etats-Unis d'Afrique dotés d'un gouvernement fédéral, rêve entretenu de longue date par les partisans de l'intégration panafricaine.
Pour les organisateurs, ce sommet constitue un hommage au premier président du Ghana indépendant, Kwame Nkrumah, ardent défenseur de l'unité africaine.
Certains doutent toutefois de l'efficacité d'un éventuel gouvernement fédéral en Afrique, continent ravagé par des décennies de guerres, de coups d'Etat et de massacres reflétant généralement les divisions ethniques et religieuses d'un continent divisé selon des lignes artificielles tracées par les anciennes puissances coloniales.
Si beaucoup d'Africains partagent la vision d'un continent uni, riche en ressources naturelles et permettant à ses 800 millions d'habitants de s'exprimer d'une seule et même voix sur la scène internationale, les organisations non gouvernementales invitent les dirigeants à s'attaquer en priorité aux problèmes les plus urgents.
"Le Darfour devrait figurer au programme car c'est vraiment, vraiment une urgence", estime Oury Traoré, responsable de programmes régionaux pour le Réseau Ouest-Africain pour la Paix (WANEP).
RESPECT
Cette ONG souhaite que l'UA fasse de la protection des civils au Darfour sa priorité. Le Darfour, région de l'ouest du Soudan, est le théâtre depuis 2003 d'un conflit civil qui a fait plus de 200.000 morts.
"Nous ne devrions plus laisser ce genre de folie s'installer, quel que soit le pays", juge Traoré.
Outre le Darfour, des ONG réclament des dirigeants de l'UA une action rapide en faveur de la paix en Somalie. Elles les invitent également à se pencher sur la situation au Zimbabwe, dont le président Robert Mugabe est accusé de réprimer l'opposition et de ruiner l'économie.
Les organisateurs du sommet défendent pourtant ce programme à thème unique et démentent que la création d'un gouvernement à l'échelle continentale constitue un projet trop ambitieux.
"Oui, nous sommes confrontés à de graves problèmes, des gens meurent dans des endroits comme le Darfour et la Somalie. Mais des gens meurent ailleurs dans le monde, pas seulement en Afrique", a réagi le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Nana Akufo Addo.
Selon lui, un continent unissant ses ressources et s'exprimant d'une seule voix jouirait d'un plus grand respect de la part de la communauté internationale et permettrait à l'Afrique de se débarrasser de l'image de chaos et de pauvreté qui lui est souvent associée.
"Au cours des 20 ou 30 dernières années, notre continent a été rongé par des conflits de toutes sortes, par une vaste migration d'une grande partie de notre jeunesse. C'est l'Afrique dont nous ne voulons plus", a insisté Addo.
Il reconnaît toutefois des divergences entre les dirigeants africains sur les modalités de création et de gouvernement d'une entité fédérale continentale.
Si certains, comme le Libyen Mouammar Kadhafi et le Sénégalais Abdoulaye Wade, défendent sans relâche la création d'un gouvernement continental, d'autres, comme le président sud-africain Thabo Mbeki, semblent davantage partisans d'une approche plus progressive.
Kadhafi, dont les tenues sont souvent ornées de dessins représentant le continent africain, s'est rendu par la route au sommet de l'UA et il a profité de ce voyage pour défendre sa vision unitaire, avec notamment la création d'une armée africaine forte de deux millions de militaires.
Commentaires