NICOLAS SARKOZY demande à Brice Hortefeux d'élever le taux de l'immigration économique à 50 % du flux total des entrées en France, contre 7 % actuellement. La diffusion par l'Élysée de la lettre de mission qui fixe ces objectifs à la veille d'un voyage du chef de l'État en Algérie n'est pas un hasard. Au Maghreb, la jeunesse attend depuis des années la réouverture du marché du travail européen et les visas qui vont avec.
Dans cette lettre au ministre de l'Immigration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, le président entend donc « fixer chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation ». Il répète que la France doit « rester un pays ouvert à l'immigration », mais veut voir réaffirmer son « droit légitime » « de déterminer elle-même qui a le droit de s'installer ou non sur son territoire ».
En conséquence, Nicolas Sarkozy rappelle son engagement de subordonner le regroupement familial au fait « d'avoir un logement et des revenus suffisants pour faire vivre sa famille », ainsi qu'au passage d'un test d'apprentissage du français.
Le modèle canadien
Lors de son discours de politique générale, le premier ministre, François Fillon, avait quant à lui annoncé que des objectifs chiffrés de délivrance de visas seraient bientôt définis en fonction des besoins des partenaires économiques. La politique d'« immigration choisie » voulue par Nicolas Sarkozy alors même qu'il était ministre de l'Intérieur - et que Jacques Chirac et Dominique de Villepin, alors premier ministre, avaient tenté de freiner - se met progressivement en musique... tout au moins d'un point de vue politique.
En pratique, ces objectifs à long terme seront difficiles à atteindre.
En 2005, les quelque 170 000 étrangers non européens qui ont obtenu un
premier titre de séjour sont majoritairement entrés pour des raisons
familiales. Les dernières statistiques disponibles en témoignent :
47 919 ont été autorisés à s'établir en France car ils ont épousé un
Français ou un résidant, 20 000 car ils ont demandé un regroupement
familial et quelque 13 000 encore en « raison de liens personnels et
familiaux », terme pudique pour évoquer des régularisations. À
l'époque, ils n'étaient que 12 500 à se voir attribuer un titre de
séjour pour des raisons uniquement professionnelles. La tendance est
d'autant plus difficile à inverser que la France, engagée par
différents traités internationaux et la Constitution, ne peut s'opposer
au mariage et au regroupemement familial. La lutte contre les fraudes
et l'immigration irrégulière peut sans doute faire baisser le curseur.
Mais à la marge. Pour réussir, le nouveau ministre devra sans doute
chercher d'autres méthodes, inspirées des modèles étrangers, notamment
canadiens. Il s'agirait de créer en accord avec les pays d'origine des
filières de recrutement qui inciteraient les candidats à l'immigration
à choisir la voie du travail plutôt que celle de la famille pour venir
en France. Brice Hortefeux a d'ailleurs multiplié les voyages en
Afrique depuis sa nomination pour évoquer ces questions. Surtout, il
pourrait pousser les enfants et les conjoints qui ont le droit de
travailler à occuper un emploi.
MARIE-CHRISTINE TABET (Le Figaro)
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