PORT HARCOURT, Nigeria (AP) - Elle est courtisée par la Chine et l'Inde, suscite l'intérêt des Etats-Unis, possède, au moins par endroits, du pétrole... L'Afrique n'a sans doute jamais eu autant d'atouts en main depuis longtemps sur la scène internationale. Reste à savoir si elle pourra utiliser cette influence nouvelle pour mettre fin aux maux qui l'accablent.
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"Il y a une nouvelle dynamique à l'oeuvre", souligne Anthony Goldman, consultant indépendant sur l'analyse des risques basé à Londres. "Et le défi pour ces pays est de la gérer."
En 1993, les principaux pays africains producteurs de pétrole -Nigeria, Angola, Cameroun, Tchad, Guinée équatoriale et Gabon- ont livré 494.000 barils par jour aux Etats-Unis, selon les statistiques de l'Administration américaine de l'information sur l'énergie, soit environ 7% des importations totales des Etats-Unis. En 2006, le pétrole de ces pays a représenté 18% des importations américaines, avec en moyenne 1,8 million de barils par jour.
Mais ces pays comptent aussi parmi les plus mal en point en Afrique, la plupart ayant à leur tête des dirigeants faibles ou illégitimes, alors que des pays plus pauvres comme le Sénégal, le Mali, le Liberia, le Burundi ou le Ghana ont enregistré des progrès en matière de démocratie.
La Guinée équatoriale affiche un produit intérieur brut par habitant parmi les plus élevés au monde grâce à la manne pétrolière, mais elle figure dans le bas du classement de l'indice du développement humain (IDH) établi par les Nations unies.
Le cas du Nigeria, premier producteur de pétrole du continent, est également emblématique. Malgré d'importantes recettes pétrolières -des centaines de milliards de dollars-, les 140 millions d'habitants du pays le plus peuplé d'Afrique restent désespérément pauvres. Environ 70% des Nigérians vivent avec moins de deux dollars par jour, selon l'ONU.
Une grande partie de la richesse pétrolière en Afrique est volée par des dirigeants corrompus, ou gaspillée. Rien qu'au Nigeria, la Banque mondiale estime que 300 milliards de dollars de recettes gouvernementales issues du pétrole ont disparu. Le pays pointe à la 159e place sur 177 au classement IDH.
Reste que la Chine et l'Inde, à la recherche de ressources naturelles pour leur économie en pleine croissance, réalisent de plus en plus d'investissements sur le continent noir. La croissance enregistrée par l'Afrique l'an dernier, estimée à 5,5%, est attribuée en grande partie à la demande quasi-insatiable de la Chine pour le pétrole, gaz, bois, cuivre et d'autres ressources. La croissance économique de l'Afrique sub-saharienne devrait approcher les 7% en 2007, selon le Fonds monétaire international (FMI).
Le commerce entre l'Afrique et la Chine a augmenté de 40% l'an dernier, atteignant 55,5 milliards de dollars, et Pékin estime que ce chiffre devrait passer à 100 milliards d'ici 2020.
Les Etats-Unis s'intéressent également au continent. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, réduire la dépendance pétrolière avec le Moyen-Orient est l'un des objectifs du gouvernement américain, et Washington a récemment annoncé vouloir implanter une base de commandement militaire permanente en Afrique. "Il y a clairement une donnée énergétique là-dedans", reconnaît le contre-amiral de la marine américaine Bob Moeller, impliqué dans le projet. "L'importance stratégique de l'Afrique augmente."
Selon les analystes, la priorité donnée à la lutte contre le terrorisme depuis 2001 combinée à la hausse des prix du pétrole, donnent à l'Afrique une occasion de tourner la page de décennies de guerre, maladies, corruption et de pauvreté.
Le continent fait pression pour décrocher un siège de membre permanent dans un Conseil de sécurité de l'ONU élargi. Son influence nouvelle auprès des grands pays pourrait lui permettre d'obtenir des accords commerciaux plus favorables, une aide directe accrue ou encore des prêts à de meilleurs taux d'intérêt.
Selon les analystes, l'Afrique ne peut plus être ignorée. Le pétrole attire l'attention, mais la sécurité de l'Afrique est aussi devenue un enjeu pour les Etats-Unis, précise Peter Pham, professeur de relations internationales à l'université James Madison (Virginie). "Si le 11-Septembre nous a appris quelque chose, c'est que des Etats faibles peuvent constituer des menaces", souligne-t-il. "Il y a un intérêt pour le développement de la capacité des Etats africains à gérer leurs propres problèmes et à fournir des services à leurs populations." AP
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