MONTPELLIER (France) - Le fondateur d'une entreprise française de sécurité Jallatte menacée de délocalisation, Pierre Jallatte, 88 ans, s'est suicidé dans le sud de la France, provoquant une vive émotion des salariés qui ont pointé du doigt samedi les actionnaires du groupe. Quelques semaines avant son 89e anniversaire, M. Jallatte s'est tué d'un coup de fusil, vendredi, dans une chambre de sa maison de Nîmes (sud-est) où l'a découvert son épouse, selon la justice.
Selon ses proches, ce "grand monsieur" n'a pas supporté "de voir mourrir son entreprise" après l'annonce d'une future délocalisation, avec à la clef la possible suppression de 285 des 336 emplois que compte le fabricant sur ses quatre sites en France.
M. Jallate avait fondée en 1947 cette société spécialisée dans la chaussure de sécurité dont elle produit annuellement 1,2 million de paires. Elle appartient désormais au groupe italien JAL, plus grand fabricant européen de chaussures de sécurité professionnelles racheté en 2005 par un consortium de banques anglo-américaines mené par Bank of America et Goldman Sachs, qui envisage une délocalisation en Tunisie.
"Il disait: +je partirai avant de voir mourir mon entreprise+. Ce sont les actionnaires qui l'ont tué", affirme son ancien chauffeur, Henri Noël Galli, salarié de Jallatte depuis 43 ans, venu lui rendre hommage dans le village de Saint-Hippolyte-du-Fort (sud-est) où est implantée l'une des fabriques.
Très ému, Georges Argeliès, 75 ans, ancien directeur de production qui avait débuté comme ouvrier à la fabrique de "Saint-Hippo" en 1950, renchérit: "Je redis que ce sont eux (les dirigeants du groupe) et les actionnaires qui ont tué Pierre Jallatte, ce sont des assassins, c'est de leur faute s'il n'est plus là!", s'emporte-t-il.
Pour lui, c'est tout le village de 3.500 habitants qui est en deuil. Un drapeau noir a été placé à l'entrée de l'usine avec la photographie de Pierre Jallatte.
Les salariés qui viennent se recueillir par grappes, abattus, évoquent "un homme droit", un patron qui était "comme un père de famille". Ils s'emportent contre "le tout pour le profit" de "la mondialisation".
"C'était un patron à grande gueule mais à grand coeur, pas un financier comme il y a maintenant", assure Jean-François Anton, un responsable syndical de l'usine.
"Il y a quatre jours il a dit à un ancien directeur de production: +je souhaite mourir avant de voir mon usine fermer+", ajoute-t-il.
"Un geste peut-être, pour montrer que Pierre Jallate croyait lui, toujours, en cette entreprise, qu'il ne fallait pas la fermer", commente le président socialiste du conseil général du Gard, Damien Alary, évoquant "un grand monsieur".
Fin mai, quatre dirigeants de l'entreprise, dont deux responsables du groupe italien, avaient été retenus pendant quatre heures par leurs salariés après l'annonce d'une délocalisation vers la Tunisie.
Quelques heures avant la découverte de son corps, les syndicats annonçaient à Nîmes que le projet de délocalisation vers la Tunisie de toute la production française était "suspendu" jusqu'au 18 juin, un accord ayant été trouvé avec le groupe italien Jal lors d'une table ronde.
(©AFP / 09 juin 2007 18h10)
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