ABIDJAN - Le commerce du cacao ivoirien a en partie servi à financer le conflit armé de ces dernières années, indique un rapport d'une ONG internationale à paraître vendredi, qui appelle les consommateurs à faire pression sur les multinationales du secteur pour mettre fin aux détournements.
"Plus de 118 millions de dollars issus du commerce du cacao ont financé l'effort de guerre des deux parties dans le récent conflit armé en Côte d'Ivoire", estime l'ONG Global Witness dans ce rapport intitulé "Chocolat chaud: comment le cacao a alimenté le conflit en Côte d'Ivoire".
"La Côte d'Ivoire est le plus gros producteur mondial de cacao destiné à l'industrie chocolatière", rappelle cette ONG basée à Londres et spécialisée dans les liens entre les conflits et l'exploitation des ressources naturelles.
Ce rapport, dont l'AFP a obtenu copie, souligne "la tendance du secteur du cacao ivoirien à la mauvaise gestion des revenus, à l'opacité des comptes, à la corruption et au favoritisme politique".
Il note que les prélèvements sur le cacao ont apporté des revenus substantiels aux deux belligérants ivoiriens, tant au gouvernement au pouvoir au sud qu'à la rébellion des Forces nouvelles (FN) qui s'est emparée de la moitié nord en septembre 2002, date du début de la crise politico-militaire.
Le gouvernement loyaliste aurait ainsi détourné "plus de 58 millions de dollars pour l'effort de guerre", selon le rapport.
La rébellion a de son côté mis en place un système de taxation parallèle du cacao qui lui a rapporté "environ 30 millions de dollars par an". Ce système a permis aux FN "non seulement de survivre en tant que mouvement, mais également à certains de ses représentants de s'enrichir aux dépens de la population du nord de la Côte d'Ivoire", souligne-t-il.
Le rapport établit également l'existence de circuits financiers occultes destinés à financer l'armement, impliquant des établissements parapublics du secteur cacao et du secteur bancaire liés à certaines multinationales.
Opacité et juteux revenus font du cacao "une filière régie par la violence et la peur", souligne-t-il enfin.
Il dénonce ainsi "différents actes d'intimidation perpétrés à l'encontre de ceux qui ont tenté d'enquêter sur la corruption au sein du commerce du cacao ou de la dénoncer, depuis la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer en 2004 à l'enlèvement d'un juriste français (relâché ensuite, ndlr) qui effectuait un audit de la filière cacao pour l'Union européenne".
Face à ce constat, le directeur de Global Witness, Patrick Alley, appelle dans un communiqué "les entreprises internationales exportatrices de cacao à être "plus transparentes" et à s'assurer "que leur argent aille en soutien au développement et pas dans les poches d'élites".
Il invite également les consommateurs à faire pression pour exiger cette transparence: "Votre barre chocolatée a de fortes chances de contenir du cacao ivoirien et il se peut qu'elle ait financé le conflit dans ce pays, ce qui laisse un arrière-goût amer".
La Côte d'Ivoire produit 40% du cacao mondial, soit deux fois plus que le Ghana, numéro deux mondial. Le cacao est la principale ressource économique du pays (35% de la valeur des exportations en moyenne). L'Union européenne est la principale destination du cacao ivoirien avec 61% des exportations.
(©AFP / 08 juin 2007 02h00)
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