Les journaux français ne veulent ou ne peuvent pas parler du couple Sarkozy ? La presse internationale, elle, ne s'en prive pas. Les médias français regorgent d'informations sur les élections, mais restent pratiquement muets sur le sujet qui obsède le plus le village politico-médiatique parisien. A onze jours du second tour de l'élection, un silence pesant imposé par la loi entoure l'état des relations entre le favori, Nicolas Sarkozy, et sa femme, Cécilia. Mme Sarkozy, 49 ans, s'est brièvement séparée de son mari il y a deux ans pour revenir ensuite en fanfare. Au premier tour de l'élection, dimanche dernier, elle a voté avec M. Sarkozy - et sans doute aussi pour lui. Or c'était la première fois depuis deux semaines qu'on la voyait en public. Et depuis elle a à nouveau disparu.
Lorsque le couple a voté, dimanche, à Neuilly-sur-Seine, une banlieue aisée de Paris, les relations semblaient pour le moins tendues. Depuis une dizaine de jours, des rumeurs d'une nouvelle séparation donnent lieu à des spéculations scabreuses - y compris en chansons - sur Internet.
Des articles publiés dans la presse britannique et dans d'autres journaux étrangers laissent entendre que Mme Sarkozy a quitté une nouvelle fois son mari pour un autre homme, et ce au milieu de la campagne la plus importante de la vie de son époux.
Un membre de l'UMP a même confié à The Independent qu'il était désormais "de notoriété publique" qu'il y avait eu une nouvelle séparation au sein de ce qui apparaissait autrefois comme un couple idéal. Mais il a ajouté que, cette fois encore, la séparation serait peut-être temporaire.
Dans presque tous les pays démocratiques, une séparation entre le favori de l'élection présidentielle et sa femme, en pleine campagne, serait une nouvelle explosive qui ferait la une des médias. Mais pas en France. La loi française interdit aux médias de toucher à la vie privée, y compris à celle des personnages publics. Cette disposition s'applique également aux publications étrangères, telles que The Independent, qui sont diffusées en France. Bien que cette loi parte d'une bonne intention, elle peut avoir des effets pervers. M. Sarkozy, un personnage réputé fragile et hyperactif, est au cœur du second tour : il est nettement favori face à la candidate socialiste, Ségolène Royal, le 6 mai.
Si sa femme l'a quitté à un moment aussi critique, les gens ne sont-ils pas en droit de le savoir ? Pendant quatorze ans, les médias français n'ont pas pu dévoiler le fait que le président François Mitterrand avait une autre famille et une fille illégitime, Mazarine.
Daniel Schneidermann, éditorialiste du journal Libération, s'est d'ailleurs plaint que la "pravdaïsation" de la presse française s'était encore accentuée. Passant sous silence les rumeurs selon lesquelles Cécilia avait disparu, Paris Match - l'hebdomadaire d'un groupe appartenant à un ami de M. Sarkozy - a publié une double page de photos titrée : "Revoilà Cécilia". En robe fuschia, Mme Sarkozy assistait à un gala de charité donné à Paris. On n'apercevait aucune trace de son mari.
D'après l'éditeur et chroniqueur Guy Birenbaum, qui a publié des livres sur la relation de connivence qui unit la politique et les médias en France, "le couple Sarkozy est à l'évidence une question légitime pour les médias français. S'ils l'ignorent, ce n'est pas à cause de la loi, mais par peur et par déférence vis-à-vis du pouvoir".
John Lichfield
The Independent
(http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=73275)
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