Après avoir rêvé d'être calife à la place du calife, en tentant de renverse le président Laurent Gbagbo en septembre 2002, Guillaume Soro est deven officiellement son Premier ministre, hier, à Abidjan. A 34 ans, cet ancie leader étudiant, dont la troisième partie du nom Kigbafori signifie e langue sénoufo l' «invincible», joue gros : depuis le début de la crise ivoirienne, le président Gbagbo a déjà usé deux chefs de gouvernement (Seydou Diarra, puis Charles Konan Banny), lesquels étaient censés détenir la réalité du pouvoir, en vertu des accords de paix parrainés par Paris, l'Union africaine ou le Conseil de sécurité de l'ONU.
Admiration. Petit et rond, parlant lentement mais avec une certaine aisance, Soro n'a nul besoin d'être averti : il connaît son Gbagbo sur le bout des doigts. Dans les années 90, comme il le reconnaît volontiers, le futur «rebelle», un catholique originaire du nord du pays (à majorité musulmane), a fait partie de ces jeunes turcs qui défilaient dans les rues d'Abidjan contre Félix Houphouët-Boigny et son Etat-parti. A la tête de la Fédération des étudiants et des scolaires de Côte-d'Ivoire (Fesci), véritable pépinière de futurs dirigeants ivoiriens, Soro ne cachait pas son admiration pour «Laurent», l'opposant socialiste qui n'hésitait pas à défier sur le pavé le «Vieux» Houphouët, quitte à être embastillé.
Ancien mentor. Au tournant des années 2000, alors que l'ancienne colonie française jusque-là vantée comme modèle de stabilité, entame une longue période de turbulences, suite au premier coup d'Etat de sa jeune histoire (décembre 1999), Soro rompt avec son ancien mentor pour se rapprocher d'Alassane Ouattara, le leader des Ivoiriens du Nord. Il accuse Gbagbo d'avoir récupéré à son profit le poison de l'ivoirité, un concept identitaire censé distinguer les «vrais» Ivoiriens des autres, qui permet aussi et surtout d'écarter Ouattara de la course à la présidentielle. Accessoirement, murmurent certains, Soro n'aurait guère apprécié de voir Charles Blé Goudé, avec l'appui de Gbagbo, lui succéder à la tête de la Fesci. Charles Blé Goudé qui, depuis, s'est illustré à la tête des «jeunes patriotes».
Après avoir disparu de la scène politique, l'ancien leader étudiant resurgit à l'automne 2002. Il se présente comme le chef politique des rebelles... près d'un mois après la tentative de coup d'Etat à Abidjan. Etait-il parmi les organisateurs du coup ou a-t-on été le chercher ? Mystère. Une chose est sûre : avec l'appui jamais démenti du président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, Soro est parvenu à s'imposer, non sans brutalité, face à ses rivaux, à la tête des rebelles. S'imposer face à Gbagbo sera un test d'un autre calibre.
Par Thomas HOFNUNG (Libération)
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