A 83 ans, le président Robert Mugabe vient d'annoncer son intention de se présenter à la présidentielle de 2008. Son principal opposant, Morgan Tsvangirai, a été passé à tabac et brièvement incarcéré. Combien de temps le dictateur va-t-il se maintenir au pouvoir ? se demande le Guardian de Londres. |
Les prédictions sur la fin du règne de Mugabe au Zimbabwe ont toujours
été hasardeuses. Cela fait bien sept ans que sa fin est proche, mais
Robert Mugabe a mystifié tout le monde, amis et ennemis. Pourtant, la
réaction de la police anti-émeute lors d'un petit rassemblement de
prière organisé à Harare, le 11 mars, par l'opposition, l'Eglise et des
groupes de défense des droits civils était prévisible. Un manifestant a
été tué par balle et des dizaines d'opposants ont été battus, certains
disent torturés, pendant leur détention. Parmi eux, Morgan Tsvangirai,
chef du Mouvement pour le changement démocratique, aurait été emmené à
l'hôpital pour des blessures à la tête.
De toute évidence, la crise qui touche le pays ne cesse de
s'aggraver. Mais elle est s'explique davantage par une inflation
galopante que par une opposition elle-même profondément divisée.
Autrefois l'un des pays d'Afrique les plus riches, le Zimbabwe détient
aujourd'hui le triste record d'être le pays connaissant le plus rapide
effondrement économique du monde en temps de paix, selon une étude de
l'International Crisis Group (ICG), qui propose aussi un plan de
transition intéressant. L'économie du Zimbabwe s'est réduite de 40 %
par rapport à 1998, le chômage a grimpé à 80 % et l'inflation devrait
atteindre plus de 4 000 % d'ici à la fin de l'année.
Des rapports témoignent du mécontentement qui règne dans les rangs de
la police et de l'armée, où l'on se plaint d'être moins bien payé que
les hommes de main engagés pour mater les groupes d'opposition. Mugabe
doit également faire face à des problèmes au sein de son parti, le
ZANU PF, où son intention de prolonger son mandat jusqu'en 2010, au
lieu de 2008, a rencontré une résistance inattendue lors de la
conférence annuelle de décembre 2006. Le 11 mars, Mugabe aurait déclaré
qu'il s'en tiendrait à ce qui était prévu et se présenterait à la
présidentielle de 2008, "si le parti le veut bien".
Mais peut-être celui-ci ne le voudra-t-il pas. Le ZANU PF est
divisé en trois factions : un groupe de fidèles toujours prêts à
soutenir le président de 83 ans et deux courants dominés par un
prétendant à la présidentielle, Emmerson Mnangagwa, et un général à la
retraite, Solomon Mujuru, également mari de la vice-présidente, Joyce
Mujuru. Tous deux souhaitent le retrait de Mugabe l'année prochaine
afin que le parti puisse garder le contrôle politique.
Le sort du Zimbabwe n'est pas gravé dans la pierre et il n'est pas
dit que ses souffrances doivent continuer une fois que Mugabe aura
compris qu'il est de trop. Ici, l'analogie faite par l'ICG avec les
derniers jours du règne de Mobutu, au Zaïre, n'est pas tout à fait
exacte. En effet, en dépit de leur état de délabrement, les
infrastructures du Zimbabwe existent toujours. Il en va de même pour
les logements et les fermes. Le pays peut compter sur une vaste source
de devises étrangères par le biais de ses expatriés, et le gouvernement
de l'après-Mugabe pourrait bénéficier d'une aide internationale
bienvenue. Mais, pour cela, Mugabe doit partir, et le plus tôt sera le
mieux.
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