NOUVELOBS.COM | 14.03.2007 | 14:15
Le ministère de l'Emploi affirme être "pleinement conscient des problèmes" après la publication par le BIT d'un rapport dénonçant l'attitude discriminatoire des employeurs français.
Le
gouvernement est "pleinement conscient des problèmes et des efforts qui
doivent être accomplis", a indiqué, mercredi 14 mars, le ministère de l'emploi, après la publication d'une nouvelle enquête, réalisée par le
Bureau international du travail pointant le racisme à l'embauche en
France.
Près de quatre fois sur cinq, un employeur français préfère embaucher
un candidat "d'origine hexagonale ancienne" plutôt que son collègue
d'origine maghrébine ou noire africaine, indique un rapport du BIT,
basé sur un testing géant de plus de 2.000 entreprises réalisé fin
2005-début 2006 à Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Paris et Strasbourg.
"Le gouvernement, pleinement conscient des problèmes existants et des
efforts qui doivent être accomplis, a mis en place dès 2003 les
instruments législatifs et opérationnels pour lutter contre les
discriminations", a indiqué le ministère de l'Emploi, rappelant
notamment la création de la Haute autorité de lutte contre les
discriminations (Halde).
Regrets de SOS Racisme
Sa publication a provoqué des commentaires mitigés de SOS Racisme. Son
vice-président, Samuel Thomas, a regretté au micro de France Info "de
n'utiliser la méthode du testing qu'à la moitié de son intérêt".
"Recueillir ces preuves-là simplement pour une mesure statistique,
c'est un peu du gaspillage", a-t-il estimé. Selon lui en effet, "la
méthode du testing, a aussi l'intérêt de recueillir des preuves pour
faire sanctionner les auteurs de la discrimination". "Un testing, ça
doit être fait pour faire un procès", comme l'a fait à plusieurs
reprises avec succès l'association de lutte contre le racisme, a
poursuivi le vice-président de SOS Racisme.
Les pratiques dénoncées
"Collectivement, les employeurs testés ont très nettement discriminé
les candidats minoritaires (d'origine maghrébine ou noire africaine) et
seulement 11% des employeurs ont respecté tout au long du processus de
recrutement une égalité de traitement entre les deux candidats", note
le BIT. "Près de 90% de la discrimination globale est enregistrée avant
même que les employeurs ne se soient donné la peine de recevoir les
deux testeurs en entrevue", souligne l'enquête.
Différentes pratiques sont dénoncées, du mensonge basique ("le poste
est déjà pourvu") à la réponse embrouillée ("rappelez-moi en fin de
semaine, on est quel jour ? ...on est vendredi...euh oui donc,
rappelez-moi la semaine prochaine pour voir s'il y a du changement.").
Le BIT note également "une forme assez sournoise de discrimination" qui
consiste à mettre en attente le candidat discriminé ("envoyez un CV",
"rappelez" ou "on vous rappellera"), alors que le candidat majoritaire
reçoit une proposition d'entretien.
Diplômes et expériences équivalents
Le BIT a testé ainsi 2.440 offres d'emploi à Lille, Lyon, Marseille,
Nantes, Paris et Strasbourg, en ayant recours à des étudiants ou des
comédiens, de 20 à 25 ans, dûment formés pour l'exercice.
Tous Français, les candidats qui ont répondu à des offres de basses et
moyennes-basses qualifications, dans le secteur de
l'hôtellerie-restauration, de la vente, du commerce et d'autres
domaines comme les services à la personne, transports, accueil, etc.,
se font appeler, pour le "candidat majoritaire" Julien Roche ou Jérôme
Moulin pour les hommes, Marion Roche ou Emilie Moulin pour les femmes,
et Kader Larbi, Farid Boukhrit, Aminata Bongo ou Binta Traoré pour le
"candidat minoritaire".
Tous ont des CV rigoureusement équivalents en termes de scolarité,
formation, qualifications, expérience, mobilité, résidence et se
distinguent simplement par la consonance de leur nom.
Les vrais faux candidats ont téléphoné, envoyé un CV ou se sont présentés directement.
Réponses différentes aux deux candidats
Dans 32,8% des cas, les deux candidats concurrents ont essuyé un refus
après le premier contact. 22,3% ont été priés de patienter, 13,3% ont
tous les deux été convoqués pour un entretien ou pour une évaluation
(3,6%), ce qui constitue, souligne le BIT, la meilleure manière de
prévenir les discriminations. Dans les autres cas (28%), la réaction la
plus fréquente a consisté à donner des réponses différentes aux deux
candidats, les trois quart du temps au détriment du candidat d'origine
maghrébine ou noire africaine.
Parfois, après un rendez-vous, la discrimination a quand même eu lieu,
l'excuse invoquée par certains employeurs étant de faire croire au
candidat discriminé qu'il est refusé sous prétexte qu'il habite loin.
Un seul test a eu pour résultat une discrimination à l'encontre d'un
candidat prénommé Julien et intéressé par un poste de serveur.
L'employeur a retenu le vrai faux Farid Boukhrit, après lui avoir posé
une foule de questions sur ses origines et sa religion "parce que, lui
a-t-il dit, j'ai un cuisinier originaire de Sétif qui visiblement
n'accepte pas tellement les musulmans non pratiquants".
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