Les travailleurs des Industries chimiques du Sénégal n'ont pas encore perçu leurs salaires du mois de février. Las d'attendre des milliards qui ne sont pas encore tombés dans l'escarcelle de la société, ils menacent de se faire entendre. Une réunion des délégués syndicaux est d'ailleurs prévue ce lundi.
Aux Industries chimiques du Sénégal, aucune solution salvatrice n'est en vue. L'eau de boudin a coulé en cette fin du mois de février puisque les salaires se font encore attendre. Une fin du mois de février vécue dans la peine et la douleur par des travailleurs qui n'ont pas encore vu la couleur de leur argent. Ils menacent même de se faire entendre à l'issue de la réunion des délégués syndicaux convoquée ce lundi 6 mars. A l'issue de cette rencontre, les travailleurs vont adopter un plan d'actions de lutte pour préserver leur outil de travail. Ils n'écartent pas l'organisation d'une marche de protestation pour sensibiliser les populations riveraines de Taïba, Mbao et Tivaouane.
Ces travailleurs sont dans l'expectative. Ils ne comprennent pas la situation dans laquelle l'entreprise se trouve d'autant plus que l'Etat avait annoncé en grande pompe une subvention de 10 milliards de francs Cfa. Une subvention qui, d'ailleurs, n'était qu'une garantie de prêt auprès de la Société générale de Paris. Sa filiale sénégalaise, la Sgbs, avait été d'ailleurs saisie dans ce sens. Ce qui n'était, de l'avis des travailleurs, que du soufre jeté à leurs yeux. "Les 10 milliards qui ont été annoncés, constituent une garantie de prêt. Quand l'argent des Ics sera débloqué, l'entreprise va rembourser. Il n'y a donc pas lieu de s'enflammer", souligne un travailleur.
Pour les agents, la société va de mal en pis. Ils craignent même que les acquis de 2000-2004 soient remis en cause. En effet, ils avaient obtenu une harmonisation du 1/10e des primes de congé, à l'instar des cadres de l'entreprise. En plus, les salaires avaient été multipliés par 2,3, et des indemnités de logement d'un montant de 30 000 F Cfa obtenues. Avec la situation de déficit de trésorerie, les travailleurs des Ics ne savent plus à quel saint se vouer. Pour la première fois, les salaires n'ont pas été "touchés". Alors qu'ils les recevaient entre le 22 et le 25 de chaque mois.
L'outil de production risque aussi d'être à l'arrêt. Et, hier, les unités de production étaient en manque de gasoil. A 20 h (hier), elles ne pouvaient plus fonctionner. L'entreprise souffre également d'un manque d'intrants. Les employés sont restés pendant 10 jours sans avoir accès à la pharmacie faute de produits. A la coopérative, point de tomate et de lait. "Aujourd'hui, chacun essaie de se débrouiller comme il peut. On essaie de tenir. On est discipliné et digne dans l'épreuve", soutient un agent. Mais pendant combien de temps ces travailleurs vont-ils encore prendre leur mal en patience ? Les promesses non tenues des pouvoirs publics ont fini de faire croire aux travailleurs qu'un problème d'autorité se pose avec acuité dans la société.
La voie royale pour sortir de l'auberge est l'augmentation de la production et le cash flow. Les statistiques disponibles en août 2005 montraient que la production ex Mine du mois est réalisée à 76 %, l’importance du déficit est pour l'essentiel due à la récurrence des incidents mécaniques au niveau de la station de prétraitement. L’arrêt des installations fixes programmé au courant du mois d’août n’a pu se faire à cause du retard apporté à l’approvisionnement de pièces essentielles aux différentes opérations. Il a été finalement reporté pour la dernière décade du mois de septembre 2005.
Le statu quo demeurait sur la situation des engins de servitude. Les engins de location de moindre puissance avec un personnel "inexpérimenté", assuraient avec beaucoup de difficultés et de pertes de temps les prestations demandées "sans la qualité." Or il est important pour préserver les outils de production, d’approvisionner très rapidement des pièces de bulls pour répondre aux exigences d’aménagement de plate-forme pour draglines et pour les besoins du prochain "ripage" des transporteurs.
Selon les travailleurs, si la société avait produit et retrouvé ses comptes, la situation se serait améliorée. Et les salaires de "tomber" à temps. Ils rappellent que l'entreprise assure un revenu salarial annuel de 16 milliards de francs. C'est une secousse sismique que connaît le fleuron de l'industrie sénégalaise. Les Ics n'ont pas livré de Npk (engrais) au Mali. Les dégâts collatéraux se feront sentir dans le secteur cotonnier de la sous-région. En 2004-2005, ce sont 70 000 t qui ont été livrées. Pour cette campagne, aucun gramme ne l'a été. Pire, l'usine de Mbao a connu un arrêt de production. Les producteurs sénégalais risquent de ne pas avoir d'engrais pour la prochaine campagne agricole. Mais, ce qui importe aujourd'hui aux travailleurs, ce sont les salaires du mois de février qui tardent. "Même si nous pouvons prendre notre mal en patience, les familles sont inquiètes puisqu'elles n'ont pas accès à la coopérative qui souffre d'un manque de produits alimentaires. Pire, la mutuelle ne fonctionne plus comme avant", maugrée un travailleur. Rappelons que les Ics comptent 2 500 salariés permanents.
Johnson MBENGUE (Walf Quotidien)
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