Les péripéties de
Par Patrice Passy (PDG de MIQ Conseil)
Deux besoins stratégiques se font jour et de manière croissante dans les préoccupations des entrepreneurs africains de France ou des entreprises d’Afrique francophone voulant réaliser leurs objectifs commerciaux en dans l'union européenne.
Ces besoins transversaux et interdépendants nous obligent à fournir aux entrepreneurs désireux de travailler ou d’exporter dans l’union européenne, des outils d’aide à la décision. Nous voulons parler de la :
1 - Nécessité de disposer de groupe de défense d’intérêts économique
2 - Importance accrue du renseignement économique dans les relations d’affaires en Europe.
Face à la complexification croissantes des enjeux économiques en europe, les Etats, les entreprises, les industriels, les entrepreneurs africains, peinent à trouver des professionnels chargés de défendre leurs intérêts et de faire avancer leurs dossiers auprès des plus hautes instances dans leur pays ou dans l’union européenne.
On parle dans ce cas de lobby.
Le lobby dans un sens plus courant, est ce qu'on peut appeler un "groupe de pression" qui exerce une véritable influence sur la politique suivie (exemple: le lobby des agriculteurs en France).
Attention, il ne s'agit pas de corruption mais de "pression", c'est-à-dire qu'on reste dans les limites de la légalité. Le mot suppose donc une sorte de collectivité professionnelle (difficilement ethnique) rassemblée pour défendre un intérêt commun et jouissant d'un certain pouvoir économique et donc d'une force de pression sur le gouvernement.
Car, il faudrait le savoir : La réglementation est devenue dans les démocraties un enjeu de pouvoir.
Actuellement le mot est en pleine vitalité dans la langue française. Toujours sur le modèle américain, on utilise en français le mot "lobbying" (forme verbale qui indique une action en train de se faire).
Qu'est-ce que le lobbying ?
C'est le fait de pratiquer quasi professionnellement le lobby.
Plus clairement, se sont constitués des "cabinets de lobbying" qui emploient des spécialistes, économistes, juristes, qui se mettent au service de tel ou tel groupe industriel ou même politique. Ainsi à Strasbourg, lieu du parlement européen où se prennent bon nombre de décisions qui réglementeront l'industrie, le commerce, l'agriculture européenne, sévissent de nombreux cabinets de lobbying, chargés de défendre les intérêts de leurs clients, industriels, agriculteurs et de faire avancer leur dossier auprès des plus hautes instances du pouvoir.
Ne pas confondre avec un groupe d’intérêt ethnique ou tribal qui implique la prise en compte d’intérêts non quantifiables autre qu’économiques.
Le lobbying permet d'établir la communication entre ceux qui prennent les décisions, c'est-à-dire dans le jargon de l'économie politique moderne, les "décisionnaires", et ceux qui sont concernés à premier chef par les décisions qui seront prises. (Le lobbying serait peut-être la version moderne des syndicats avec en moins, bien sûr, la dimension sociale de ces derniers, puisque le lobbying ne poursuit que des objectifs économiques).
L'accroissement du lobbying est à relier avec la diversification et la spécialisation des secteurs auxquels nous assistons au sein de la société. Les lobbies sont présents à tous les niveaux; la complexité des affaires publiques, le besoin d'informations fiables en amont de toute décision politique ou économique sont autant de facteurs qui ont imposé les lobbies comme des interlocuteurs devenus indispensables auprès des politiques.
En effet, la naissance et le développement des groupes d'intérêts sont dus au rapport qui existe entre des institutions, des objectifs et le pouvoir politique.
Pratiquer le lobbying est une véritable profession qui exige des qualités de communication et des compétences techniques, c'est sans doute pour cela que s'est créé un nouveau mot, lui aussi directement calqué de l'anglais, le mot "lobbyiste" pour désigner ces nouveaux techniciens de l'économie politique.
Le lobbying a pour but d'influencer directement ou indirectement les processus d'élaboration, d'application ou d'interprétation des mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, de toute intervention ou décision des pouvoirs publics.
Les entreprises africaines face à la complexification des enjeux économiques.
Michel Clamen, spécialiste français du lobbying raconte :
« Une société de fournitures pour artistes demande à un consultant de surveiller la législation européenne en matière d’environnement. Détecté dès les premiers stades, un projet limitant l’emploi de certaines substances dans les peintures a pu être amendé. L’entreprise a obtenu une exception pour les couleurs d’art.
Une crème solaire française tire son principe de la pergamote. Son concurrent allemand utilise d’autres composants. Soudain, une rumeur qualifie l’extrait de bergamote de cancérigène. Du coup, le législateur européen limite la concentration de la bergamote dans les produits au contact de la peau, laissant le produit allemand à peu près seul sur le marché… »
Un autre exemple ; la directive européenne 91/414 concerne l’autorisation, l’utilisation, et le contrôle des produits phytosanitaires. Cette directive adoptée en 1991 recommande que d’ici à juillet 2003, 320 matières actives doivent être retirées du marché. L’objectif est de fixer une limite maximale de résidu dans la culture des produits agricoles. Or les exportateurs agricoles des pays d’Afrique francophone n’ont pas prévu faute d’information, ni développé quand ils en n’ont eu connaissance de produits de substitution. Ce qui du coup exclut du marché européen des produits agricoles de certains pays africains produit sans respect par ces entreprises des nouvelles normes sans cesse contraignantes.
Le cas de
La Direction générale de l'aviation civile française avait publié une décision suspendant les avions de
Ces exemples fournissent plusieurs enseignements. Pour nos entreprises, un texte, une décision peut modifier si profondément leur environnement qu’elles doivent prendre les devants en scannant en continu leur environnement économique.
Elles doivent être en mesure d’anticiper les intentions, d’être entendues pendant le travail administratif et suivrent les conditions de promulgations.
Notons aussi que malgré les décennies de négociations et en dépit de la mondialisation croissante, les frontières nationales et les gouvernements restent des facteurs essentiels dans le commerce international, qu'il s'agisse de cacao ou de satellites.
Les gouvernements continuent à concéder des avantages ou à imposer des obstacles qui modifient à la fois la nature et les résultats de la concurrence. Ainsi, lorsqu'une entreprise africaine veut traverser les frontières, ou se développer en France par exemple, elle doit définir une stratégie « politique » globale pour assurer sa réussite commerciale (il ne s’agit pas simplement de scander que telle entreprise est symbole, un drapeau, un emblème).
Quand le lobbying est offensif, il devient partie intégrante de certaines stratégies et menace les autres acteurs.
Dans ce type de situation, la stratégie d'une entreprise sera de convaincre que son problème d'accès au marché relève de l'intérêt politique à la fois de son pays d'origine et du gouvernement étranger en question.
Elle poursuit donc un objectif double : influencer le gouvernement étranger mais aussi engager son propre gouvernement dans cet effort.
L’exemple des grandes manœuvres de entreprises françaises en Afrique francophone.
Les entreprises françaises en Afrique combinent le fait d’avoir des relations avec le gouvernement sur une base ponctuelle en passant par des groupes de pression, des consultants et utilisent aussi une association commerciale, ou encore installent un petit bureau de représentation, avec des « chargés de mission », dans la capitale. A mesure que les échanges, les investissements ou la concurrence s'intensifient, la fonction des relations avec le gouvernement ou le chef de département ministériel est de plus en plus importance. Aujourd'hui, dans la plupart des grands groupes, le PDG ou « l’envoyé spécial » doit pouvoir intervenir auprès des décideurs politiques, chaque fois que les circonstances l'exigent, pour représenter et défendre les intérêts de l'entreprise. Dans cette démarche, elles développent des relations à long terme avec ceux qui, au sein du gouvernement, peuvent avoir une influence sur les décisions. Je mets un accent particulier sur les moyens (humains, financiers et techniques) dont dispose l'entreprise pour instaurer un dialogue efficace avec son propre gouvernement.
Trois considérations clefs s'imposent aux managers africains:
1. Quel doit être le degré de visibilité de l'entreprise lorsqu'elle fait pression sur son gouvernement pour qu'il agisse contre les entraves des marchés étrangers ?
2. Quelle est la crédibilité de votre gouvernement à l’extérieur ?
3. Comment l'entreprise peut-elle au mieux faire monter la pression afin que son gouvernement considère que la solution du problème est une priorité dans sa politique vis-à-vis de l'autre gouvernement ou multinationale et dans ses négociations avec ce dernier ?
Trois règles d’or pour défendre vos intérêts :
1. Etre à l’écoute de ce qui se prépare et qui pourra un jour vous concerner
2. Se regrouper entre PME partageant les mêmes intérêts
3. Analyse des mécanismes de prises de décision. Agir en concertation avec votre administration nationale, comment pourrez vous convaincre Paris si vous n’avez pas convaincu votre gouvernement ou la présidence de la république ?
Soyez sérieux et rigoureux dans la gestion des engagements et ayez la maîtrise de vos dossiers et de votre métier. Il est fréquent que le manque de rigueur et le manque de professionnalisme soient la cause des échecs africains observés. Le ministre camerounais des Finances : Polycarpe Abah Abah déclare «Nous n'avons pas payé les amendes à l'heure et c'est pour cela que les autorités britanniques avaient suspendu l'atterrissage des avions Camair à Londres. Il ne s'agissait pas du tout d'un problème technique». Sans commentaire.
1-Traiter avec le gouvernement
Ce rôle de défense stratégique doit être confié à un responsable commercial ou à un cabinet de spécialistes résident dans le pays cible, qui doit disposer d'un budget et d'une équipe de collaborateurs à part, rendre compte au PDG ou au conseil d'administration et travaille, soit en tandem, soit en symbiose, avec l'équipe responsable de la planification stratégique internationale. Les relations avec la multinationale ou les gouvernements de capitales étrangères sont désormais beaucoup plus étroitement coordonnées avec le siège de l'entreprise. Cette dernière ne dirige pas uniquement ses efforts en direction du gouvernement national, mais doit également veiller à ce que ses stratégies restent cohérentes dans toutes les capitales et relaient le même message à tous les gouvernements concernés, ou acteurs politiques ou économiques susceptibles d’être intéressés par la défense de vos intérêts.
Comment intensifier les relations avec ses représentants et les institutions gouvernementales ?
Deux approches :
L'approche la plus intelligente consiste à commencer par un briefing initial : Informer avec un dossier de sensibilisation-information.
L'objectif du briefing initial est d'attirer l'attention des fonctionnaires compétents sur votre problème, de les sensibiliser et d'entamer le processus « d'alliances stratégiques » pour votre entreprise au sein de l'administration.
Accentuer progressivement la pression : Persuader
La politisation
L'administration pourrait ne pas réagir favorablement à votre dossier et lui accorder une faible priorité pour toute une série de raisons d'ordre diplomatique, politique ou moral. Réussir à faire agir un gouvernement ou un ministre hésitant en votre faveur impose parfois d'accentuer la pression et d'adopter une tactique à haut risque.
Faire cavalier seul ou s'unir ?
Quel que soit le niveau approprié de pression, un des éléments clefs de la stratégie politique consiste à déterminer s'il convient d'agir seul ou de concert (pourquoi, comment, avec qui …?) avec d'autres entreprises du secteur.
Agir seul permet de mettre directement l'accent sur le problème particulier de votre entreprise et d'éviter le caractère complexe et les compromis qui vont de pair avec une action collective, où l'on doit mobiliser de nombreuses entreprises.
D'autre part, si l'ensemble d'un secteur adopte une démarche commune, son impact politique et moral en sera renforcé et il est alors plus probable que la question sera considérée comme étant d'intérêt général.
Merci de nous contacter pour en savoir plus.
Nous aborderons dans notre prochaine livraison le point 2 : l’importance accrue du renseignement économique dans les relations d’affaires.
Merci de se joindre à nous le 09 mars 2006 pour un workshop professionnel de 16h00 à 19h00 sur le thème suivant:
Comment protéger le patrimoine économique des Etats d’Afrique francophone ? Stratégie et voies d’actions. (Lieu : Tour Atlantique - 1, place de la Pyramide 92911 Paris La Défense)
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