Cela fait cinq ans que le Président Wade est au pouvoir au Sénégal. Qu’en est-il du “sopi” (changement) annoncé ?
Connaissez-vous cette blague que racontait Georges Benson à la télévision il y a plusieurs années de cela ? Les Présidents des Etats-Unis, de la France et du Sénégal sont dans un avion. Au bout d’un moment, le Président des Etats-Unis sort la main et dit : “ Nous sommes à New York. ”. Les autres lui demandent comment il le sait, et lui, leur répond qu’il vient de toucher le bout de l’Empire State Building. Plus tard, c’est le Président français qui sort la main et qui dit “ Nous sommes à Paris ”. Et il explique qu’il a touché le bout de la Tour Eiffel. Enfin, c’est le Président sénégalais qui sort la main et dit qu’ils sont au- dessus de Dakar. Ses compagnons de voyage lui font remarquer qu’il n’y a pas de hauts monuments à Dakar comme à New York ou Paris. Et le Président sénégalais leur rétorque : “ j’avais tout à l’heure ma montre. Mais quand j’ai sorti la main on me l’a piquée. Il n’y a qu’à Dakar où les pickpockets sont aussi rapides. ”
Le soir de mon arrivée à Dakar, je suis allé dîner avec quatre de mes compatriotes qui venaient eux aussi d’arriver. Nous marchions sur l’avenue Georges Pompidou. Nous avons croisé des vendeurs de babioles qui nous proposaient leurs marchandises en nous les mettant sous le nez. Pendant que nous tentions de les repousser, l’un d’eux a saisi le pied de l’un de mes compagnons pour admirer sa chaussure. Celui-ci s’est débattu et l’autre lui a lâché le pied. Nous avons continué notre chemin et, quelques instants plus tard, mon compagnon s’est aperçu que son téléphone portable qu’il avait en poche avait disparu. Nous nous tâtons tous. Rien d’autre n’est parti. Nous crions “ au voleur ”, et nous voyons nos bana-bana qui détalent en riant, heureux du bon coup qu’ils viennent de nous jouer.
C’est ainsi que m’accueille Dakar, une ville que j’aime bien pourtant, en ce début de décembre. Je maudis tous les bana-bana du Sénégal jusqu’à la quatrième génération. Les amis sénégalais nous consolent en nous expliquant que si Dakar a des pickpockets, il n’y a par contre pas de braqueurs qui tirent sur leurs victimes comme il en existe à Abidjan.
Dakar est une ville charmante tant qu’il n’y a pas de pickpockets et de mendiants. La ville a quelques similitudes avec notre Abidjan. L’aéroport s’appelait Yoff quand le nôtre s’appelait Port-Bouët, et il s’appelle Léopold Sédar Senghor depuis que le nôtre s’appelle Félix Houphouët-Boigny. Il faut dire qu’à la suite d’Houphouët-Boigny, Senghor à son tour est mort. Le quartier des affaires de Dakar où l’on trouve les grands immeubles s’appelle le Plateau comme le nôtre, et il n’y a pas très longtemps, leurs bus avaient exactement les mêmes couleurs que les nôtres. Il faut dire qu’on les achetait tous chez le même fournisseur en France et ce dernier a dû trouver plus économique de les peindre tous de la même couleur. Le Président Wade a créé une nouvelle compagnie de transport qui s’appelle Dakar Dem Diik et dont les bus sont peints en bleu. Histoire peut-être de se démarquer de nous. Mais contrairement à nous, le bord de mer à Dakar est très bien aménagé et c’est vraiment agréable de s’y promener. On y a construit un très beau monument qui s’appelle “ La Porte du millénaire ” et on y a aménagé des espaces où les Dakarois vont faire du sport sans craindre d’être agressés. Contrairement à Abidjan, le bord de mer est occupé par les personnes aisées et l’on y trouve de très belles maisons et de charmants restaurants et hôtels.
Il fait frais à Dakar en ce début du mois de décembre. Mais l’atmosphère politique est beaucoup plus chaude. Il y a l’affaire Idrissa Seck, du nom de l’ancien Premier ministre et ancien numéro deux du PDS, le parti du Président Wade et qui croupit en prison depuis plusieurs mois. Il y a aussi l’affaire Etat du Sénégal contre le groupe Sud, et l’affaire du couplage des élections. Il devrait y avoir l’affaire Hissène Habré mais le Président Wade a astucieusement botté en touche en proposant à l’Union africaine de régler le problème. Et sur ce point son oppostion est d’accord avec lui. Sur l’affaire Idrissa Seck, voir nos prochaines éditions. La seconde affaire a vu le jour à la mi-octobre, lorsque la radio Sud-FM a diffusé l’interview du chef rebelle Salif Sadio que l’on croyait mort. Le même jour, le ministre de l’Intérieur a fait couper la radio et saisir les exemplaires du journal Sud Quotidien qui devait reprendre l’interview. Et le groupe est poursuivi pour atteinte et complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Le 6 décembre, le jour même de mon arrivée, le tribunal avait renvoyé l’affaire au 6 janvier 2006. L’affaire a mis toute la presse sénégalaise en émoi. Elle ne trouve pas de mots assez durs pour fustiger cette atteinte à la liberté de la presse dont s’enorgueillissait le Sénégal. Il faut dire qu’entre le Président Wade et la presse, c’est pratiquement le divorce. Tous les journaux qui l’avaient soutenu lorsqu’il était dans l’opposition sont devenus ses adversaires les plus acharnés. Ces journaux lui reprochent entre autres la corruption de son entourage, son incompétence, et une certaine tendance à la dictature. Et j’entendrai souvent à Dakar une phrase que j’entends souvent ici : “ Quand le Parti Socialiste d’Abdou Diouf était au pouvoir, on pouvait manger les miettes de leurs repas. Mais ceux-là s’arrangent pour qu’aucune miette ne tombe. ” Si la presse sérieuse ne porte pas beaucoup le Président Wade dans son cœur, de petits journaux se sont créés pour le soutenir. L’un d’eux s’appelle “ Il est midi ” et son ton n’est pas très différent de “ le National ” de Tapé Koulou. Sa spécialité est l’insulte à Idrissa Seck et à tous ceux qui le supportent.
L’affaire du couplage des élections résulte de la volonté du Président Wade de reporter en 2007 les élections législatives qui devaient avoir lieu en 2006, au motif que le pays ayant été touché par les inondations, il valait mieux réserver l’argent destiné aux élections aux sinistrés. L’opposition estime que c’est parce que le Président a peur que son parti ne perde ces élections législatives l’année prochaine qu’il veut les reporter. Et c’est ce que croient la plupart des confrères avec qui j’ai discuté. Le Parti Socialiste qui a dirigé le pays pendant quarante ans et que l’on trouvait très timoré depuis qu’il avait perdu le pouvoir est monté au créneau et son premier secrétaire, M. Ousmane Tanor Dieng a déclaré : “ qu’il couple, qu’il découple, qu’il accouple, qu’il désaccouple, il décampera en 2007 ”. La phrase semble avoir fait mouche puisque quelques jours plus tard, le ministre Djibo Ka est venu défendre le couplage des élections et en a profité pour s’attaquer violemment à M. Tanor Dieng en l’accusant de parler un mauvais français, parce qu’il est un ancien géomètre, et d’avoir voulu faire de l’humour alors qu’il n’en a pas le talent. M. Tanor Dieng que j’ai rencontré par la suite au siège de son parti m’a dit qu’il traitait M. Djibo Ka par le mépris qui était la seule chose qu’il méritait. Il faut dire que M. Djibo Ka est un cas, sans jeu de mots. Il est de ceux que l’on appelle là-bas les “ transhumants ”, c’est-à-dire les gens qui passent d’un parti à l’autre au gré de leurs intérêts. M. Djibo Ka fut un tout jeune ministre sous Senghor, puis demeura ministre sous Diouf avant d’être candidat contre lui. Au second tour de la dernière élection, il s’allia à Diouf contre Wade. Wade a gagné. Cela n’a pas empêché Djibo Ka de passer avec armes et bagages du côté de Wade. Il est ministre d’Etat et c’est lui qui est chargé d’insulter ses anciens camarades. Il ne vous fait pas penser à quelqu’un d’ici ? Il vient de publier un livre intitulé “ Un petit berger au service de la république ” qui a été présenté au public le vendredi 9 décembre dernier. Pour M. Tanor Dieng, les arguments utilisés pour vouloir décaler les élections législatives sont tout simplement de faux arguments. “ Qu’est-ce qui dit que l’année prochaine il n’y aura pas à nouveau des inondations, ou la sécheresse ? ”, dit-il.
Cela fait déjà cinq ans que Maître Abdoulaye Wade dirige le Sénégal. Là-bas le mandat présidentiel est de sept ans. Quel bilan peut-on dresser de ces cinq ans à la tête de son pays ? Les avis sont naturellement partagés. Mon ami Oumar qui est du milieu de la culture me dit qu’il a déchiré sa carte du PDS, (le Parti Démocratique du Sénégal) le parti du président. Et cela, depuis que le Président a amnistié les assassins du juge Seye. C’était au temps où M. Wade était dans l’opposition. On avait soupçonné certains de ses proches d’être les commanditaires de ce crime et aujourd’hui, l’amnistie semble confirmer cela. Viyé, un autre ami artiste, trouve lui, que le plus grand succès de Wade se trouve au niveau de la diplomatie. “ Quand on parle des grands de ce continent, on parle d’Obasanjo, de Thabo Mbeki, de Bouteflika, mais aussi de Wade. C’est lui que l’on invite lors du sommet du G8, alors que le Sénégal n’est pas du tout comparable à des pays comme l’Afrique du Sud ou le Nigeria. ” Le problème de Wade, dit-il est son âge : “ Il sait qu’il n’a pas beaucoup de temps, mais il veut marquer l’histoire. Donc il veut tout faire en même temps. Et il fait tout mal. ” Le Président a plus de 80 ans. Pour Edwige, une autre amie sénégalaise, le seul succès de Wade est la nouvelle ligne de bus qu’il a créée. Pour elle, l’affaire Idrissa seck a beaucoup desservi le Président. Parce que l’ancien Premier ministre est resté très populaire et les Sénégalais n’ont pas du tout apprécié les conditions de son incarcération. Les partisans d’Idrissa Seck seraient persécutés, obligés de cacher leur sympathie pour l’ancien Premier ministre. Les Sénégalais trouvent également que Karim Wade, le fils du Président en fait un peu trop. Il est le directeur de l’agence nationale de l’Organisation de la Conférence Islamique qui doit se tenir à Dakar en 2007 et voyage beaucoup dans les pays arabes du Golfe. Il est prévu la construction d’une grande salle de conférence internationale et de trois hôtels de grand luxe qui seront financés par les riches musulmans du Golfe. On accuse Karim Wade d’être trop affairiste et d’être aussi à la base des problèmes d’Idrissa Seck.
Sur le plan économique, à vrai dire le Sénégal sous Wade ne se porte pas plus mal, ni mieux que sous Diouf. L’alternance a seulement fait venir de nouveaux hommes, avec une autre façon de gouverner. Le Sénégal a-t-il tiré profit de notre crise ? Si quelques entreprises ivoiriennes ont délocalisé au Sénégal, et si quelques riches d’ici sont allés investir là-bas, cela ne se sent pas beaucoup au niveau de la population qui pour la plupart est obligée de se contenter d’un seul repas par jour. Le Sénégal est un pays sahélien, mais qui a été récemment frappé par de grandes inondations.
Malgré son grand âge, il ne fait pas de doute que le Président Wade sera candidat à sa propre succession en 2007. “ Avec toutes les chances de gagner ”, m’assure un confrère. “ Il a en face de lui une opposition divisée, timorée, qui, parce qu’elle est restée trop longtemps au pouvoir, ne sait pas comment s’opposer, et aussi qui manque d’hommes charismatiques. Et aussi, et là je te demande de ne pas me citer, tous les leaders de cette opposition sont castés. ” “ Castés ? ” Etre casté au Sénégal signifie appartenir à une caste inférieure. Et cet ami m’explique que si l’on ne parle pas à haute voix de ce problème, il n’en existe pas moins dans la tête d’une bonne partie de la population sénégalaise qui ne peut concevoir que le pays soit dirigé par quelqu’un qui appartiendrait à une caste inférieure. Et ces “ castés ” de l’opposition seraient messieurs Tanor Dieng, Moustapha Niasse et Idrissa Seck. Eh oui ! le Sénégal est l’une des plus vieilles démocraties de notre continent, mais la féodalité y existe toujours.
Dans ces conditions, le Président Wade a toutes les chances d’être réélu en 2007. Mais terminera-t-il son mandat ? C’est une autre histoire. Mais beaucoup de personnes misent dessus. Ceux qui aspirent à lui succéder se préparent. Et l’on met sur le compte du grand âge du président la voracité de son entourage. “ Ils se disent que ça peut finir du jour au lendemain. Alors il faut qu’ils s’en mettent le maximum de côté ”, dit-on à Dakar. On se croirait en Côte d’Ivoire. Et la grande erreur d’Idrissa Seck serait d’avoir été un peu trop pressé dans la course à la succession. Cela aussi est une autre histoire que je vous raconterai dans nos prochaines éditions.
Et la rébellion casamançaise ? on n’en parle presque plus au Sénégal. Il faut dire qu’à la différence de la nôtre, elle ne contrôle pas une grande région. Elle ne contrôle même pas la Casamance où elle est basée. Ses actions ressemblent plus à du grand banditisme qu’à des vrais actes de rébellion. Et à la vérité, ses leaders réclament de moins en moins l’indépendance de leur région.
Si certains adversaires du Président Wade vont jusqu’à prédire qu’avec lui et sa façon de gouverner, le Sénégal pourrait connaître une situation similaire à celle de la Côte d’Ivoire, on peut dire que c’est vraiment de l’exagération. Si la démocratie sénégalaise connaît quelques balbutiements, on peut mettre cela sur le compte d’une crise de croissance. Et l’on peut prédire que les Sénégalais ont assez de ressources pour éviter de tomber dans les bas-fonds dans lesquels nous nous trouvons en Côte d’Ivoire.
Mendicité sénégalaise
Le samedi 10 décembre dernier, lors du journal télévisé de la mi-journée, l’on a annoncé qu’un député avait proposé une initiative pour mettre fin à la mendicité au Sénégal. Et l’ami sénégalais en compagnie duquel je me trouvais a murmuré “ il va avoir du boulot, celui-là ”. Et il m’est revenu une histoire qui s’était déroulée il y a deux ans, lors de mon précédent séjour à Dakar. Mon séjour avait coïncidé avec un atelier de design et mes amis Vincent Niamien et Valérie Oka se trouvaient aussi à Dakar. Et je passais beaucoup de temps en leur compagnie. Il y avait dans leur groupe deux Français de Saint-Etienne qui découvraient l’Afrique Noire pour la première fois. L’un, qui était dans la soixantaine avait une grande barbe et tout l’air du soixante-huitard non repenti. Il trouvait tout, beau, magnifique. L’autre, plus jeune, parlait peu et avait le regard toujours sombre. Un jour nous leur avons demandé s’ils appréciaient leur séjour au Sénégal. Le soixante-huitard était en extase. Pour lui tout était merveilleux, et il s’en voulait presque de n’être pas venu en Afrique plus tôt. Pour lui, le seul problème de l’Afrique était ses ancêtres à lui qui étaient venus nous esclavagiser et nous coloniser. Il nous promettait de revenir aussitôt qu’il sera rentré en France. Lorsque nous avons posé la même question à son compatriote, il nous a sèchement répondu que c’était la dernière fois qu’il mettait les pieds sur ce continent. Et devant notre étonnement, il nous expliqua qu’il venait de comprendre que les choses se dégradaient au fur et à mesure que l’on descendait vers le sud. Et il nous raconta qu’en Europe du nord tout était parfait, bien organisé, que ça se dégradait un peu lorsqu’on allait dans le sud de l’Europe, avec les exemples de l’Italie et de la Grèce, puis c’était carrément le bordel en Afrique du nord. Et pour ce qui concerne l’Afrique Noire, il ne trouvait pas de mot pour décrire la situation. Et il nous reprocha, à nous qui avions l’habitude d’entendre les Blancs nous dire que notre continent était le plus beau, que nous étions de braves et charmants types qui avions juste eu le malheur de croiser les Blancs sur leur chemin, il nous reprocha donc notre saleté, notre mauvaise organisation, la chaleur, la poussière, les embouteillages de Dakar, nos rires idiots, nos odeurs, le bruit… Tout y passa. Mais, nous dit-il, ce qui le choquait le plus était la mendicité qui s’étalait partout sans pudeur. Nous crûmes voir une faille dans son réquisitoire. “ Est-ce qu’il n’y a pas de mendiants en France, la France qui se dit pays développé ? Et vos clochards, ce ne sont pas des mendiants ? ” avons-nous rétorqué avec véhémence. Et lui, nous répondit froidement : “ il y a des mendiants chez nous. Mais la différence est qu’ici, vous les élevez dès le berceau déjà pour en faire des mendiants. ”
Eh oui ! Dès l’école coranique on apprend aux enfants à mendier. Lorsqu’ils deviennent grands, certains deviennent des Mbaye Fall, c’est-à-dire des mendiants professionnels au service d’un marabout de la confrérie des Mourides à qui ils remettent tout le produit de leur mendicité. D’autres le font tout aussi professionnellement, mais à leur propre compte. Et tout l’Etat qui a été élevé ainsi vit de mendicité. On aime bien aller mendier de l’argent au nord. Nous n’en avons pas honte. Nous avons été élevés dans la mendicité. Personne n’a honte de mendier à Dakar. Difficile de circuler sans subir les mendiants. Les Mbaye Fall sont les plus agressifs. Ils vous tendent leurs sébiles sous le nez pendant que vous êtes dans votre taxi, et c’est à peine s’ils ne vous saisissent pas au collet pour vous demander pourquoi vous refusez de leur donner l’aumône. Les enfants des rues ne sont pas moins agressifs. On les croise partout dans les rues du Plateau. Ils vous entourent, attendant la moindre occasion pour vous piquer votre porte feuille ou votre téléphone portable. Et la nuit tombée, c’est par familles entières que les mendiants se couchent sur des cartons, emmitouflés dans des couvertures de fortune, sous les arcades des immeubles du Plateau. Et quelle que soit l’heure à laquelle vous rentrez à votre hôtel, vous trouverez une petite fille pour vous poursuivre avec sa sébile en mendiant une pièce, pendant que ses parents dorment à côté.
Alors, supprimer la mendicité au Sénégal ? C’est enlever un peu de son âme à ce pays. Lisez ou relisez Aminata Sow Fall qui raconte merveilleusement dans son roman “ La grève des Battus ” comment les choses se sont mises à aller mal pour une haute autorité qui a eu un jour l’idée saugrenue de faire disparaître les mendiants des rues de Dakar, et qu’en représailles, ces derniers se sont mis à faire la grève.
Déjeuner sénégalais
Si un Sénégalais vous invite à déjeuner chez lui, faites attention. Il m’est arrivé une mésaventure lors de mon précédent séjour à Dakar. Mon ami Oumar que je venais de connaître m’a invité un jour à déjeuner chez lui. Et le jour dit, je me suis pointé chez lui à midi. J’ai vu que Oumar a eu l’air un peu surpris de me voir, mais je n’y ai pas prêté attention. Nous avons beaucoup bavardé, nous avons parlé littérature, mon domaine de prédilection, et 13 heures ont sonné. Nous avons parlé culture, le domaine de prédilection d’Oumar et quatorze heures ont sonné. Je ne comprenais plus rien, et surtout je mourais de faim. Je me suis dit que j’avais dû mal entendre, que l’invitation n’était pas pour ce jour, ou alors qu’Oumar avait oublié. Mais ce que je ne comprenais pas était que je ne voyais personne manger dans la maison. Les enfants étaient sereins et n’avaient pas l’air d’avoir faim. Avaient-ils déjà mangé ? A cette époque Oumar et moi n’étions pas encore assez amis pour que je le lui demande directement de quoi il retournait.
Puis nous sommes sortis nous promener dans le quartier. A quinze heures je n’en pouvais plus. J’ai “ demandé la route ” à Oumar en prétextant un rendez-vous. Il s’est récrié en me disant qu’il était convenu que nous déjeunions ensemble, et que le repas était presque prêt. Nous sommes repartis chez lui et finalement c’est à seize heures que nous nous sommes tous accroupis autour du gros plat de riz posé par terre. Nous étions une bonne dizaine de personnes. Je n’ai jamais autant apprécié un plat de riz. J’ai raconté plus tard ma mésaventure à mon amie Corinne qui est ivoiro-sénégalaise et c’est elle qui m’a appris qu’à Dakar, le déjeuner se prend à seize heures. Et c’est à ce moment que j’ai compris l’étonnement de Oumar lorsqu’il m’a vu arriver à midi. Lors de ce séjour-ci, chaque fois que l’on m’invitait à déjeuner, je demandais à quelle heure je devais arriver, et je prenais mes dispositions. Et cette fois-ci, comme mes hôtes avaient tous déjà vécu en Côte d’Ivoire, on déjeunait assez tôt, c’est-à-dire à quatorze heures.
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