Dakar, Sénégal, 22/11 - L`extradition de l`ancien président tchadien Hissène Habré relèverait d`un double manquement aux règles légales régissant le droit d`asile, ainsi qu`aux valeurs éthiques et culturelles qui exigent la protection d`un demandeur de refuge, ont estimé lundi à Dakar, des intellectuels sénégalais.
Selon ce regroupement d`universitaires et d`hommes politiques dénommé "Collectif citoyen pour la non-extradition de Hissène Habré", si l`on revient au contexte dans lequel se sont produits les faits qu`on reproche à Habré, il faut avoir en mémoire que le Tchad était en guerre de libération nationale contre la double menace française et libyenne.
Le Pr Hamidou Dia, membre du Collectif, qui s`exprimait ainsi au cours d`une conférence de presse, a indiqué que "dans ce contexte, s`il faut juger il faut attraire devant la justice tous les Tchadiens concernés, de Habré by en passant par Goukouni et Kamougué, sans oublier les responsables des exactions françaises et libyennes, notamment à Faya-Largeau".
Le Collectif récuse la compétence universelle de la justice belge qui a lancé le mandat d`arrêt contre l`ancien président tchadien. "La compétence universelle signifie que tout pays signataire des conventions sur la torture, le génocide et, d`une manière générale, les crimes contre l`humanité peut prévoir dans sa législation interne sa compétence pour poursuivre et juger toute personne coupable d`un crime contre l`humanité quels que soient sa nationalité, celle des victimes et le territoire sur lequel le crime aurait été commis", a expliqué Me Ousmane Sèye, un autre membre du Collectif.
"Le Sénégal a certes ratifié toutes les conventions sur les crimes contre l`humanité, mais il n`a pas la compétence universelle du fait qu`il n`a pas prévu la mise en oeuvre de ces conventions dans sa législation interne", a-t-il rappelé, soulignant cependant que le Collectif "ne prône pas une quelconque impunité".
Dans son argumentaire, Me Sèye a relevé que la Belgique a prévu la compétence universelle de ses juridictions dans une loi de 1993 qui a été modifiée en 2003 pour réduire très sensiblement cette compétence universelle.
"C`est pour cela qu`on ne saurait aujourd`hui parler de compétence universelle des juridictions belges en matière de crimes contre l`humanité. En effet, la Belgique n`est compétente que si le crime a été commis en Belgique, si le criminel est un Belge ou si la victime est belge", a insisté, Me Ousmane Sèye.
Pour l`avocat, du point de vue de ces considérations juridiques, "les juridictions belges sont incompétentes pour juger Hissène Habré, au nom de l`absence du lieu de rattachement et de la non-rétroactivité des lois pénales".
Il a révélé que le dossier de demande d`extradition de la Belgique ne comporte que la plainte d`une seule victime. "D`origine tchadienne, cette victime a même acquis la nationalité belge depuis 1998", s`est désolé Me Sèye, déplorant l`acharnement de la justice belge sur l`ancien président tchadien.
"Pourquoi cette même justice n`a pas pu aller au bout de ses poursuites contre le Premier ministre israélien Ariel Sharon et les soldats américains", s`est interrogé Amadou Tidiane Wone, ancien ministre de la Culture, estimant qu`extrader Habré serait "renoncer à nos propres valeurs de téranga (hospitalité) si enracinées dans le génie de notre peuple".
L`opinion est partagée sur la demande d`extradition de Hissène Habré. A l`opposé du Collectif, il existe une Coalition sénégalaise pour l`extradition de Hissène Habré vers la Belgique (COSEHAB), qui milite activement pour atteindre son objectif.
Hissène Habré a été arrêté mardi dernier à Dakar par la justice sénégalaise suite au mandat d`arrêt lancé contre lui en septembre 2005 par les juridictions belges.
L`ancien président sera fixé sur son sort mardi 22 novembre, date à laquelle la chambre d`accusation de la Cour d`appel de Dakar rendra en audience publique le délibéré de sa comparution.
(AngolaPress)
Commentaires