PARIS (AFP) - Près de 900 véhicules incendiés dans toute la France, des écoles et bâtiments publics attaqués, quelque 250 interpellations: le bilan des violences dans les quartiers sensibles s'est encore alourdi samedi après une neuvième nuit d'émeutes qui gagnent désormais la province.
"Le gouvernement est unanime sur la fermeté" face aux violences, a déclaré le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, à l'issue d'une réunion ministérielle tenue à la mi-journée à Matignon sur la crise dans les banlieues et présidée par le Premier ministre Dominique de Villepin.
"Chacun doit comprendre que mettre le feu à un véhicule, c'est injuste à l'endroit du propriétaire du véhicule et ça peut coûter cher en termes de condamnations", a-t-il ajouté sur le perron de Matignon.
Dominique de Villepin a ensuite reçu le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, également président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il a demandé par ailleurs au ministre de l'Emploi Jean-Louis Borloo "d'accélérer" la mise en place des plans de rénovation urbaine et de cohésion sociale.
Au cours de cette neuvième nuit d'émeutes, le nombre de véhicules (voitures, bus, camions, deux-roues à moteur...) incendiés en Ile-de-France a encore progressé par rapport à la veille : plus de 656 contre 519.
Le phénomène est en régression dans les départements les plus touchés jusqu'à présent, diminution notable en Seine-Saint-Denis (132 contre 205), plus modeste dans le Val-d'Oise (85 contre 96).
En revanche, le bilan s'est alourdi dans des endroits jusqu'alors plus épargnés : Val-d'Oise (120 contre 105), Essonne (115 contre 54), Hauts-de-Seine (plus de 100 contre 41), Val-de-Marne (74 contre 21).
A Paris, le bilan reste relativement anecdotique (13 véhicules détruits contre 7) mais un cocktail Molotov a été tiré contre un commissariat, place des Fêtes, dans le XIXe arrondissement, a constaté un photographe de l'AFP.
Phénomène apparu timidement la veille, la contagion gagne la province : 241 véhicules y ont été brûlés, soit plus du quart du chiffre national, contre 77 la nuit précédente.
Les départements les plus touchés sont le Nord avec 51 véhicules brûlés dont 48 pour Lille, Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, le Bas-Rhin, le Loiret et un autre, l'Ille-et-Vilaine, peu habitué aux violences urbaines.
Dans l'ouest de la France, 39 véhicules ont été incendiés, dont 18 à Rennes, et 8 à Orléans. L'incident le plus grave s'est déroulé à Cléon en Seine-Maritime, où des inconnus ont lancé des bouteilles incendiaires à l'intérieur d'un bus. La conductrice et les passagers ont heureusement pu descendre avant que le bus ne s'embrase.
Rien de notable, en revanche n'a été signalé dans la région de Marseille.
Le bilan des interpellations a lui fortement augmenté : 253 fauteurs de troubles présumés ont été interpellés (dont 233 en Ile-de-France), contre 78 la veille.
Nicolas Sarkozy, lors d'une visite nocturne à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) à Viroflay, a demandé à ses hommes des "interpellations" et du "renseignement" pour comprendre l'organisation des émeutiers.
"Les interpellations, c'est la clé", a-t-il insisté.
Parmi les faits les plus marquants en Ile-de-France ont été relevés en Seine-Saint-Denis l'incendie et le vol de matériel informatique au tribunal d'instance, l'incendie d'un entrepôt textile (Aubervilliers), et d'une concession automobile (Montreuil).
Dans l'Essonne, un policier a été blessé près de la cité des Tarterêts tandis que la mairie de Saint-Michel-sur-Orge était en partie ravagée par un incendie.
Les émeutiers s'en sont pris à plusieurs classes ou écoles. Ainsi une école maternelle et primaire a été détruite en partie à Brétigny-sur-Orge (Essonne). De même, une classe de collège dans le Val-de-Marne, deux classes d'une école maternelle à Achères, dans les Yvelines et un espace culturel attenant au collège Jean-Monet de Torcy (Seine-et-Marne). A Evry, dans l'Essonne, un début d'incendie a été signalé au groupe scolaire Bonaparte.
A Aulnay-sous-Bois, l'une des villes de Seine-Saint-Denis les plus touchées par les violences de ces derniers jours, plus de 500 personnes se sont rassemblées samedi en fin de matinée devant la caserne des pompiers à l'appel du maire UMP Gérard Gaudron, qui a voulu par là marquer que sa ville "ne cédait pas à la violence".
"On est là pour demander qu'on puisse exercer notre métier dans le calme", a expliqué à l'AFP Moucrad Baitiche, gérant d'une petite concession automobile d'Aulnay où 18 véhicules sont partis en flamme dans la nuit de mercredi à jeudi.
De même à Sevran, où une quinquagénaire handicapée avait été gravement brûlée au cours de l'attaque d'un bus, 150 personnes ont défilé pour demander la fin des violences.
Le procureur général de Paris Yves Bot, commentant ces événements sur Europe 1, a estimé qu'il s'agissait de "violences organisées".
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